Cher Alain,
Tu n’aurais peut-être pas été très à l’aise, toi si pudique et modeste, dénué de tout narcissisme, d’entendre l’importance que tu as eu pour beaucoup d’entre nous dans notre formation de juge des enfants et dans l’accompagnement à cette belle fonction que tu as su si bien nous transmettre.
Au-delà, je me souviens de notre première rencontre qui m’avait marquée alors que, jeune juge des enfants, je venais me former au Centre de Vaucresson qui, je ne l’ai appris que plus tard, était pour toi un lieu essentiel d’échange et de transmission entre chercheurs et praticiens et dont tu avais toujours déploré la disparition. Tu m’en parlais encore il y a quelques semaines.
Cette première rencontre, et j’oserais dire ce compagnonnage, n’a cessé de se poursuivre par la suite : Au Tribunal pour enfants de Paris que tu présidais mais également à l’occasion de l’activité de l’association des magistrats de la jeunesse et de la famille dont tu restes la grande référence morale et intellectuelle ; enfin, depuis que j’ai repris cette présidence du Tribunal pour enfants de Paris qui, pour moi, et ce n’est pas un secret, était l’aboutissement et le juste retour de tout ce que tu m’avais apporté.
Au-delà de notre amitié et des liens filiaux que je te porte, je voudrais rappeler les qualités essentielles qui te caractérisaient faites d’une profonde humanité et d’une impressionnante rigueur et honnêté intellectuelle qui me frappait à chaque rencontre, alliées à un vif humour jamais malveillant. Ce positionnement s’accompagnait toujours de ta part d’une volonté et d’une capacité exceptionnelle de transmission de valeurs de justice et de bienveillance, notamment pour les plus cabossés et vulnérables que nous rencontrons dans nos cabinets de juge des enfants. Cela fait écho en moi à Pierre Bourdieu qui avait été ton professeur de philosophie au lycée de Moulins et auquel tu te référais souvent dans nos échanges.
Enfin, je garderai de toi le souvenir de cette merveilleuse après-midi que nous avions passé il y a quelques jours avec Marige, Martine et Singov. Ultime rencontre particulièrement lumineuse faite d’échanges tout à la fois plaisants et profonds. Ce jour, je t’avais trouvé apaiser gardant cette vivacité d’esprit qui ne t’a jamais quitté alors que depuis plusieurs mois ta santé physique ne cessait de décliner sans espoir de réminiscence.
Marige, je souhaite t’assurer ainsi qu’à Albane, Eleonore et Jean-Thomas, et à votre famille, tout mon soutien dans ce moment particulièrement éprouvant mais je sais qu’Alain, avec un petit sourire malicieux et ses yeux rieurs, nous rappellerait que la vie doit continuer…
Thierry Baranger
29 septembre 2015