Extrait de la Lettre de Mélampous de juin 2001
Lors de l’assemblée générale de l’AFMJF du 27 janvier 2001, l’association ATD Quart Monde a voulu (courageusement) aborder la notion de “violence judiciaire” lors des placements en assistance éducative. Nos attentes n’ont pas été déçues, puisque l’association ATD Quart Monde a présenté la manière dont les familles semblent percevoir le juge des enfants, brossant un portrait particulièrement noir des pratiques judiciaires. Ce fut dur à entendre et personne d’entre nous ne pouvait se reconnaître dans cette caricature d’assistance éducative. Et pourtant, il faut bien que cela soit arrivé quelque part… même si, miroir déformant, ATD se fonde uniquement sur le ressenti des familles.
Marie-Cécile RENOULT, d’ATD Quart Monde s’est faite la porte parole du ressenti des familles devant le juge des enfants.
ATD est témoin de la grande souffrance des familles et de leur incompréhension face aux professionnels. L’association insiste sur le fait qu’il s’agit en majorité de familles en grande pauvreté et donc déjà frappées par des difficultés matérielles.
Or, pour ATD, le placement ne peut pas réparer les dégâts de la grande pauvreté. Plutôt que placer, il faudrait instaurer un véritable soutien à la parentalité. Face aux juges qui disent que la pauvreté n’est pas un critère de placement, mais bien les carences éducatives, ATD répond par l’impact sur les familles de l’habitat précaire, la promiscuité non désirée, l’insécurité des ressources, la peur constante du placement viscéralement ancrée dans ces familles, peur qui fait boire de l’alcool avant l’audience pour se donner le courage de faire face au juge…
Pour ATD, le placement est une mesure paradoxale qui fragilise les familles que l’on prétend aider. Et les familles pauvres vivent le placement comme une grande injustice. “Au lieu de nous enlever nos enfants, qu’on nous aide à les élever.” Pour tous, le placement est une disqualification, d’autant que les familles se sentent exclues du processus de décision, ressentent que leur parole n’est pas prise en considération.
Selon Marie-Cécile RENOULT, ATD-est témoin de placements incompréhensibles, car l’on est pas en présence de faits graves.
ATD critique les jugements insuffisam-ment motivés, souligne que les parents n’apprennent qu’à l’audience ce qu’il y a dans leur dossier.
ATD s’alarme des cas où le droit de visite et d’hébergement est unilatéralement supprimé par le service gardien.
Pour ATD, la non communication du dossier d’assistance éducative aux familles mine la confiance dans le travailleur social. De plus, les points positifs n’apparaissent pas dans les rapports, ce qui blesse particulièrement les familles.
Une noirceur en partie confirmée par le rapport NAVES-CATHALA
A la demande des Ministères de la Justice et des Affaires sociales, Pierre NAVES, inspecteur général des affaires sociales et Bruno CATHALA, inspecteur des services judiciaires, ont présenté un rapport en juin 2000 intitulé : “Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents : des décisions qui mettent à l’épreuve le système français de protection de l’enfance et de la famille.”
Présents le 27 janvier 2001, Bruno. CATHALA et Pierre NAVES n’ont pas ménagé les magistrats de la jeunesse et ont fait des constats dérangeants.
Ils insistent sur la violence ressentie par les familles qui se sentent déclarées incompétentes sur tout alors qu’il s’agit plutôt d’une situation qui les dépasse.
Les lacunes des rapports sociaux
Les rapports sociaux ne tiennent pas compte des conditions de vie et en tout cas ne les décrivent pas. Ils ne contiennent pas assez de faits concrets discutables par les familles et trop d’analyses psychologisantes et obscures non étayées par des faits.
Les problèmes de l’audience
Le rapport social arrive juste avant l’audience. Propos d’une famille : “Comment voulez-vous qu’on s’explique avec le juge alors qu’il a un rapport que l’on a pas lu ?” Même si le rapport est expliqué par le juge, les termes exacts ne sont pas connus. Les familles ne savent pas comment réagir. Elles ont l’impression que tout est joué d’avance, surtout quand le juge des enfants reçoit les travailleurs sociaux avant l’audience, la famille patientant en salle d’attente. Dans ce cas, la famille voit que les travailleurs sociaux sont reçus avant elle par le juge, ce qui est catastrophique. Sur leur comportement à l’audience, les familles expliquent : “soit on fait “la biche” (oui monsieur le juge - bien madame le juge), soit on part en claquant la porte.” La motivation des décisions est pauvre ou inexistante ; les termes ne sont pas compréhensibles ; aucun objectif n’est fixé.
Voilà le tableau tel qu’il a été perçu à travers 114 situations étudiées.
Une consolation : les auteurs du rapport n’ont pas relevé une situation où le placement des enfants n’était pas justifié sur le fond. Reste à travailler la forme..