Je travaille au Ministère de la Justice et de la Police, à la Direction de l’Administration Pénitentiaire. Dans mon intervention, je vais tenter de vous présenter la législation relative aux mineurs en conflit avec la loi que je vais également compléter avec des expériences pratiques.
Cette conférence est dédiée au droit à l’éducation des enfants. Dans mon domaine, c’est-à-dire le droit pénal et le droit de l’exécution des peines, la notion de l’enfant se voit limitée à la catégorie des mineurs comprenant, selon la loi, les enfants entre l’âge de 14 et 18 ans. Selon la législation hongroise, la définition des mineurs est relative aux enfants qui ont commis un délit ou un crime entre l’âge de 14-18 ans.
Le Ministère de la Justice et de la Police supervise des institutions qui peuvent etre divisées en deux catégories : La première catégorie comprend des établissements pénitentiaires pour les mineurs (EPM) comme les maisons centrales et centres de détention où les mineurs peuvent rester jusqu’à l’âge de 21 ans. La deuxième catégorie comprend des centres d’éducation surveillée où les mineurs peuvent rester jusqu’à l’âge de 19 ans. Cette solution est très favorable pour l’enseignement. En Hongrie, il existe 4 établissements dans chaque catégorie.
Premièrement, je voudrais parler des EPM et après des centres d’éducation surveillés. Voici quelques chiffres au concernant des prisonniers.
En Hongrie, le nombre des détenus est :
Au total : 14989 dont 14022 Hommes et 967 Femmes
Et le nombre des détenus mineurs est :
Au total : 519 dont 490 Hommes et 22 Femmes.
Ces chiffres comprennent et les prévenus et les condamnés.
La proportion des mineurs dans la population carcérale s’élève à 3 %. Tout comme dans la population adulte, les femmes sont également sous-représentées dans la population carcérale mineure.
Les Etablissements pénitentiaires pour mineurs sont conformes aux règles pénitentiaires européennes :
Les EPM sont en tous points conformes aux principes concernant les mineurs présentés dans les articles relatifs des règles pénitentiaires adoptées par la Hongrie et l’ensemble des membres du Conseil de l’Europe le 11 janvier 2006.
Ces établissements permettent en effet : une séparation totale des mineurs de la détention adultes ; un accès á l’enseignement ; un accès aux services sociaux, psychologiques et éducatif, à des programmes récréatifs ou à des activités similaires, tels qu’ils sont accessibles aux mineurs en milieu ouvert.
Dans leurs présentations tenues hier, mes collègues ont souligné que le droit à l’éducation découle de la Constitution. La Loi sur l’éducation nationale dispose sur la scolarité obligatoire qui doit être respectée au maximum dans le milieu carcéral aussi pendant l’exécution des peines. Conformément à cette loi, chacun doit obligatoirement continuer ses études jusqu’à l’âge de 18 ans. Cette obligation cesse à l’âge de 16 ans si le mineur passe un brevet professionnel ou le baccalauréat.
L’éducation, la formation et l’emploi des mineurs en milieu carcéral
La Loi sur l’exécution des peines stipule le droit à l’éducation primaire ou sur demande à l’éducation secondaire ou supérieure de tout détenu ainsi que le droit à la possibilité de préparer des examens. La Loi déclare qu’il faut porter une attention particulière à l’éducation, à l’instruction et au développement de la personnalité des mineurs. Conformément à l’esprit de la loi, il faut assurer l’éducation primaire et la formation professionnelle dans le milieu carcéral. L’éducation primaire est obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans. La poursuite des études secondaires ou supérieures peut être autorisé sur demande par le Directeur de l’établissement pénitentiaire.
La Loi permet également aux fondations et aux établissements scolaires ecclésiastiques de pouvoir dispenser de l’éducation au sein de tout établissement pénitentiaire.
La fourniture scolaire, les manuels et les frais divers liés à l’éducation primaire sont à la charge de l’organisation pénitentiaire ; en ce qui concerne l’éducation professionnelle, secondaire ou supérieure cette obligation n’existe pas. Si l’organisation pénitentiaire n’est pas en mesure de porter ces charges, les fondations peuvent jouer un rôle déterminant dans le soutien financier des détenus.
Comme illustration, voici ce tableau indiquant que les jeunes passent en général relativement peu de temps dans les institutions pénitentiaires c’est pourquoi l’organisation de leur éducation n’est pas facile.
Parallèlement à la pratique internationale, la première mission de l’éducation dispensée en milieu fermé est avant tout la diminution du retard et du manque de socialisation des plus démunis. Il est ainsi très important d’essayer de développer leurs capacités et leurs compétences et de les pousser à terminer leurs études primaires. La majorité des mineurs détenus vient d’un milieu social très défavorisé, 8-10 % ne sont pas scolarisés ou n’ont terminé que la 1ère ou 2ème année, alors, ne savent ni lire, ni écrire.
En Hongrie, l’éducation primaire dure 8 ans et comprend le collège, et l’éducation secondaire dure 4 ans. La scolarisation des enfants commence á l’age de 6 ans.
Le tableau illustre pertinemment que plus que la moitié des mineurs détenus n’a pas terminé ses études primaires, les programmes de l’éducation carcérale doivent en tenir compte. Outre l’organisation des groupes d’apprentissage, il est également indispensable d’offrir la possibilité à la répétition et aux cours de rattrapage. A peu près 40 % des mineurs détenus sont en revanche capable de poursuivre une formation professionnelle.
Considérant leur milieu social défavorisé et leurs difficultés d’apprentissage, les établissements pénitentiaires pour mineurs doivent proposer, outre l’éducation primaire, des conditions adaptées à une formation professionnelle. Seuls 2 à 4 % de ces mineurs possèdent un brevet professionnel, c’est alors la formation professionnelle qui peut le plus les aider dans la réinsertion. L’échec de la réinsertion est avant tout dû au manque de formation professionnelle.
Permettez-moi d’illustrer les possibilités offertes par les établissements pénitentiaires pour mineurs en Hongrie en prenant comme exemple l’établissement situé à Szirmabesenyő. Szirmabesenyő se trouve à côté de Miskolc, troisième ville de Hongrie, dans le Nord-Est du pays. C’est une région en difficulté avec un passé industriel où le chômage et la criminalité sont plus élevés que la moyenne nationale.
Dans cet établissement, il y a actuellement 137 détenus.
I. Les formes de l’éducation primaires :
Education générale (par exemple : lecture, écriture, littérature, histoire, mathématiques), Education spécialisée (matières professionnelles, artistiques, etc.), Classes 7 et 8, Classes 5 et 6.
Les professeurs enseignant dans cet établissement dresse le bilan de chaque élève (comme par exemple capacités et difficultés individuelles, niveau des connaissance, manques). Dans les classes citées ci-dessus, les professeurs s’occupent également des élèves qui ont des besoins spécifiques.
En septembre 2007, 64 élèvent ont été scolarisés dans l’éducation primaire. (Soit 64 sur 137 des détenus), 11 personnes ont interrompu leurs études car transférées, 14 personnes ont changé de régime (à leur propre demande où à cause de leur comportement antisocial), 16 personnes ont été libérées.
Dans le programme spécial, les détenus ont la possibilité de bénéficier d’une éducation artistique dans quatre domaines qui sont : Arts graphiques, théâtre, danse folklorique, musique.
II. L’éducation secondaire dite « numérique »
Cet établissement était pionnier dans ce domaine.
La première rentrée de l’école numérique a eu lieu en septembre 2003.
19 ordinateurs sont à la disposition des détenus ; La formation dure 3 ans.
Dans ce concept, il est très important de souligner que les détenus libérés peuvent continuer leurs études dans un des 12 centres de consultation micro-régionaux.
III. Autres possibilités de formation
Cursus, ateliers
La mise en place des cours spécifiques et des ateliers a répondu à une attente forte de la part de la population carcérale.
– cours d’anglais. Cursus composant de 360 cours avec une fréquence de 3 fois 3 heures de cours par semaine.
– cours de conducteur de chariot
– cours d’aide jardinier
– cours de constructeur du four
– ECDL START
– cours de chargés de chaudière
Ateliers
– vannerie
– céramiste
– maroquinier et relieur
L’éducation, la formation et l’emploi des mineurs dans les centres d’éducation surveillée
Le milieu des centres d’éducation surveillée est moins sévère que celui des EPM. Il est plus familial et amical. Les mineurs passent dans ces établissements au moins 1 an et au maximum 3 ans, en fonction de la sentence.
Je voudrais illustrer les possibilités offertes par un des centres d’éducation surveillés qui se trouve à Debrecen. Dans cet établissement, le nombre des mineurs est 88-92.
Dans les centres d’éducation surveillés, les éducateurs préparent un plan éducatif pour chaque mineur à l’aide des tests psychologiques et des tests qui mesurent le niveau des connaissances. En fonction de ces tests, les éducateurs décident du rythme de la continuation des études.
Il est caractéristique que les mineurs recommencent l’école après 1 ou plusieurs années d’échec scolaire. Leurs connaissances diffèrent des notes du bulletin scolaire et les mineurs ont souvent des problèmes avec devoirs les plus simples. Ils sont démotivés, ne veulent ni continuer leurs études, ni atteindre un plus haut niveau scolaire ou une profession.
Pour les mineurs, l’école primaire est obligatoire jusqu’à l’âge d’instruction obligatoire. Si un jeune décide de continuer ses études après cette obligation, il lui faut garantir de pouvoir continuer ses études s’il le demande. Si le jeune n’a pas encore terminé ses études secondaires, il faut lui donner la possibilité de continuer ses études dans des cadres individuels. Si un mineur souffre d’un handicap mental, il faut lui assurer l’accès à une éducation appropriée.
A Debrecen, après avoir évalué le niveau de connaissances des mineurs, ceux-ci sont séparés en plusieurs groupes différents. De nos jours, 12 groups existent : 8 pour continuer l’école primaire, 3 pour rattraper le retard et un group spécial avec l’aide d’un expert médico-pédagogique.
Le curriculum est enseigné en mettant l’accent sur le strict essentiel. Les manques de connaissances ne peuvent être rattrapés qu’à l’aide des cours de rattrapage particuliers. Les élèves sont cependant largement motivés par le perspectif d’obtenir un brevet ou un certificat comme résultat de leur dur travail.
L’enseignement dans ces instituts est fondamentalement différent de l’enseignement traditionnel car les mineurs arrivent et partent tout au long de l’année. C’est pourquoi la notion de l’année scolaire couvre dans ces établissements toute l’année du calendrier. L’enseignement est continu et il n’existe pas de vacances d’été.
L’institut a une propre école avec neuf professeurs dont un expert médico-pédagogique. Il est très important de souligner que le certificat ne comporte aucune indication de l’institut, il est pareil à un document d’école civile.
Selon les expériences des professeurs, grâce au changement d’attitude vis-à-vis leur scolarisation, les mineurs étudient mieux et leurs résultats sont aussi meilleurs que dans l’école précédente. Ils sont motivés de continuer leurs études même après leur séjour dans un centre d’éducation surveillé. Même les élèves qui ne réussissent pas à obtenir un certificat pendant leur séjour quittent l’établissement munis de compétences et de connaissances dont ils pourront faire le bon usage dans leur future carrière et pourront ainsi plus facilement réintégrer la société.
Les programmes mis en place en dehors des cours scolaires représentent une aide considérable :
a) Cours de rattrapage individuel.
b) Mise en place des ateliers dans les domaines des jeux de langage, des connaissances informatiques, de la protection de l’environnement, guitare, chant, éducation physique, musculation, haltérophilie. 78 % des mineurs fréquentent 1 atelier et 22 % d’entre eux en fréquentent deux. Les ateliers les plus populaires sont l’informatique (18 personnes) et la protection de l’environnement (16 personnes).
c) Les jeunes participent également à la rédaction du magazine de l’établissement dont le titre mérite attention. Littéralement, c’est MÁKVIRÁG, c’est-à-dire fleur de pavot qui fait allusions aux aigrefins ou chenapans mais également aux « plantes », métaphore des jeunes qui ont besoin de beaucoup de soins mais en sont reconnaissants
Dans cet établissement, l’éducation professionnelle vise à offrir aux jeunes des compétences et des connaissances pratiques. L’éducation professionnelle est dispensée dans de différents ateliers et fermes modèles où plusieurs métiers sont enseignés. L’objectif de cette éducation est d’aider les jeunes à trouver leur place dans la société, une fois libérés.
L’établissement de Debrecen a comme devise les idées suivantes que nous plaçons comme conclusion à la fin de notre intervention :
Nous espérons que nos jeunes, une fois réintégrés la société, pourront appliquer de manière positive les connaissances acquises dans notre établissement. Selon notre idéal, nos jeunes sont polis et disciplinés dans leur comportement. Ils sont soucieux de préserver la culture nationale, les beautés de l’environnement, les valeurs et les traditions des autres peuples. Nous leur souhaitons une vie exempte d’habitudes pouvant nuire à leur santé et à leur intégrité et qu’ils servent de modèle dans leur milieu familial. Aussi, doivent-ils bénéficier d’une motivation suffisamment forte pour qu’ils se sentent aptes à finir leurs études primaires et à obtenir une qualification.
Merci de votre attention.
Mme Melinda ILLES, département des institutions pénitentiaires, Ministère de la Justice et de la Police, Hongrie.
Conférence régionale « Droit des enfants et égalité des chaces dans l’accès à l’éducation »
Atelier « Droit à l’éducation des mineurs en conflit avec la loi »
4 et 5 juin 2008, Bucarest.