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La justice des mineurs civile et pénale aux USA - Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille

La justice des mineurs civile et pénale aux USA

Extrait du rapport de séjour d’étude sur “la qualité de la justice” aux Etats Unis d’Amérique.

Ce rapport décrit la teneur des entretiens et des visites dont nous avons bénéficié, au cours d’un stage d’étude aux Etats Unis d’Amérique du 3 au 25 avril 2004, comprenant des séjours à Washington, Chicago, San Francisco, la Nouvelle Orléans et New York.

Il ne s’agit pas d’une étude approfondie du système judiciaire américain, dont la complexité est renforcée par le fédéralisme qui attribue la compétence de droit commun en matière pénale et en procédure judiciaire à chacun des 50 Etats. Ce qui est valable pour un Etat ne peut donc pas être généralisé à l’ensemble des Etats Unis.

Les auteurs du rapport sont seuls responsables de la retranscription des informations fournies par les personnes rencontrées.

Les lecteurs voudront bien excuser les approximations, voire les inexactitudes, qui auraient pu se glisser dans la manière dont nous avons compris les informations transmises.

Nous espérons néanmoins que ce rapport sera une image fidèle du stage et qu’il apportera des éléments de base permettant la réflexion.

Contenu :

- La procédure pénale dans le district de Columbia

- Le centre judiciaire pour mineurs du Cook county (Chicago)

- Le centre de détention pour mineurs de Nouvelle Orléans

- Civil et pénal, deux compétences séparées pour la justice des mineurs

- Un regard associatif sur le placement civil des enfants

- Les mineurs jugés selon la procédure pour adultes à New York

LA PROCÉDURE PÉNALE DANS LE DISTRICT DE COLUMBIA (WASHINGTON DC)

Nous avons rencontré Kristin HENNING, directrice adjointe de la Juvenile Justice Clinic (Georgetown University Law Center - Washington DC).

La justice des mineurs aux Etats Unis dépend de chaque Etat qui, sous réserve du respect de la constitution américaine, dispose d’une plénitude législative dans ce domaine.

C’est ainsi que l’âge de la majorité pénale varie de 14 à 18 ans selon les Etats (18 ans pour le district de Columbia, qui a une législation plutôt protectrice des mineurs selon notre interlocutrice).

A un certain seuil d’âge (16 ans pour le district de Columbia) les infractions les plus graves (crimes) sont automatiquement jugées par les tribunaux pour majeurs.

Au dessous de ce seuil, le procureur peut demander au juge des mineurs de se déclarer incompétent au profit de la juridiction pour majeurs. Ceci est alors soumis à l’appréciation du juge et dépend notamment du discernement et de la personnalité de l’auteur.

Globalement, Kristin HENNING considère que la justice des mineurs est devenue plus répressive ces vingt dernières années, la loi et l’ordre, la reconnaissance des droits des victimes et la gravité de l’infraction primant sur les notions de protection et d’éducation. L’incarcération a augmenté, ainsi que le recours aux tribunaux pour majeurs, au détriment de la réinsertion.

La confidentialité des débats n’est pas assurée dans tous les Etats américains. Elle fait l’objet de discussions dans le district de Columbia pour être remplacée par la publicité des débats afin d’assurer la transparence de la réponse judiciaire auprès du public.

Le coût des mesures répressives, notamment l’emprisonnement ou les centres fermés, fait partie des débats actuels mais n’est pas un frein à la demande de sécurité des citoyens. Pourtant, selon Kristin HENNING, des études démontrent que l’emprisonnement est moins efficace que des mesures éducatives personnalisées et proches du terrain. Pour Kristin HENNING l’efficacité d’une mesure éducative n’est pas liée à la gravité de l’infraction, mais surtout à la capacité du mineur d’en tirer profit, ce qui permet d’envisager des mesures éducatives efficaces même pour des infractions graves (meurtre).

Avant 1967, la justice des mineurs se fondait sur une approche paternaliste dénuée de toute règle procédurale, au motif de la recherche systématique de l’intérêt du mineur. En 1967, la cour suprême des Etats Unis a affirmé la nécessité d’accorder aux mineurs les garanties applicables aux majeurs (assistance d’un avocat, droit d’appel, règle de preuve, présomption d’innocence) excepté le droit au jury. Ces principes ont ensuite été consacrés par la loi.

Si l’avocat est un droit, il n’est pas pour autant systématique car le mineur peut y renoncer dans certains Etats. Selon Kristin HENNING les mineurs y renoncent généralement sous la pression, soit d’un agent de probation influencé par l’approche paternaliste, soit de la police ou du procureur. Les parents ne demandent pas forcément l’assistance d’un avocat pour leur enfant, soit par défiance envers le milieu judiciaire, soit par volonté de punir leur enfant, soit encore par peur du coût ou par méconnaissance de leurs droits et de la procédure.

Pourtant, la tendance est à la responsabilisation et à la pénalisation des parents. Ceux-ci peuvent perdre leur logement, être condamnés à des amendes ou des peines d’emprisonnement, notamment s’ils ne coopèrent pas à des sessions de formation parentale.

Lors de l’interpellation d’un mineur, en application des 4ème et 5ème amendements de la constitution américaine, la police doit l’informer de son droit au silence et au bénéfice d’un avocat.

Au niveau fédéral, il n’est prévu ni l’information, ni la présence des parents lors de la garde à vue ; ces droits ayant été introduits par la législation de certains Etats.

L’enregistrement des interrogatoires n’est pas systématique et dépend de la législation de chaque Etat. Les procédures peuvent être purement orales, la police prenant des notes réutilisées à l’audience. Elles peuvent être également écrites ou enregistrées en audio ou vidéo. Les éléments détenus par l’accusation font l’objet d’une communication à la défense, plus ou moins large selon la législation de l’Etat. Dans le district de Columbia, cela prend la forme d’une réunion entre l’accusation et la défense, au cours de laquelle chacun produit les éléments à charge ou à décharge et négocie la suite de la procédure. Dans certains Etats, l’accusation peut conserver le secret sur certaines parties de l’enquête, se réservant l’effet de surprise à l’audience. Ceci est également vrai pour la défense. En fonction des éléments collectés par la défense, un abandon des poursuites peut être obtenu.

Les éléments à décharge dépendent de l’efficacité de la contre-enquête menée par la défense, avec des enquêteurs privés. Néanmoins, un agent de probation effectue une enquête sociale et de personnalité, présentée au juge lors de l’audience. Cependant, cet agent n’est pas considéré comme totalement neutre, du fait de sa rémunération par le gouvernement. Ceci peut inciter la défense à mener sa propre enquête de personnalité pour fournir des éléments complémentaires au juge.

Avant le procès se tient une audience de recevabilité des preuves où la défense peut critiquer la manière dont les preuves ont été obtenues par l’accusation et peut obtenir du juge le retrait de certains éléments de preuve. Il en est ainsi lorsque des aveux sont avancés par la police, sans qu’aucune trace écrite ou enregistrement n’ait été conservé, la parole de la police pouvant alors être contrebalancée par la parole du mineur. Néanmoins, les déclarations sont faites sous serment et les policiers prennent la précaution d’auditionner le mineur à plusieurs pour consolider leurs témoignages. Il faut également noter que le même juge présidera l’audience de jugement. Il aura donc eu connaissance des éléments officiellement écartés des débats.

L’enfant choisit de plaider coupable ou non coupable. Il est censé avoir une compréhension claire et avisée de ses droits et des conséquences qui en découlent, même s’il a renoncé à l’assistance d’un avocat. Selon Kristin HENNING, seulement 25 % des mineurs plaident non coupable, étant entendu que le district de Columbia a la réputation de préserver leurs droits. Les parents ne peuvent se substituer à l’enfant pour ce choix de procédure.

En règle générale, les avocats intervenant pour les mineurs n’ont aucune formation spécifique. En outre, la faible rémunération par l’Etat n’attire pas les avocats les plus performants. Le district de Columbia a instauré des listes d’avocats spécialisés notamment pour les crimes ou les enfants en danger (neglect and abuse) avec l’obligation d’une formation. En cas d’aide juridictionnelle, la désignation du défendeur se fait dans l’ordre de la liste.

Le système de défense connaît différentes modalités selon les Etats :

- l’aide juridictionnelle (public defender system), qui souffre d’un manque de financement

- la désignation par le tribunal (court appointed private attorney), qui repose sur le budget du tribunal qui est encore plus restreint,

- l’avocat privé payé par les parents,

- le service spécialisé de l’université (clinical programme). Il s’agit d’un service très particulier qui associe recherche, formation et défense de cas précis par des personnes ayant qualité de professeur ou d’avocat, avec la contribution des étudiants.

Dans le district de Columbia, Kristin HENNING considère que l’aide juridictionnelle (public defender system) bénéficie de moyens financiers suffisants.

La durée du processus juridictionnel dans le district de Columbia est de 4 à 12 semaines :

. 24 heures pour le choix entre “plaider coupable ou non coupable”. En pratique, le premier choix est toujours non coupable, dans l’attente de la présentation des preuves.

+ 1 à 2 semaines pour l’audience de recevabilité des preuves et la décision sur l’orientation de la procédure (coupable, non coupable, abandon des poursuites)

+ 6 semaines pour le procès,

+ 2 semaines pour l’énoncé de la décision.

Lors du jugement, la décision peut être :

- “probation” qui se comprend comme une mesure éducative en milieu ouvert,

- “commitment”, le juge déléguant à un service spécialisé le soin de déterminer et de mettre en oeuvre la mesure appropriée (human service). Ce service décide lui-même entre une incarcération, un placement ou un suivi en milieu ouvert pour une durée indéterminée, dans la limite de l’âge de 21 ans. Cependant la défense demande de plus en plus au juge de fixer précisément la durée de la mesure (par exemple 6 mois ou deux ans). En cours de suivi, le service peut décider librement d’atténuer la mesure. S’il souhaite l’aggraver, une audience devant le juge est nécessaire. La décision du “human service” n’est pas susceptible d’appel. Le district de Columbia ne disposant d’aucune place en centre fermé, les mineurs sont accueillis dans d’autres Etats, parfois fort éloignés (Arizona).

LE CENTRE JUDICIAIRE POUR MINEURS DU COOK COUNTY (Chicago)

Le centre judiciaire regroupe dans le même bâtiment : une maison d’arrêt, un tribunal des mineurs avec des chambres civiles et pénales, un service de probation. La maison d’arrêt et le service de probation font partie de l’administration du comté, le tribunal des mineurs dépendant du tribunal du comté (circuit court of Cook county).

Le tribunal des mineurs est le premier du genre à avoir été créé au monde en 1899.

La maison d’arrêt comprend 498 places en détention provisoire et hébergeait 502 mineurs au jour de la visite dont 64 filles (40 à 45 en général). 25 à 30 mineurs étaient en détention provisoire pour homicide. Le taux de roulement est de 6.000 à 7.000 mineurs par an. Les mineurs jugés par le tribunal pour enfants restent 25 jours en moyenne et 6 à 7 mois pour les mineurs dont l’affaire est renvoyée devant un tribunal pour adultes.

Les mineurs sont hébergés par unités de 18 cellules individuelles gardées par deux surveillants. Exceptionnellement en cas de surpopulation, un dortoir est constitué dans la pièce principale. Les portes des cellules sont totalement vitrées ce qui permet une vue globale sur l’ensemble de la cellule et supprime toute intimité. Une large fenêtre sans barreau située en hauteur apporte une bonne clarté mais ne peut être occultée par un rideau, ce qui conduit certains mineurs à dormir par terre dans la journée pour se protéger du soleil. Aucun affichage personnel n’est prévu sur les murs, ni aucune étagère pour des affaires personnelles, sauf une située sous la table. Les mineurs peuvent disposer d’une radio dépourvue d’antenne. Le bâtiment est entièrement climatisé et aucune fenêtre ne peut s’ouvrir. Les déplacements s’effectuent par ascenseur par groupe de 18 détenus accompagnés de leurs deux surveillants, les escaliers fermés par des portes étant réservés aux cas d’urgence. La télévision se situe dans la partie commune, les cellules en étant dépourvues. Pendant qu’ils regardent une émission, les détenus n’ont pas le droit de parler entre eux.

Les mineurs bénéficient de 5 heures de cours par jour, dispensés par le service scolaire de Chicago, ainsi que d’activités sportives au sein de grandes cours de promenade situées au milieu du bâtiment. Ils ont accès à une bibliothèque disposant d’ordinateurs reliés à internet qu’ils utilisent sous l’autorité des professeurs et hors contrôle de l’administration pénitentiaire. Les soins médicaux sont assurés par l’hôpital du Cook county qui intervient au sein du centre judiciaire.

A leur arrivée, les mineurs sont reçus par le service social et une infirmière, afin d’évaluer leur profil et le risque de suicide.

La discipline repose sur un système comportemental. Il est attribué une base de 10 points, puis les mineurs peuvent en gagner ou en perdre selon leur conduite. Les points s’obtiennent grâce à des initiatives personnelles telles que ranger sa cellule, garder une hygiène correcte, arroser les plantes vertes. Le nombre de points obtenus permet d’accéder à une catégorie supérieure (4 en tout) qui donne accès à des avantages tels que téléphoner plus longtemps, rencontrer au parloir d’autres personnes que les parents.

L’établissement comprend 5 psychologues. Il n’y a pas de cellule disciplinaire, mis à part une cellule disposant d’une porte vitrée renforcée dans chaque unité. En cas de crise, il semble que le dialogue soit privilégié, le mineur pouvant aussi être placé dans sa cellule, pour qu’il se calme. Aucun renfort en personnel n’est prévu pour maîtriser un mineur récalcitrant. Seul un superviseur intervient auprès de lui dans un tel cas. Néanmoins il est toujours possible de transférer le mineur dans un établissement moins favorable. Deux unités spéciales sont en construction pour les mineurs présentant des troubles psychologiques.

LE CENTRE DE DÉTENTION POUR MINEURS DE LA NOUVELLE ORLÉANS

Nous avons rencontré Madame Tonii DEAN, directrice du centre de détention pour mineurs de la Nouvelle Orléans qui comprend 82 places et peut accueillir des enfants de 8 à 17 ans des deux sexes, quelle que soit l’infraction reprochée (meurtre, vol simple, vol à l’arrachée). La moyenne d’âge est de 15 ans.

Le centre suit également des mineurs placés sous surveillance électronique à leur domicile, avec l’intervention de travailleurs sociaux.

La détention provisoire est en théorie de deux semaines, mais peut durer jusqu’à trois ou quatre mois, voire un an pour une affaire de meurtre en cours. La durée de séjour s’allonge également à cause du manque de places dans les établissements pour peine.

En 2003, le centre a reçu 1.235 mineurs et en a surveillé 233 à domicile par système électronique.

L’établissement dispose d’une école interne et d’un gymnase. La cour de promenade extérieure n’est plus utilisée, vu la gravité des infractions reprochées et les craintes d’évasion.

Le personnel est en tenue civile et comprend de nombreuses femmes.

Les parents et gardiens peuvent rendre visite durant trente minutes trois fois par semaine mais pas le week end, pour des raisons de manque de personnel. Les visites sont autorisées le soir pour les parents qui travaillent. La nourriture apportée doit être consommée durant la visite, le mineur étant fouillé avant et après.

Les cellules sont individuelles et comportent une porte vitrée, un socle en béton supportant un matelas, une table en béton, des toilettes et un lavabo. L’ensemble de la cellule est carrelé. Quelques cellules disposent d’une ouverture grillagée au mur, ou d’un jour translucide au plafond, mais plusieurs n’ont aucune fenêtre. Le mineur ne dispose d’aucun effet personnel à l’exception de quelques revues ou livres. Les vêtements sont fournis par l’établissement et changés tous les jours. Une télévision se trouve dans chaque salle commune des unités, les cellules en étant dépourvues.

Une école interne dispose d’ordinateurs mais est d’une taille exiguë. Lorsque les mineurs n’ont pas d’école, ils bénéficient de deux séances d’une heure et demi de sport et chacun des trois repas dure une demi heure, le reste de la journée étant passé en cellule fermée (soit 19 heures et demi par jour).

Madame Tonii DEAN nous a expliqué qu’auparavant, les juges des mineurs traitaient aussi bien les affaires d’assistance éducative que de délinquance. Depuis plusieurs années, ils se sont spécialisés dans l’une ou l’autre compétence.

Les tribunaux pour mineurs n’existent pas dans tous les comtés de Louisiane et des juges spécialisés ne sont affectés que si le volume d’affaires le justifie. Dans la négative, les mineurs sont jugés par un juge généraliste.

Elle estime que la philosophie d’action envers les mineurs cherche plus à répondre aux crises qu’à prévenir les difficultés. Elle nous a donné l’exemple d’une jeune fille de 16 ans incarcérée à la suite de violences sur sa mère, alors que des suspicions d’abus sexuels commis par le compagnon de la mère et l’alcoolisme de celle-ci étaient des éléments connus.

Enfin, elle nous a indiqué qu’à partir de 15 ans, selon la gravité de l’infraction ou la multiplicité des précédents, un mineur pouvait être considéré comme un adulte et jugé comme tel par le système judiciaire, ce qui entraîne son incarcération dans un établissement pour adultes, au contact de ceux-ci.

CIVIL ET PÉNAL :
DEUX COMPÉTENCES SÉPARÉES POUR LA JUSTICE DES MINEURS

La justice des mineurs sépare la compétence pénale et l’assistance éducative.

Nous avons rencontré Andrew BERMAN, juge des enfants au pénal au centre judiciaire du Cook county (Chicago) élu pour 6 ans. Il nous a expliqué que le système pénal des mineurs dans l’Illinois privilégie le travail social et la flexibilité dans l’intérêt du mineur et pour la recherche d’un changement de comportement. Selon lui cet effort est beaucoup plus intensif que dans d’autres Etats ou d’autres cours. L’emprisonnement reste la dernière solution. Andrew BERMAN nous a précisé que les fonctions de juge des enfants n’étaient pas recherchées auparavant, alors qu’elles sont maintenant appréciées.

Dans l’Illinois, pour les infractions les plus graves et à partir de l’âge de 13 ans, la compétence est automatiquement transférée aux tribunaux pour adultes. Un mineur devient majeur pénalement à l’âge de 17 ans, un projet prévoyant de reculer cet âge à 18 ans.

A San Francisco, pour les infractions les plus graves, le procureur préfère en référer au juge pour décider du transfert au tribunal pour majeur, même dans les cas où celui-ci serait automatiquement compétent au vu de la gravité de l’infraction.

Au centre judiciaire pour mineurs du Cook county, les audiences pénales et les audiences en assistance éducative se tiennent à publicité restreinte. Nous avons noté que les salles d’audience civiles étaient nettement plus accueillantes et soignées que les salles d’audience pénales.

Nous avons également rencontré Rita NOVAK, juge des enfants associée au centre judiciaire du Cook county (Chicago). Le juge des enfants civil statue sur la situation de danger, ordonne les mesures qui peuvent aller jusqu’au retrait de l’autorité parentale qui permet l’adoption de l’enfant. Le juge reste saisi des situations en cours, celles-ci étant revues tous les 6 mois afin de revoir les objectifs. Les parents peuvent néanmoins demander un changement de juge. La loi prévoit des objectifs classés par priorités : les mesures éducatives, le retour au domicile accompagné d’un suivi social, la garde confiée à un membre de la famille, le placement permanent, l’apprentissage de l’autonomie à l’approche de la majorité. Le juge ne peut exiger des services sociaux la mise en oeuvre d’une mesure spécifique mais peut la recommander avec insistance. L’enfant peut être confié aux grands parents et le tribunal dispose d’un service de médiation pour permettre de résoudre les conflits avec les parents.

Suite à une politique de prévention beaucoup plus active mise en oeuvre par les services sociaux, le nombre de mineurs suivis par le tribunal en assistance éducative a fortement diminué en passant de 42.000 à 16.000 en 7 ans.

Le tribunal dispose d’un service d’évaluation des parents (juvenile court clinic) pour vérifier leurs capacités éducatives et la réalité de leur accord en cas de projet d’adoption.

Même si le même juge statue à différents moments de la procédure, les règles de preuve varient selon l’importance des enjeux. La juge NOVAK nous a également expliqué être plus ou moins directive selon les cas examinés, ayant par exemple le pouvoir d’ordonner une évaluation psychologique. C’est ainsi que pour le procès décidant de la situation de danger, elle estime qu’il revient au procureur d’en faire la preuve. Elle reste également sur la réserve lors des audiences statuant sur le retrait d’autorité parentale. Elle estime que le rôle actif du juge lors des audiences l’assimile parfois au rôle des avocats, ce qui tranche avec la procédure accusatoire américaine et demeure un sujet sensible aux Etats Unis.

En début de procédure, le juge peut ordonner un placement provisoire de l’enfant pour une durée de 90 jours au plus, cette durée étant néanmoins souvent prolongée jusqu’à 6 mois. Lors de l’audience statuant sur le placement provisoire, les règles de preuve sont moins contraignantes. C’est ainsi que les éléments d’appréciation peuvent figurer dans les rapports des services sociaux, sans que les personnes citées soient contraintes de venir témoigner personnellement devant le tribunal, ce qui supposerait de respecter la règle de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire. Seul l’auteur du rapport témoigne devant le tribunal et est soumis à cette règle. Lors de l’audience statuant sur la situation de danger, les règles de preuve sont pleinement appliquées, même si le mineur ne peut être soumis à contre-interrogatoire et même s’il est prévu l’enregistrement du mineur victime en une seule audition.

Le système du jury n’intervient pas dans les jugements statuant sur les situations de danger, car cette procédure n’est pas issue de la common law, mais d’une loi qui n’a pas prévu cette possibilité. C’est donc le juge ayant suivi la situation antérieurement qui statue seul, ce qui interroge sur sa neutralité, surtout dans un système qui se veut accusatoire et suppose l’impartialité du juge.

A l’audience, le débat s’organise entre le procureur, l’avocat de la défense, l’administrateur ad’hoc de l’enfant (guardian ad litem) et l’avocat de l’enfant si l’administrateur ad’hoc n’est pas lui-même avocat. Si deux parents sont présents, le défendeur public ne peut intervenir que pour l’un d’eux, pour éviter les conflits d’intérêts.

Le service de probation du centre judiciaire pour mineurs du Cook county dépend de l’administration du comté. Il a instauré une nouvelle mesure de suivi en se fondant sur la demande exprimée par les juges des enfants.

UN REGARD ASSOCIATIF SUR LE PLACEMENT CIVIL DES ENFANTS

A Oakland, nous avons rencontré Madame Robin ALLEN, directrice de l’association CASA en Californie (court appointed special advocate association) créée à l’initiative d’un juge pour mineurs qui souhaitait renforcer l’information sur les familles dont il avait à connaître en matière civile.

L’association maintenant présente dans tous les Etats des USA est composée essentiellement de bénévoles encadrés administrativement par des salariés.

Les bénévoles sont sélectionnés soigneusement, avec contrôle de leur casier judiciaire. Principalement à la retraite ou exerçant un travail leur permettant des horaires flexibles, ils reçoivent une formation initiale et continue obligatoire. Leur but est de contribuer à l’évaluation du mineur et de sa famille en les fréquentant très régulièrement et en proposant des activités au mineur. Le bénévole établit un rapport transmis au juge et donne un avis sur la situation familiale et la possibilité pour l’enfant de retourner dans sa famille. Cette évaluation complète celle effectuée par les services sociaux et est très appréciée par les juges car elle est totalement individualisée, chaque bénévole n’ayant en charge qu’un enfant ou une fratrie, alors qu’un travailleur social peut suivre 15 à 34 familles. Le bénévole rencontre l’enfant, les parents, l’instituteur, le psychologue, le médecin, le dentiste, l’avocat de l’enfant et assiste aux réunions le concernant. Il nous a été dit que le rapport du bénévole parle des espoirs, des rêves de la famille, mais aussi de ses atouts et de ses points positifs.

L’objectif de CASA est que le maximum d’enfants puissent revenir à leur domicile. Si cela n’est pas possible, CASA contribue à la recherche d’une famille adoptive parmi la famille élargie ou les adultes pouvant compter pour l’enfant.

En effet, le juge des mineurs en Californie est compétent pour prononcer le retrait de l’autorité parentale et l’adoption de l’enfant. Les parents adoptifs décident du maintien éventuel des liens avec la famille d’origine et fixent leur organisation. Afin de faciliter l’adoption d’enfants plus âgés, la Californie a instauré en janvier 2004 la possibilité d’établir un contrat d’adoption signé par les parents d’origine et les parents adoptifs qui indique les modalités de relations (adoption agreement contract) et prévoit également le rôle de la famille élargie. La force juridique de cet accord demeure incertaine, en l’absence de jurisprudence tranchant des litiges dus au non respect du contrat. Légalement, il n’est pas obligatoire de parvenir à un tel accord. Le juge reste souverain pour apprécier l’intérêt d’une adoption, même si l’avis de l’enfant est déterminant et spécialement au delà de 10 ans. C’est justement pour les enfants âgés souhaitant maintenir un lien avec leur famille d’origine que ce contrat a été conçu. Cela n’empêche pas pour autant les parents adoptifs de déménager.

L’audition de l’enfant est encouragée, même si la durée totale de l’audience (entre 5 et 15 minutes) au sein même de la salle d’audience ne favorise pas un dialogue réel entre le juge et l’enfant.

L’enfant a obligatoirement un avocat, avec qui le contact est néanmoins très restreint et parfois limité à 5 minutes avant l’audience. C’est pourquoi CASA peut intervenir en complément. Le rôle du bénévole de CASA est de s’exprimer au nom de l’enfant et de donner un avis sur ce qu’il considère être son meilleur intérêt. Selon l’avis exprimé, CASA est favorablement perçue soit par le travailleur social, soit par l’avocat de l’enfant, mais est toujours appréciée par le juge. La présence de CASA permet d’augmenter le temps d’audience et d’approfondir les débats.

Les parents doivent également être assistés par un avocat.

Si aucun avocat ne conteste le rapport social, le juge peut prendre sa décision sans audience.

L’enfant peut faire appel de la décision judiciaire pendant un délai de 60 jours, mais le rejet par l’enfant d’un projet d’adoption est suffisant pour que le juge ne le prononce pas.

Le bureau national de CASA déconseille formellement toute implication dans les affaires de séparation et il semble que les tentatives n’ont pas été satisfaisantes.

LES MINEURS JUGES SELON LA PROCEDURE POUR ADULTES A NEW YORK

A New York, nous avons rencontré le juge Michael CORRIERO nommé par le gouverneur de l’Etat. Il préside une chambre spéciale pour les mineurs délinquants jugés selon la procédure pour adultes qui impose une audience publique. Cette chambre est une création prétorienne à l’initiative du juge CORRIERO, au sein de la cour suprême de l’Etat de New York, qui est en fait le tribunal de première instance.

Le juge nous a expliqué qu’en 1978, un mineur de 15 ans avait tué plusieurs personnes, ce qui avait produit un débat public intense alors que c’était une année électorale. A l’époque, un placement de 5 ans était le maximum encouru. En conséquence, chaque candidat a souhaité apparaître plus répressif que ses concurrents et une législation prévoyant l’application automatique de la procédure pour adultes a été adoptée, dès l’âge de 13 ans pour un meurtrier, dès l’âge de 14 ou 15 ans pour des infractions avec l’usage d’une arme (vol, violence, viol, enlèvement). Ces infractions sont considérées comme des crimes et sont inscrites à vie au casier judiciaire.

A New York, l’âge de la majorité pénale est fixé à 16 ans.

Après avoir fait paraître des articles sur la justice des mineurs, le juge CORRIERO a reçu le soutien d’associations, de juristes, d’avocats et des médias, afin d’instaurer une procédure spécifique pour les mineurs permettant de leur donner une seconde chance.

En effet, l’incarcération engendrait un taux de récidive de 60 à 80% dans les 6 mois après la libération.

Le juge CORRIERO a été affecté dans une chambre spécialement créée par ordonnance du président de la cour en 1992, qui a précisé que les procédures concernant les mineurs délinquants de moins de 16 ans relevaient désormais de sa compétence. Ceci reste une organisation purement locale reposant sur un consensus entre le président de la cour, l’accusation et le juge, et peut à tout moment être remise en question.

Au début de l’expérience, le juge CORRIERO a établi un comité consultatif composé d’avocats de la défense et de l’accusation, de responsables de centres de détention pour mineurs et présidé par une personnalité reconnue pour son prestige et son indépendance. Le comité se réunissait chaque mois pour réfléchir au fonctionnement du système, sans pour autant traiter de cas particuliers. S’il ne se réunit plus maintenant, ce comité consultatif a été primordial pour asseoir la légitimité de la pratique procédurale introduite par le juge CORRIERO. Celui-ci sait que parmi ses 50 collègues, certains ne sont pas du tout d’accord avec ses pratiques procédurales et considèrent qu’il pervertit le sens de la loi.

Les avocats de la défense se sont constitués en groupe spécialisé pour les mineurs.

Depuis 1992, 1.500 mineurs soit 65% du total, ont été jugés selon cette procédure qui permet une évaluation préalable du comportement sur une période probatoire qui peut aller jusqu’à un an, la loi permettant de différer la décision judiciaire. Le juge CORRIERO utilise cette possibilité pour mettre en oeuvre des évaluations (expertise psychologique ou psychiatrique, enquête sociale par le service de probation) et des mesures éducatives (placement, couvre-feu, obligation scolaire, soins, non consommation de drogue avec contrôles réguliers, soutien psychologique). Il manie la carotte et le bâton pour convaincre les mineurs de respecter les mesures et revoit les situations tous les mois (4 à 6 semaines). Il indique que seulement 17% des mineurs concernés récidivent.

Beaucoup de mineurs sont néanmoins incarcérés avant l’audience instaurant le suivi, car les familles sont incapables de payer la caution fixée par le juge de première comparution.

Avant l’audience, le juge CORRIERO organise une réunion informelle dans son bureau avec l’accusation et la défense pour évaluer la position de chacun et déterminer si le mineur est accessible à une mesure alternative. Chaque dossier doit être audiencé avant 6 mois, le juge s’efforçant de respecter un délai de deux mois pour fixer l’orientation entre un plaider coupable ou un procès complet.

Ce programme n’a pas de financement propre mais des dons sont accordés aux associations effectuant les mesures.

Le juge CORRIERO constate que les mineurs sont issus de milieux défavorisés et agissent surtout en groupe, étant parfois intégrés dans un gang. Les circonstances aggravantes dues au comportement de certains (port d’arme) s’étendent à l’ensemble du groupe.

Malgré ses initiatives procédurales, il note une tendance à l’accroissement de l’incarcération des mineurs. Il regrette que la loi applicable soit extrêmement générale et automatique, alors que les affaires concernant les mineurs nécessitent une forte individualisation des situations pour aboutir à une réelle justice.

Christine CAPITAINE,
vice-présidente au tribunal de grande instance de Meaux

François TOURET - DE COUCY,
juge au tribunal de grande instance de Lisieux, chargé du tribunal d’instance

Avril 2004

Lire l’extrait sur la justice des mineurs en format word

Lire le rapport complet en format pdf (taille 1,4 Mo)