L’AFMJF a pris connaissance de la proposition de loi enregistrée à la présidence du Sénat le 14 septembre 2017 tendant à rendre imprescriptibles les crimes et délits sexuels sur mineurs, et des débats en cours sur l’allongement a minima des délais de prescription en la matière.
En l’état actuel du droit, la prescription est de :
– Vingt ans pour les crimes et six ans pour les délits quand les victimes sont majeures au moment des faits
– Vingt ans pour les crimes et six ans pour les délits à compter de leur majorité quand les victimes sont mineures au moment des faits
Tout en comprenant les arguments avancés au soutien de l’allongement de ces délais de prescription lorsque les victimes étaient mineures au moment des faits (impact majeur sur le développement psychique, amnésie traumatique, obstacles à la libération de la parole…), l’AFMJF tient à rappeler que, si le procès pénal peut parfois contribuer à la reconstruction psychique des victimes, il peut également produire des effets délétères lorsqu’il n’aboutit pas au résultat escompté par ces dernières.
Tel est notamment le cas lorsque la plainte fait l’objet d’un classement sans suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement, voire quand la peine prononcée n’est pas à la hauteur des attentes des victimes.
Avec ce nouvel allongement des délais de prescription, l’inévitable déperdition des preuves et altération des témoignages avec le temps, conjuguée au principe fondamental du procès pénal selon lequel le doute doit profiter à l’accusé, ne pourront, en l’absence d’aveu, que conduire à multiplier ces mises hors de cause et, partant, à exacerber la douleur et le ressentiment des plaignants.
Et même en cas de déclaration de culpabilité, une condamnation prononcée vingt ou trente ans après les faits sera inévitablement altérée dans son quantum du fait du temps écoulé, de la réinsertion socioprofessionnelle de l’auteur, voire de son grand âge.
Supposé répondre à l’attente des victimes, l’allongement proposé des délais de prescription risque de ne générer que de nouvelles souffrances.
L’AFMJF considère que, plutôt que d’entretenir l’illusion d’un procès tardif supposé réparateur, il serait plus constructif de mettre l’accent sur l’encadrement clinique du processus de révélation des faits par l’instauration de centres d’accueil spécialisés pour les victimes d’agressions sexuelles. Ces structures à caractère médico-social seraient investies d’une mission d’évaluation et d’accompagnement des plaignant(e)s, en lien avec le parquet qui pourrait, selon le cas, apprécier les enjeux et les risques en présence et les marges de manœuvre éventuelles.
La question de la révélation des infractions sexuelles, de l’accompagnement des plaignants et de la réponse pénale nous semble trop complexe pour se satisfaire d’une telle réponse législative aux conséquences non maîtrisées.