Le samedi matin, dans une salle austère du tribunal pour enfants de Paris, se tient la réunion mensuelle de l’AFMJF.
Alain est toujours présent ; une présence discrète et forte, incontournable par le poids de son éclairage. Sa pensée si construite se nourrit de l’écoute du groupe d’une quinzaine de juges des enfants animés d’une même passion pour ce métier dans lequel nous croyons tous, profondément. Ensemble nous en mesurons le sens, la nécessité sociale mais nous connaissons aussi les risques de son exercice. Alors, il faut échanger, partager, débattre.
Pour Alain, transcendant les générations, la voix de chacun est prise en compte.
Pour notre groupe, Alain est la référence.
Chargée de porter les orientations de notre association, l’approbation d’Alain a toujours été pour moi une garantie nécessaire. Nourri de nos échanges, il leur donne corps et ouvre des perspectives. Sa pensée est dense, renouvelée, précise, sans compromis, un raisonnement implacable déroulé au moyen d’une écriture ciselée, efficace. Chaque mot a du sens. Une pensée de gauche revigorante.
Il y eut aussi des soirées, dans une autre salle sombre du tribunal pour enfants, avec Thierry, Hervé, Muriel, Charlotte, Martine, Robert et d’autres ; nous avons tiré les fils du projet conçu par Alain, pour une justice des enfants renouvelée, nous l’avons confronté à la réalité de notre quotidien, aux besoins des adolescents, à ceux de leurs victimes et à l’intérêt de la société.
En ce mois de septembre 2015, un projet de réforme de la justice pénale des mineurs, inspiré de la réflexion initiée par Alain est porté par Christiane Taubira.
Ensemble, pour l’AFMJF, nous avons aussi déménagé nos meubles et archives dans un sens, puis déménagé à nouveau dans l’autre, collé des enveloppes en nocturne jusqu’à épuisement…..
Au delà de ces temps collectifs, les témoignages de confiance d’Alain me sont précieux à titre personnel.
Quand il me propose de prendre sa suite à l’université, qu’il m’en convainc alors que je doutais d’être à la hauteur de la tâche qu’il avait porté si haut, quand il accepte d’être mon premier lecteur ; lors d’une première rencontre en 1990 au TPE de Paris, où je rentre dans son bureau terriblement impressionnée pour en sortir en tant que « collègue » ; plus récemment, lors d’un déjeuner, quelques heures après ma nomination comme directrice de la PJJ, le soutien d’Alain, sa confiance à nouveau, alors que j’entre dans un univers administratif qui n’a pas pu l’apprivoiser.
J’ai gardé depuis lors sur mon bureau un texte écrit par Alain en 2013 : « Aux racines de l’évaluation », je le relis régulièrement pour mesurer ma capacité de tenir la ligne entre la fidélité à nos convictions et les pressions et contingences.
Alain a tracé un chemin à partir des pierres que chacun de nous pouvait apporter. Je continuerai à le suivre et à puiser dans le foisonnement de ses écrits.
Catherine Sultan
29 septembre 2015