par Jean-Louis Le Run, pédopsychiatre, rédacteur en chef de la revue Enfances et psy.
NOUVELOBS.COM | 27.06.2007 |
Entre 16 et 18 ans, ne commence-t-on pas à être plus adulte qu’adolescent ?
– Alors mettons la majorité à 16 ans pour tous et pour toutes les situations, sinon cela n’a pas de sens ! Les jeunes délinquants sont parmi les adolescents les plus immatures. Pourquoi devraient-ils être les seuls à avoir une majorité à 16 ans ? La finalité du projet est de les soustraire à la justice des mineurs, et non de s’adapter aux évolutions de la société.
Les jeunes ont une plus grande autonomie qu’il y a 25 ou 30 ans, ils sont pus grands physiquement, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont adultes. Au contraire, les spécialistes de l’adolescence sont d’accord pour dire que l’adolescence se prolonge de plus en plus tard, avec l’allongement des études, la dépendance aux parents, les unions plus tardives. C’est un âge paradoxal, où l’on a plus d’autonomie et de connaissances qu’avant, mais aussi une immaturité plus grande.
L’adolescence est un âge de grands bouleversements psychiques, où beaucoup de choses de l’enfance sont remises en cause. C’est l’âge de tous les possibles. Diverses voies s’ouvrent au jeune en fonction des rencontres qu’il fait. C’est une période durant laquelle ils peuvent réécrire leur histoire. Or la prison n’est pas une expérience positive et constructive. Elle se situe tellement en marge de la société qu’elle crée beaucoup de difficultés de réinsertion.
Les mineurs ne peuvent pas non plus être à l’abri des sanctions, s’ils commettent des actes délictueux ? Comment les dissuader de recommencer ?
– Les mineurs ont besoin d’une sanction, indispensable à la compréhension de leur acte. Mais dans le système actuel, ils ne sont pas soustraits à la sanction ! Mais il est prévu, simultanément, une mission de protection. Ne serait-il pas plus judicieux, au lieu de les projeter dans l’univers carcéral, d’assurer effectivement cette mission ? De donner à la justice des mineurs les moyens de faire son travail ? Les tribunaux pour enfants sont débordés, les centres éducatifs pas assez nombreux ou les jeunes n’y restent pas assez longtemps, les mesures éducatives pas appliquées…
Les magistrats et les pédopsychiatres sont d’accord sur le fait que la réparation est très importante et efficace, pour ces jeunes. Pourquoi ne pas développer ce type de mesures ? Ils y trouvent l’occasion de montrer à la société qu’ils ont une certaine valeur. Cela leur montre qu’ils peuvent exister en procédant autrement que par les délits.
La prison a un autre effet négatif : les jeunes, perdus, peuvent avoir envie de retrouver le cadre de la prison, qui les rassure car ils y sont à l’abri de leurs pulsions. Avant d’en arriver là, proposons leur quelque chose qui a la fonction de la sanction, assure la sécurité publique en rendant impossibles les actes nuisibles, et leur donne une chance de s’en sortir.
Quant à la dissuasion, elle n’est pas très efficace à cet âge-là. Ceux qui entendent les mises en garde ne sont pas délinquants. Ces jeunes sont dans une telle déstructuration, un tel passage à l’acte, que pour eux c’est presque valorisant. Les baigner tôt dans un univers carcéral présente plus d’inconvénients que de bénéfices.
Avez-vous un exemple de solution qui pourrait être efficace ?
– Faire appel à l’armée, comme l’avait proposé Ségolène Royal, n’est pas du tout idiot. Ces jeunes ont besoin d’un cadre, d’une discipline. Il leur faut un environnement capable de résister à leurs attaques : jusqu’ici, ils les ont expérimentées sur des gens qui ne leur ont jamais résisté. Ils ont besoin d’un environnement solide. Il ne s’agit pas de créer des unités de délinquants, où ils se retrouveraient entre eux. Mais s’ils sont intégrés dans un univers où ils apprennent à obéir, cela peut être très instructif et positif pour eux.
On peut aussi inventer de nouveaux dispositifs, plus opérants que la prison.
Propos recueillis par Cécile Maillard
(le mercredi 27 juin 2007)