Rapport Varinard sur la justice des mineurs.

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COMMISSION DE PROPOSITIONS DE REFORME DE L’ORDONNANCE DU 2 FEVRIER 1945 RELATIVE AUX MINEURS DELINQUANTS

RAPPORT REMIS A MADAME LE GARDE DES SCEAUX,
MINISTRE DE LA JUSTICE

ENTRE MODIFICATIONS RAISONNABLES ET INNOVATIONS FONDAMENTALES :
70 PROPOSITIONS POUR ADAPTER
LA JUSTICE PENALE DES MINEURS.

Commission présidée par monsieur André VARINARD

LISTE DES MEMBRES DE LA COMMISSION
SUR LA REFORME DE L’ORDONNANCE DU 2 FEVRIER 1945
RELATIVE A L’ENFANCE DELINQUANTE

Président : Monsieur André VARINARD, Recteur d’académie, Professeur de droit pénal, Université de Lyon III Jean Moulin.

Membres :
  Monsieur Guy GEOFFROY, Député de Seine-et-Marne (UMP) ;
  Madame Michèle TABAROT, Député des Alpes Maritimes (UMP) ;
  Monsieur Jean-Pierre SCHOSTECK, Député des Hauts-de-Seine (UMP) ;
  Monsieur Michel HUNAULT, Député de Loire-Atlantique (NC) ;
  Monsieur Dominique RAIMBOURG, Député de Loire-Atlantique (SRC) ;
  Monsieur Jean-Claude CARLE, Sénateur de Haute-Savoie (UMP) ;
  Monsieur Christian DEMUYNCK, Sénateur de Seine-Saint-Denis (UMP) ;
  Madame Marie-Thérèse HERMANGE, Sénatrice de Paris (UMP) ;
  Monsieur François ZOCCHETTO, Sénateur de Mayenne (UC) ;
  Monsieur Jean-Claude PEYRONNET, Sénateur de Haute-Vienne (Soc) ;
  Madame Catherine ASHWORTH, Commissaire divisionnaire, Conseillère au Cabinet du DGPN ;
  Monsieur Philippe BONFILS, Professeur à l’Université Paul Cézanne, Aix Marseille III ;
  Madame Alix de la BRETESCHE, présidente du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances ;
  Monsieur Jean-Michel PERMINGEAT, Conseiller à la cour d’appel d’Aix en Provence ;
  Madame Marie-Dominique VERGEZ, Conseiller à la cour d’appel de Paris ;
  Madame Monique PRIGENT, Conseillère à la cour d’appel de Paris ;
  Madame Nicole GRANDIN épouse MORIAMEZ, VPE Perpignan ;
  Monsieur Pierre PEDRON, Juge des enfants au TGI de Paris ;
  Madame Nathalie MATHIEU, Juge des enfants au TGI d’Agen ;
  Monsieur Philippe RENZI, Substitut général près la cour d’appel de Lyon ;
  Monsieur Yvon TALLEC, Substitut général, chef de la section des mineurs et de la famille près la cour d’appel de Paris ;
  Madame Anne LEZER, Vice-Procureur au TGI de Marseille ;
  Monsieur Jean-Philippe REILAND, lieutenant-colonel – DGGN ;
  Monsieur Jean-Pierre VALENTIN, directeur régionale PJJ Bretagne ;
  Madame Rosemonde DOIGNIES, directrice départementale PJJ Nord ;
  Monsieur Emmanuel YGOUT, éducateur de la PJJ au CAE de Rouen-Lafosse ;
  Monsieur Jean-Louis DAUMAS, directeur de l’ENPJJ ;
  Monsieur Jean-Michel DETROYAT, avocat, ancien bâtonnier de l’Ordre (Grenoble) ;
  Madame Cécile MARCHAL, avocat ;
  Madame Marie-Elisabeth BRETON, avocate, ancien bâtonnier de l’Ordre (Arras) ;
  Monsieur Jean PRADEL, Professeur émérite à l’Université de Poitiers ;
  Monsieur Philippe JEAMMET, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris VI.

« Devant l’enfant, la décision judiciaire n’est valable que si elle exprime un acte de solidarité et d’amitié »

Jean CHAZAL, L’enfance délinquante, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 1967.

Sommaire

Lettre de mission
Liste des membres de la commission
Remerciements
70 propositions pour réformer la justice pénale des mineurs
Introduction 24
TITRE 1 Une justice pénale des mineurs plus lisible 45
Chapitre 1. La clarification des instruments juridiques 46
SECTION 1. D’un point de vue formel : une justice plus facilement accessible 46
SECTION 2. D’un point de vue substantiel : une justice des mineurs aux principes fondamentaux réaffirmés 53
Chapitre 2. La mise en place d’un cadre juridique précis : les protagonistes de la Justice pénale des mineurs 70
SECTION 1. Les mineurs relevant de la justice spécialisée 70
SECTION 2. Les juridictions assurant une justice spécialisée 86
TITRE 2 Une justice pénale des mineurs adaptée à l’évolution de la délinquance 97
Chapitre 1. Nécessité d’une réponse systématique 98
SECTION 1. Une réponse associant davantage la société civile 99
SECTION 2. Une réponse associant davantage les civilement responsables 106
SECTION 3. Une réponse intégrant davantage les victimes 113
Chapitre 2. La cohérence de la réponse 126
SECTION 1. La cohérence procédurale 127
SECTION 2. La cohérence des sanctions. 150
Chapitre 3. La célérité de la réponse 195
SECTION 1. Accélération raisonnée de la réponse pénale 196
SECTION 2. Exécution effective des décisions judiciaires. 216
Conclusion 231

REMERCIEMENTS

Le Président de la commission souhaite tout d’abord s’adresser aux membres de la commission. Malgré de lourdes occupations professionnelles, ils ont accepté pendant plusieurs mois de consacrer une partie importante de leur temps à une réflexion sur une éventuelle réforme de la justice pénale des mineurs.
Au fil des réunions hebdomadaires s’est instauré entre les membres de la commission un climat de dialogue constructif et d’écoute réciproque qui a permis d’aboutir à un ensemble de propositions « raisonnables et innovantes », présentées dans le délai imparti à notre commission. Au delà d’approches parfois divergentes, sur un sujet qui bien souvent suscite la passion, chacun à été guidé par la volonté de parvenir à un consensus qui s’est traduit par l’adoption à l’unanimité de presque toutes les préconisations. Sans doute les débats ont été parfois animés, voire passionnés, mais toujours d’une grande courtoisie. Que chacun soit ici chaleureusement remercié pour ce travail et tout particulièrement ceux qui ont fourni des contributions écrites pour nourrir la réflexion de la commission.
Mes remerciements s’adressent également à toutes les personnes qui ont accepté d’être auditionnées. Leurs contributions, souvent présentées sous forme de notes écrites, ont enrichi nos débats et ont parfois été à l’origine de certaines de nos propositions.
Mes remerciements s’adressent ensuite aux deux directions du ministère de la justice qui nous ont accompagné tout au long des travaux, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) et la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG). Sous l’impulsion des directeurs et de deux sous-directeurs plus particulièrement chargés de ce dossier, Nathalie Becache et Madeleine Mathieu, puis Damien Mulliez, les équipes de ces directions ont été présentes en permanence pour expertiser et valider chacune des idées et suggestions émises dans le cadre de nos réflexions. Elles ont ainsi largement contribué à l’élaboration des solutions originales proposées dans ce rapport.
Ma reconnaissance et mes plus chaleureux remerciements vont enfin aux quatre rapporteurs, Elise Barbé, Anne-Gaël Blanc, Hugues Courtial et Florence Marguerite qui ont su traduire fidèlement dans un document précis et synthétique des débats approfondis, riches de l’expression des sensibilités diverses des membres de la commission.

André VARINARD.

70 propositions pour réformer la justice pénale des mineurs

POUR UNE JUSTICE PENALE PLUS LISIBLE

Par des clarifications nécessaires

• Par l’amélioration de la lisibilité formelle du droit pénal applicable aux mineurs

1° : Elaboration d’un code dédié.

La commission préconise l’élaboration d’un code dédié à la justice pénale des mineurs permettant ainsi, au-delà des modifications de fond, une réécriture formelle des dispositions applicables afin de renforcer leur cohérence et de donner une meilleure lisibilité à la justice pénale des mineurs.
Il s’ouvrira sur une formulation liminaire des principes essentiels guidant la justice pénale des mineurs puis sera divisé en quatre parties : une première partie consacrée aux principes généraux, puis les autres aux règles de fond, aux règles de procédure et aux dispositions relatives à l’exécution des sanctions.

2° : Adaptation de la terminologie.

Le nouveau code, intitulé « Code de la justice pénale des mineurs », consacre le changement de terminologie, le tribunal pour enfants devenant le « tribunal pour mineurs » et le juge des enfants devenant le « juge des mineurs ». Le magistrat de la cour d’appel délégué à la protection de l’enfance devient le délégué à la protection des mineurs. Autre exemple : l’admonestation devient l’avertissement judiciaire et la remise à parents, la remise judiciaire à parents et / ou aux personnes qui en ont la garde.

3° : Choix d’une alternative binaire en matière de réponse pénale distinguant entre sanctions éducatives et peines.

La réponse apportée par les juridictions pour mineurs vient sanctionner un comportement pénalement répréhensible, même si elle poursuit un objectif éducatif. La commission propose donc la suppression de l’appellation de « mesures éducatives » au pénal et recommande de distinguer deux catégories de réponses juridictionnelles : les sanctions éducatives et les peines.

4 ° : Affirmation de la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs

Dès lors qu’une disposition est réglementée dans le code des mineurs, si une modification législative intervient, elle ne concernera les mineurs que si elle le prévoit expressément. En effet, le nouveau code expose de manière exhaustive, sans renvoi au code pénal et au code de procédure pénale les dispositions relatives notamment aux peines et sanctions applicables aux mineurs, aux obligations du contrôle judicaire et du sursis avec mise à l’épreuve…

• Par l’affirmation des principes fondamentaux du droit pénal des mineurs

5° : Formulation liminaire des fondements de la justice pénale des mineurs.

Le code de la justice pénale des mineurs s’ouvre sur une formulation liminaire des principes de droit pénal de fond et de procédure pénale consacrés par les textes internationaux et par le conseil constitutionnel dans ses décisions et qui pourrait être rédigé de la façon suivante « Afin de concilier l’intérêt du mineur avec les intérêts de la société et des victimes, la responsabilité pénale des mineurs capables de discernement est mise en œuvre conformément aux dispositions du présent code, dans le respect du principe d’atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et en recherchant leur relèvement éducatif et moral par des sanctions éducatives ou des peines adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées et mises à exécution par des juridictions spécialisées ou selon des procédures appropriées ».

6° : Formulation des principes directeurs de la justice pénale des mineurs dans la première partie du code.

Rappel des principes directeurs de la justice pénale des mineurs relatifs à la responsabilité pénale :
 Principe de primauté de l’éducatif dans ses deux branches : la finalité éducative de toute réponse pénale à l’encontre du mineur et le caractère subsidiaire de la peine.
 Principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge.
 Principe du caractère exceptionnel des peines privatives de liberté.
Déclinaison de ces principes directeurs de la justice pénale des mineurs relatifs à la procédure pénale :
 Principe de spécialisation ou d’une procédure appropriée.
 Principe de nécessaire connaissance de la personnalité du mineur : si le principe de l’instruction obligatoire est écarté, il demeure que la personnalité du mineur doit être évaluée de manière suffisamment approfondie et prise en compte avant toute décision.
 Principe de nécessité d’une réponse à toute infraction : toute infraction commise par un mineur de plus de douze ans doit donner lieu à une réponse, qu’elle émane de la société civile, qu’elle soit alternative aux poursuites ou juridictionnelle, à moins que les circonstances particulières liées à la commission des faits et à la personnalité du mineur justifient, dans son intérêt, le classement sans suite de la procédure.
 Principe de cohérence de la réponse pénale : la réponse apportée à un acte de délinquance, adaptée à la gravité des faits, doit s’inscrire dans la cohérence du parcours du mineur.
 Principe d’implication permanente des parents et autres représentants légaux du mineur : ils doivent être systématiquement informés et convoqués à toutes les étapes de la procédure.
 Principe de l’assistance obligatoire d’un avocat et du défenseur unique pour le mineur. L’avocat suit le mineur tout au long de la procédure et/ou les procédures suivantes La commission recommande de généraliser le système déjà mis en place dans plusieurs juridictions.
 Principe de publicité restreinte.

Par l’élaboration d’un cadre juridique plus précis

• Par des seuils d’âge mieux définis

7° : Fixation d’un âge de majorité pénale.

La commission préconise l’inscription dans la loi de l’âge de la majorité pénale fixé à 18 ans.

8° : Fixation d’un âge de la responsabilité pénale : 12 ans

Afin de se conformer à nos engagements internationaux et dans un objectif de clarification du droit, la commission propose de fixer un âge de responsabilité pénale. Elle retient l’âge de 12 ans comme étant le plus pertinent, au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile.

9° : Présomption de discernement à compter de 12 ans.

Il n’est plus nécessaire d’établir le discernement du mineur de plus de 12 ans qui est présumé. Il s’agit d’une présomption simple.

10° Primauté de l’intérêt de l’enfant en cas de doute sur l’âge du mineur

Lorsque l’âge du mineur ne peut être établi avec certitude, c’est l’intérêt de l’enfant qui prime, l’âge le plus bas résultant des investigations devant être retenu.

11° : Statut du mineur de moins de 12 ans mis en cause dans une procédure pénale.

La commission préconise de créer un statut particulier de l’audition par les services enquêteurs du mineur mis en cause de moins de 12 ans. Ce statut devrait permettre de retenir le mineur pour une durée de 6 heures, renouvelable une fois, dans les conditions de garantie offertes par l’actuelle retenue des mineurs de 10 à 13 ans.
Le procureur de la République appréciera l’opportunité de saisir s’il y a lieu les services de la protection de l’enfance ou le juge des mineurs.
La commission préconise des placements spécifiques contenant pour les mineurs de moins de 12 ans impliqués dans les faits les plus graves.

12° : Impossibilité d’incarcérer un mineur de moins de 14 ans sauf en matière criminelle

13° : Mise en place de structures contenantes adaptées aux mineurs de moins de 14 ans

Le mineur de 12 à 14 ans peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire dont la violation des obligations ne peut être sanctionnée que par le placement dans un établissement offrant la même prise en charge qu’un centre éducatif fermé. En revanche, la violation de ce placement ne peut pas être sanctionnée par un placement en détention provisoire.

• Par une spécialisation réaffirmée des intervenants

14° : Maintien de la double compétence du juge des mineurs.

La commission suggère d’étendre la nouvelle terminologie de juge des mineurs au magistrat statuant en assistance éducative.
Les mineurs délinquants étant souvent des mineurs en danger, la commission souligne la nécessité de maintenir le principe de double compétence du juge des mineurs.
La commission recommande que chaque cabinet puisse disposer de deux fonctionnaires dont au moins un greffier, ces derniers pouvant intervenir aussi bien au civil qu’au pénal.

15° : Nécessité d’une formation initiale et continue de tous les intervenants aux spécificités de la justice des mineurs.

La commission préconise que les magistrats du parquet des mineurs, juges de proximité, juges des libertés et de la détention, juges d’instruction habilités, assesseurs du tribunal des mineurs, administrateurs ad-hoc, greffiers, délégués du procureur, enquêteurs, avocats et éducateurs bénéficient de cette formation.

POUR UNE JUSTICE PENALE MIEUX ADAPTEE A LA DELINQUANCE DES MINEURS

Par la nécessité d’une réponse systématique

• Par une réponse associant davantage la société civile

16° : Déjudiciarisation de la première infraction.

Afin d’associer davantage la société civile au traitement de la délinquance, la commission propose que la réponse au premier acte de délinquance puisse être confiée, à l’initiative du parquet, à une instance ad hoc, émanation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Dans ce cas, le parquet classe sans suite la procédure à l’issue d’un rapport de prise en charge transmis par cette instance.

17° : Implication de la société civile

La commission préconise de permettre à des bénévoles d’être associés à la recherche de lieux d’exécution de travaux d’intérêt général et de réparation (par exemple participation des séniors…).
Elle recommande également l’instauration d’une obligation pour certaines structures participant à une mission de service public d’accueillir des mineurs exécutant des travaux d’intérêt général ou des mesures de réparation (SNCF, RATP ou administrations publiques…).

• Par une réponse responsabilisant mieux les civilement responsables

18° : Meilleure information des parents du déroulement de la procédure pénale

La commission préconise la réalisation d’une plaquette permettant d’informer les parents de la suite de la procédure concernant leur enfant ainsi que de leur rôle dans celle-ci. (Mon enfant a commis une infraction. Que va-t-il se passer ?)
La commission recommande également la notification aux civilement responsables de toutes les décisions applicables aux mineurs y compris celles intervenant dans le cadre post-sententiel.

19° : Revalorisation de la remise à parents :

Désormais appelée « remise judiciaire à parents et/ou aux personnes qui en ont la garde, cette sanction nécessite la présence à l’audience des intéressés pour pouvoir être prononcée. Le juge des mineurs doit constater que les personnes exerçant l’autorité ont adopté la position adéquate.

20° : Introduction du jugement contradictoire à signifier à l’égard des civilement responsables.

Afin de responsabiliser les parents qui, touchés à personne, ne se rendent pas à l’audience et bénéficient aujourd’hui d’un jugement par défaut avec possibilité d’opposition (article 487 du code de procédure pénale), la commission propose de qualifier les jugements de « contradictoires à signifier » lorsque les civilement responsables ont été avisés de l’audience et qu’ils n’ont pas comparu sans fournir d’excuse valable.

21° : Responsabilisation des parents non comparants.

La commission recommande la suppression des amendes civiles de l’ordonnance du 2 février 1945 peu utilisées et ne permettant pas la mise en œuvre d’une procédure contradictoire. Elle préconise en revanche la création d’une infraction de non comparution dont la poursuite sera laissée à l’initiative du parquet et qui pourra notamment être sanctionnée par des alternatives ou des peines de stages de parentalité.

• Par une réponse pénale intégrant davantage les droits des victimes

22° Amélioration de l’accueil des victimes

La commission préconise la réalisation d’une plaquette d’information sur les droits des victimes remise systématiquement à celles-ci lors du dépôt de plainte.
Elle demande que les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour améliorer très concrètement leur accueil notamment par la création de salles d’attente séparées au sein des juridictions.
Elle recommande également que le principe des convocations à horaires différenciés soit généralisé afin d’éviter une trop longue attente.

23° : Extension à toutes les infractions commises par le mineur de l’obligation pour les civilement responsables du mineur de fournir les références de leur assureur pour mention par les services enquêteurs dans le procès-verbal

24° : Obligation pour les assureurs des civilement responsables de proposer dans un délai préfix une indemnisation aux victimes.

25° : Maintien de la possibilité de saisir la CIVI pour la réparation des faits commis par les mineurs de moins de 12 ans.

26° : Jugement par la cour d’assises des mineurs des faits commis par un même mineur alors qu’il avait plus et moins de 16 ans afin d’éviter un second procès notamment pour la victime.

27° : Développement de la justice restaurative à tous les stades de la procédure.

La commission préconise que tout suivi éducatif pénal implique un travail sur la place de la victime et sur les conséquences de l’acte commis sur cette dernière.

28° Instauration d’une permanence victimes organisée par les barreaux.

La commission recommande que, conformément à ce qui existe pour les auteurs d’infractions, les barreaux s’organisent afin qu’une permanence d’avocats ayant vocation à assister les victimes d’infractions soit systématiquement assurée.

Par le renforcement de la cohérence de la réponse pénale

• Par l’amélioration de la cohérence processuelle

29° : Fixation d’un terme aux alternatives aux poursuites par l’instauration d’un « avertissement final ».

La commission n’entend pas revenir sur le principe de l’opportunité des poursuites et limiter le nombre d’alternatives aux poursuites mais propose, en revanche, qu’après avoir prononcé un avertissement final le parquet ne puisse plus ordonner d’alternatives aux poursuites. La saisine du juge des mineurs devient donc obligatoire après l’avertissement final. La solennité de l’avertissement final impose qu’il soit prononcé par le procureur de la République et non par un délégué du procureur.
Le mineur qui dans un délai de 2 ans après le prononcé d’un avertissement final ne commet pas de nouvelle infraction peut se voir, à nouveau, appliquer des alternatives aux poursuites.

30° : Maintien de la composition pénale.

La composition pénale est maintenue en tant qu’alternative aux poursuites spéciale qui peut être ordonnée alors même qu’un avertissement final a d’ores et déjà été prononcé.

31° : Redéfinition des pouvoirs du juge des mineurs statuant en chambre du conseil.

Les pouvoirs du juge en audience de cabinet sont redéfinis. Il pourra prononcer ce qui relève aujourd’hui des sanctions éducatives.

32° : Création d’un Tribunal des mineurs à juge unique.

Le tribunal des mineurs siégeant à juge unique sera compétent pour le jugement des délits pour lesquels la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement. Cependant, les mineurs comparaissant en détention provisoire et les mineurs en état de récidive légale devront obligatoirement être poursuivis devant la juridiction collégiale. Le renvoi devant la juridiction collégiale est de droit sur demande du mineur. Le tribunal des mineurs siégeant à juge unique pourra prononcer des sanctions et des peines.

33° : Création d’un tribunal correctionnel pour mineurs spécialement composé.

Le tribunal correctionnel pour mineurs sera compétent :
  pour les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs poursuivis avec des majeurs et les mineurs de 16 à 18 ans en état de nouvelle récidive. Il ne pourra alors être saisi que par le juge des mineurs ou le juge d’instruction.
  pour les infractions commises par des jeunes majeurs au cours de l’année suivant leur majorité. Il sera dans cette hypothèse saisi par le juge d’instruction ou par le parquet.
Il sera composé d’au moins un juge des mineurs.

• Par le renforcement de la cohérence des réponses pénales

34° : Possibilité de cumuler dans toutes les hypothèses les peines et les sanctions éducatives

35° : Raccourcissement du délai d’épreuve du sursis avec mise à l’épreuve à un maximun de dix-huit mois.

36° : Raccourcissement de la durée minimale du travail d’intérêt général à 35 heures

Cette durée permet la mise en œuvre de ces peines sur une semaine dans le cadre de la législation sur le temps de travail.
La commission recommande également de simplifier la procédure d’habilitation des postes d’exécution de travail d’intérêt général.

37° : Fixation de la durée des sanctions éducatives à un maximum d’un an.

La sanction prononcée dans un cadre pénal doit avoir un terme. La durée des sanctions éducatives ne peut pas excéder un an. Lorsque le mineur est devenu majeur, la commission préconise la possibilité de proroger le suivi au maximum jusqu’à ses 19 ans.

38° : Aménagement obligatoire des peines d’emprisonnement quand le reliquat de peine est inférieur à un an.

Il ne sera possible de déroger au principe que par décision motivée. Quand le reliquat de peine est supérieur à un an, l’aménagement n’est obligatoire qu’à compter de l’exécution des deux tiers de la peine et c’est une faculté à tout moment.
La commission préconise l’attribution de moyens financiers supplémentaires destinés à renforcer les structures de prise en charge des mineurs dont la peine a été aménagée (places de semi-liberté et de placements extérieurs…)

39° Diversification des réponses visant à renforcer le caractère exceptionnel de l’incarcération

 Création d’une sanction de placement séquentiel.
 Création d’une peine principale de placement sous surveillance électronique.
 Création d’une peine de confiscation de certains biens du mineur, même s’ils sont sans rapport avec l’infraction.

40° : Création d’une peine d’emprisonnement de fin de semaine.
Le mineur peut être incarcéré pendant quatre week-ends successifs.

41° : Elaboration d’une liste exhaustive et simplifiée des sanctions éducatives et des peines

Le nouveau code intègre une liste exhaustive des peines et sanctions applicables aux mineurs. Il fait apparaître une classification en groupes des alternatives aux poursuites, des sanctions et des peines. Il définit clairement les mesures provisoires et probatoires.

42° : Différenciation des appellations et des contenus des réponses pénales selon le prescripteur

La dénomination et le contenu des réponses pénales sont différenciés selon qu’elles émanent du parquet ou des juridictions de jugement. Ainsi, la mesure de réparation est maintenue dans le cadre des alternatives mais sous la forme d’une médiation-réparation qui est directement axée sur la victime.

43° : Création d’une alternative aux poursuites consistant en un classement sous condition d’exécuter les formalités nécessaires à une re-scolarisation.

La commission souhaite à cet égard rappeler l’obligation de résultat de scolarisation qui pèse sur l’éducation nationale pour les mineurs de moins de 16 ans.

44° : Instauration d’une catégorie unique de suivi éducatif en milieu ouvert

L’ensemble des mesures actuelles de milieu ouvert (mesure de liberté surveillée, mesure de protection judiciaire, mesure d’activité de jour, mesure de réparation…) sera fondu dans un suivi éducatif en milieu ouvert unique. Ce suivi pourra intégrer des obligations de faire (réparation ou activité de jour) ainsi que des mesures d’assistance et de surveillance qui seront décidées par le magistrat.

45° : Possibilité de prolonger les mesures de placement et de suivi en milieu ouvert pendant un an au-delà de la majorité

Afin de compenser les effets de la disparition de la mise sous protection judiciaire, les mesures de suivi éducatif en milieu ouvert et fermé pourront se poursuivre pendant une année après la majorité du mineur.

46° : Déclassement de la peine de stage de citoyenneté devenant une sanction éducative.

47° : Impossibilité pour la juridiction de jugement de prononcer uniquement une sanction de remise judiciaire à parents et/ ou aux personnes en ayant la garde ou d’avertissement judiciaire à l’égard d’un mineur déjà condamné

48° : Maintien des dispositions actuelles relatives à l’atténuation de peine pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans et aux peines planchers.

49° : Maintien de l’exclusion de certaines peines pour les mineurs

Les dispositions des articles 20-4 et 20-6 de l’ordonnance du 2 février 1945 sont maintenues (interdiction du territoire, peines de jour-amende, interdiction des droits civiques, civils et de famille, peines d’affichage et de diffusion, interdiction, déchéance ou incapacité résultant de plein droit d’une condamnation pénale….)

50° : Sanction de l’inexécution d’une sanction éducative.

Le non respect d’une sanction éducative peut être sanctionné par le prononcé d’une autre sanction éducative. Par ailleurs, dans l’hypothèse de « récidive » de non respect d’une sanction éducative, une infraction distincte est constituée, celle-ci pouvant notamment être sanctionnée par un placement de fin de semaine pour les moins de 14 ans ou par une incarcération de fin de semaine pour les plus de 14 ans.

Par la célérité de la réponse pénale

• Par une accélération raisonnée : un préalable indispensable la connaissance suffisante de la personnalité du mineur

51° : Recueil par les services d’enquête de renseignements sur la situation personnelle et familiale du mineur

Afin de permettre dès l’enquête pénale, un repérage des situations les plus dégradées, la commission préconise la rédaction, à la demande du parquet, par les services d’enquête d’un procès-verbal de renseignements relatifs à la situation personnelle et familiale du mineur mis en cause.

52° : Examen systématique et complet de la personnalité du mineur lors de la première saisine du juge

La commission recommande l’élaboration d’une nouvelle mesure d’investigation adaptée au cadre et aux délais de la procédure judiciaire. Elle devra toujours comprendre à l’égard d’un mineur déscolarisé un bilan de sa scolarité et de sa formation.

53° : Constitution d’un dossier unique de personnalité.

Ce dossier sera ouvert lors de la première saisine du juge des mineurs ou du juge d’instruction pour chaque mis en cause. Il sera tenu par le greffe du tribunal des mineurs du domicile habituel du mineur. Seront versés à ce dossier les éléments des procédures d’alternatives aux poursuites, des mesures ordonnées dans le cadre des diverses procédures pénales ainsi que les expertises, les mesures d’investigation et toutes autres pièces du dossier d’assistance éducative que le juge estimerait nécessaire. Ce dossier sera supprimé lorsque le mineur atteindra sa majorité ou à l’échéance des sanctions et des peines si celle-ci est postérieure à la majorité.

54° : Limitation de la durée des mesures d’investigations sur la personnalité.

Les mesures d’investigation sur la personnalité doivent être effectuées par les services éducatifs dans un délai de 3 mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée le cas échéant lors d’une audience de bilan intermédiaire.

55° : Principe du réexamen tous les 6 mois de la situation d’un mineur pour lequel une procédure pénale est en cours.

56° : Principe de présence obligatoire des services éducatifs en charge du suivi à toutes les audiences des juridictions pour mineurs

• Par une procédure correctionnelle refondée

57° : Principe de césure de la procédure.

La commission propose, dans l’hypothèse de faits reconnus, une césure de la procédure entre, d’une part, au cours de la première audience la déclaration de culpabilité et la décision sur intérêts civils et, d’autre part, lors de la seconde audience, la décision sur le prononcé d’une sanction éducative ou d’une peine. Cette dernière décision intervient au terme d’une mesure d’investigation sur la personnalité et/ou d’une mesure probatoire dont la durée ne peut excéder 6 mois.

58° : Réforme de l’enquête officieuse.

Devenue « instruction simplifiée », elle est la procédure unique d’information devant le juge des mineurs et se déroule dans un délai de 6 mois renouvelable une fois par ordonnance spécialement motivée. En dehors de certains actes (témoin assisté, mise en examen, commission rogatoire, mandats et ordonnance de renvoi), cette procédure échappe au formalisme du code de procédure pénale.

59° : Formalisation par une ordonnance de renvoi de toute saisine des juridictions de jugement par le juge des mineurs

Toutefois, lorsque le juge des mineurs envisage de juger immédiatement le mineur en chambre du conseil, il notifie par ordonnance motivée sa décision au parquet qui peut en faire appel.
Les dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux ordonnances de renvoi du juge des mineurs qui doivent cependant être notifiées aux parties. Cette ordonnance pourra faire l’objet d’un appel.

60° : Instauration d’un délai de traitement lorsque le juge est saisi par requête.

Le premier acte du juge doit intervenir dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine. En cas de carence, les parties peuvent saisir directement la chambre de l’instruction.

61° : Création de saisines directes des différentes formations de jugement.

Dès lors que le mineur a déjà fait l’objet d’un précédent jugement et que son dossier unique de personnalité en permet la connaissance suffisante, le parquet peut délivrer des convocations par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant la chambre du conseil, le tribunal des mineurs à juge unique et le tribunal des mineurs collégial.
La juridiction de jugement pourra toujours si elle l’estime nécessaire ordonner des investigations complémentaires.
Ces nouveaux dispositifs ne remettent aucunement en cause la procédure de présentation immédiate lorsque les conditions légales en sont réunies.

62° : Limitation de la durée des instructions lorsque des mineurs sont mis en examen.

Le délai de deux ans de l’article 175-2 du CPP est ramené à un an pour les mineurs.

• Par une exécution rapide des mesures décidées par le juge des mineurs
63° : Maintien de l’exécution provisoire

L’exécution provisoire, prononcée par décision spécialement motivée, est maintenue pour l’ensemble des sanctions et peines prononcées par le juge des mineurs et le tribunal pour mineurs avec en cas d’appel sur cette exécution l’obligation pour la cour de statuer dans un délai de 15 jours.

64° : Création d’un mandat de placement

Les juridictions pour mineurs pourront délivrer un mandat au directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse aux fins de procéder sans délai au placement d’un mineur.
La commission préconise la création de places d’accueil immédiat dans le dispositif de placement géré par la protection judiciaire de la jeunesse.

65° : Généralisation du bureau d’exécution des peines mineurs.

66° : Création d’un cadre juridique permettant la prise en charge des mineurs en fugue

La commission recommande de définir un cadre juridique à disposition des magistrats et des services de police et de gendarmerie afin de réagir à la fugue d’un mineur, placé dans un établissement éducatif dans un cadre pénal.

67° : Principe général selon lequel tout travail éducatif s’organise autour d’activités ou d’actions de formation

A ce titre, la commission préconise que tout mineur suivi dans un cadre pénal puisse bénéficier d’une formation adaptée notamment professionnelle y compris en détention.

68° : Création de places en internats scolaires.

La commission recommande la mise en place d’une norme minimale prévoyant l’existence d’un établissement de ce type dans chaque académie.

69° : Généralisation des conventions entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les services de santé mentale

L’objet de ces conventions est de permettre une prise en charge adaptée des mineurs le nécessitant notamment sous la forme d’une hospitalisation de brève durée. La commission souhaite qu’un établissement permettant un tel accueil existe au sein de chaque région.

70° : Modifications des règles du casier judiciaire

La commission propose l’inscription systématique de toutes les sanctions éducatives au bulletin numéro 1 du casier judiciaire, l’effacement automatique des sanctions éducatives de ce même bulletin à 21 ans et le maintien de l’effacement des peines et des sanctions éducatives du bulletin numéro 1 à la demande du mineur et sur décision motivée.

On notera que 68 de ces propositions ont été adoptées à l’unanimité des présents, les 2 autres à la majorité. Il est également arrivé que sur certaines d’entre elles (3 au total), un ou deux membres au maximum aient émis une réserve. Celles-ci ont été mentionnées dans le corps du rapport.

INTRODUCTION

Les raisons qui expliquent l’existence d’un droit pénal des mineurs autonome apparaissent assez évidentes même si l’évolution récente de la délinquance suscite quelques interrogations. Si l’on fonde, selon la conception la plus classique, la responsabilité pénale sur le libre arbitre de l’individu qui dispose d’une liberté de choix il faut nécessairement adapter la répression pour les enfants et les adolescents qui ne disposent pas d’une pleine conscience. On notera qu’une conception déterministe de la responsabilité ne conduit pas à une autre solution, l’état dangereux qui fonde la réaction sociale, autrement dit, le prononcé de mesures de sûreté, est à priori provisoire et d’une autre nature puisque le danger concerne surtout le mineur lui même. Dès lors les mesures qui s’imposent sont des mesures d’assistance, d’éducation et de surveillance, parce que la personnalité du mineur est en formation, que l’adolescence est une période charnière au cours de laquelle le mineur s’affirme en s’opposant à un ordre établi notamment les parents.
« Refuser, détruire, soi, les autres s’abîmer, échouer c’est toujours possible, à portée de main. C’est avoir le sentiment de redevenir actif, de cesser de subir, d’être impuissant, c’est tenter de reprendre en main son destin » . Cette délinquance de transgression dite « initiatique » la plus nombreuse et que l’on peut rencontrer chez tous les mineurs implique une réponse pénale compréhensive où l’éducatif doit prendre le pas sur la répression parce qu’on peut espérer qu’il s’agit d’un accident de parcours (les statistiques démontrent que la plupart des mineurs n’ont qu’un seul contact avec la justice pénale) et parce qu’on peut raisonnablement penser que la réinsertion d’un adolescent est plus facile.
L’apparition depuis plusieurs décennies d’autres formes de délinquance plus particulièrement ce que l’on nomme la délinquance d’exclusion est venue quelque peu troubler cette approche humaniste de la délinquance des mineurs. Cette délinquance liée à la précarité et à l’inadaptation se traduit souvent par des infractions graves, violentes et répétées qui nourrissent le sentiment d’insécurité et par voie de conséquence la remise en cause par certains d’une approche purement éducative de ces transgressions.
Elle ne doit cependant pas conduire à l’abandon d’un droit pénal spécifique puisqu’elle traduit, pour le plus grand nombre de ces mineurs, soit des problèmes psychologiques ou psychiatriques, soit une socialisation manquée n’ayant pas permis à ces jeunes d’acquérir une structure de personnalité permettant d’éviter le passage à l’acte. Sans doute l’approche peut elle rester identique mais la réponse doit nécessairement prendre une dimension plus répressive.

BREVE APPROCHE HISTORIQUE

Le principe selon lequel la délinquance des mineurs appelle une réponse pénale spécifique est loin d’être récente. Sans nous livrer à une étude historique on observe que bien avant l’ordonnance du 2 février 1945, il existait un droit pénal particulier. Le droit romain comme l’ancien droit admettaient l’irresponsabilité des infans et une certaine spécificité des sanctions pour lesquelles la dimension éducative n’était pas totalement absente. Le droit révolutionnaire comme le code pénal de 1810 devaient recueillir cette solution. Fixant la majorité pénale à 16 ans, l’article 66 de l’ancien code pénal distinguait selon que le mineur avait agi avec ou sans discernement. Dans le premier cas, le mineur était acquitté ce qui n’excluait pas automatiquement son placement en maison de correction. Dans le second cas, le mineur pouvait être condamné mais en bénéficiant d’une excuse atténuante en raison de son âge. Ainsi dès le XIXème siècle un droit pénal particulier commence à se formaliser mais c’est au début du XXème siècle, avec la loi du 22 juillet 1912, qu’il commence à devenir autonome. Ce texte supprime la question du discernement pour les mineurs de moins de 13 ans, excluant ainsi ces derniers de la sphère pénale puisqu’ils relevaient du seul tribunal civil réuni en chambre du conseil et qui ne pouvait d’ailleurs prononcer que des mesures éducatives. Pour les autres mineurs, ceux de 13 à 18 ans, puisque la majorité pénale avait été portée de 16 à 18 ans par une loi du 12 avril 1906, ils relevaient désormais d’une juridiction spéciale, le tribunal pour enfants et adolescents. Cette juridiction devait appliquer une diminution légale de peine prévue par l’article 67 du code pénal de 1810 mais uniquement pour les mineurs de 13 à 16 ans alors que ceux de 16 à 18 ans étaient soumis aux mêmes peines que les adultes.
C’est néanmoins avec l’ordonnance du 2 février 1945 que le droit pénal des mineurs va devenir pleinement autonome. Le texte, il faut le rappeler, reprenait en l’amplifiant une loi inappliquée du 27 juillet 1942. L’ordonnance de 1945, inspirée par le mouvement de la défense sociale dans une perspective humaniste, a pour objectif d’apporter une réponse très originale à la délinquance des mineurs qui diffère de la législation antérieure en ce qu’elle privilégie à la réponse pénale une réponse éducative fondée sur une connaissance aussi précise que possible de la personnalité du mineur. Au centre du dispositif mis en place, un nouveau magistrat spécialisé, le juge des enfants, tout à la fois juge d’instruction et juridiction de jugement, est chargé d’assurer la protection judiciaire des mineurs en adaptant en permanence les mesures éventuellement prononcées en fonction de l’évolution de la situation du mineur.
Le texte fondateur d’une justice pénale des mineurs totalement autonome, charte de l’enfance délinquante pour certains et qui constitue un socle quasi sacré de l’enfance délinquante pour d’autres s’inscrit selon la plupart des spécialistes dans la catégorie des modèles non pénaux de la justice des mineurs, encore qualifié de tutélaires parce que l’ambition dominante du législateur de l’époque était la protection des mineurs . Le système protectionniste a été conforté par une ordonnance du 23 décembre 1958 confiant au juge des enfants la protection civile des mineurs en danger. Désormais compétent dans les domaines civil et pénal, le juge des enfants assure une protection globale des mineurs. Cette solution si elle n’est pas sans susciter quelques interrogations, en empêchant parfois que le mineur ne soit confronté à son comportement dans ses aspects pénaux, s’inscrit cependant parfaitement dans un modèle tutélaire de justice puisqu’un mineur délinquant est également bien souvent un mineur en danger .
Il reste que ce système initial, comme l’a rappelé très rapidement la chambre criminelle de la Cour de Cassation dans l’arrêt Laboube n’organise pas l’irresponsabilité pénale pour tous les mineurs mais seulement pour ceux qui sont privés de discernement. Ainsi, dès l’origine, le modèle français, nonobstant ce qu’enseignaient de nombreux auteurs en se fondant sur l’exposé des motifs de l’ordonnance du 1945 ; est plutôt conçu comme un modèle mixte alliant protection, assistance, surveillance éducation mais aussi, répression. Si la préférence éducative est clairement exprimée le système laisse place à la sanction pénale « lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant paraîtraient l’exiger » pour tous les mineurs de plus de 13 ans. Sans doute s’agit-il d’une peine réduite par rapport à celle des majeurs mais ce que l’on appelait alors l’excuse de minorité pouvait être écartée pour les mineurs de 16 à 18 ans par une décision spécialement motivée de la juridiction de jugement (cour d’assises et tribunal pour enfants), le caractère exceptionnel de cette solution n’ayant été admis que beaucoup plus récemment. Le texte de 1945 dont la caractère emblématique reste considérable suscite depuis de nombreuses années des polémiques et des réactions aussi passionnées qu’irrationnelles entre ceux qui prennent pour cible l’ordonnance parce qu’elle expliquerait, à elle seule, une évolution inquiétante de la délinquance des mineurs et ceux qui, praticiens ou spécialistes de cette question, d’une manière quelque peu idéologique, semblent considérer que toute réforme de ce texte conduit inexorablement à un abandon du modèle protectionniste à la française.
Or il convient de le rappeler l’ordonnance du 2 février 1945 a connu 31 réformes depuis sa promulgation rajoutant 34 articles aux 44 inscrits à l’origine et ne laissant inchangés par rapport à la rédaction originale que 6 d’entre eux. Les plus récentes de ces réformes ont apporté des changements assez importants qui vont dans le sens d’une plus grande responsabilisation des mineurs délinquants traduisant pour beaucoup une rupture dans la politique criminelle qui leur est applicable.
Cette multiplication des réformes inspirées par des philosophies souvent différentes à fait de l’ordonnance de 1945 un texte complexe, peu lisible, dont la cohérence d’ensemble échappe certainement aux mineurs et n’est pas sans poser quelques problèmes aux meilleurs spécialistes.
Dès lors à minima une réécriture de l’ordonnance paraissait nécessaire. La ministre de la Justice, garde des Sceaux, Madame Rachida Dati a souhaité aller plus loin en demandant à une commission, de réfléchir, au delà d’une simple actualisation, à une véritable réforme de la justice pénale des mineurs, le rapport rendu pouvant inspirer un projet de loi.
La lettre de mission adressée par la Ministre au Président de cette commission assigne au groupe de travail trois axes de réflexion :
• assurer une meilleure lisibilité des dispositions applicables aux mineurs,
• renforcer la responsabilisation des mineurs notamment en fixant un âge minimum de responsabilité des mineurs et en assurant une réponse pénale adaptée et une sanction adéquate graduée et compréhensive par tous,
• revoir la procédure et le régime pénal applicables aux mineurs.
Avant de préciser quelle a été la méthodologie de fonctionnement du groupe de travail, l’état d’esprit qui l’a animé, puis d’indiquer les principales pistes de réformes retenues, il apparaît nécessaire d’indiquer brièvement le contexte particulier dans lequel s’inscrit la réflexion de la commission.

CONTEXTE DES TRAVAUX.

Contexte sociologique.

Il y a tout d’abord un contexte sociologique qui s’impose en tant que fait, celui d’une évolution constante de la délinquance des mineurs depuis plusieurs décennies. Pour nous en tenir à quelques éléments chiffrés assez simples, selon les statistiques policières le nombre de mineurs mis en cause ne cesse d’augmenter. Il était de 70 000 en 1972, de 143 824 en 1996 et de 201 662 en 2006, soit une augmentation de 40 % sur les dix dernières années pour lesquelles on dispose de statistiques précises. La part des mineurs mis en cause dans les crimes et délits commis en France est de l’ordre de 18 % de l’ensemble. Il est important de noter que face à cette augmentation de la délinquance les autorités judiciaires ne sont pas restées inertes puisque le taux de réponse pénale est en permanente augmentation pour atteindre 87 % en 2006, supérieur de 7 points à celui des majeurs. Il est vrai néanmoins que ce résultat n’a été possible que par une intervention assez massive du parquet dans un traitement autonome de la délinquance des mineurs par l’utilisation des alternatives aux poursuites et plus récemment de la composition pénale . Ce mode de réponse pénale concerne aujourd’hui 47 % de l’ensemble des personnes poursuivies. On notera que les orientations des affaires sont très directement dépendantes de l’âge du mineur concerné.
Si l’on s’intéresse ensuite aux condamnations pour crimes et délits, quelques chiffres illustrent l’aggravation de la délinquance des mineurs qui a progressé de 82 % en matière criminelle et de 89 % en matière délictuelle entre 1997 et 2006. On observe également que cette progression est très significative pour les mineurs de 13 à 16 ans, le nombre de crimes sanctionnés de cette tranche d’âge passant de 113 en 1997 à 464 en 2006 et celui des délits de 12726 à 22856. Pour les mineurs de 13 ans si l’augmentation n’est pas très significative pour les crimes (21 à 32 mais néanmoins 84 crimes en 2004) on doit constater que les délits sanctionnés ont plus que doublé (de 921 à 1948). Si le regard porte enfin sur la structuration de la délinquance des mineurs, on constate qu’elle est assez différente de celle des majeurs. Délinquance de voie publique très souvent, elle est par nature très visible. Les différents vols et recels en constituent toujours la part la plus importante mais stable en pourcentage. En revanche, les atteintes aux personnes qui représentent 20% de l’ensemble ont progressé de 135% en dix ans. Les destructions et dégradations qui représentent 14.7% de l’ensemble ont quand à elles progressé de 68.5 %. S’agissant en revanche de l’usage de stupéfiants (14852 infractions), et des infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique (7248 infractions), souvent avancées pour expliquer l’augmentation des mises en cause de mineurs, elles ne représentent que 11% de cet ensemble.
Ainsi, nonobstant les polémiques assez vaines sur certaines statistiques, il n’est pas discutable que l’augmentation de la délinquance des mineurs, qui par ailleurs tend à devenir de plus en plus juvénile, est une réalité qui fait aujourd’hui « quasiment consensus » . Il en résultait inévitablement que la commission ne pouvait échapper à une interrogation sur l’efficacité du système de réponses actuellement apportées sur la base des principes de l’ordonnance du 2 février 1945.
Bien entendu, chacun sait parfaitement qu’il ne suffira pas de modifier la loi pour que les choses changent de manière radicale. Les membres de la commission, tous spécialistes des mineurs à des titres divers, ont tenu à souligner dès le début des travaux qu’il importait de ne pas perdre de vue dans leurs réflexions que si les mineurs de 2008 ne sont plus ceux de 1945, la société, c’est-à dire le monde dans lequel ils vivent est également très différent. Au-delà du simple constat d’une progression de la délinquance qui inquiète, il est évidemment fondamental de rechercher les causes de cette évolution. Elles sont multiples et complexes et impliquent au-delà des réponses relevant de la loi pénale, des politiques de prévention éducatives, sanitaires et sociales adaptées .
Dès lors que la délinquance des mineurs et particulièrement leurs violences et leurs souffrances sont l’expression des changements de notre société , son traitement efficace ne relève pas seulement d’une prise en charge par des professionnels de la justice des mineurs mais doit nécessairement impliquer la société tout entière .
Si cette observation peut apparaître fondamentale pour relativiser l’importance des modifications législatives envisagées, elle ne peut conduire pour autant à considérer qu’il n’est pas nécessaire d’imaginer des solutions nouvelles pour lutter plus efficacement contre une délinquance dont l’aggravation est bien réelle. Les membres de la commission en sont rapidement convenus.
Pour autant, les propositions que l’on pourra faire doivent obligatoirement s’inscrire dans un cadre juridique très contraint.

Le contexte juridique.

Nonobstant les nombreuses réformes déjà réalisées, le système français de la justice pénale des mineurs est un système mixte fondé sur la responsabilité pénale des mineurs très clairement réaffirmée par la loi du 9 septembre 2002 mais pour lequel la priorité de l’éducation sur la répression reste le fondement déterminant. Cet esprit originaire de l’ordonnance n’a donc nullement disparu mais bien au contraire s’est trouvé consacré tant en raison d’une reconnaissance constitutionnelle au titre de principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), que des engagements internationaux de la France.
Sur un plan constitutionnel tout d’abord, c’est lors de l’examen de la loi du 9 septembre 2002, qui traduisait une certaine rupture dans la politique criminelle applicable aux mineurs délinquants en optant pour des réponses pénales plus fermes que par le passé, que le Conseil constitutionnel va pour la première fois conférer à l’autonomie du droit pénal une valeur constitutionnelle en instaurant un dixième principe fondamental reconnu par les lois de la République . Selon le considérant essentiel « l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » sont désormais constitutionnellement garantis. Les fondements de l’ordonnance du 2 février 1945 sont donc expressément consacrés parce qu’ils ont été constamment affirmés par le législateur républicain de la première moitié du 20ème siècle. La réflexion de notre commission est donc clairement bornée puisqu’il ne saurait être question de sortir du cadre précis de ces principes fondamentaux qui devront être rappelés en exergue de tout nouveau texte.
Il reste qu’on oublie souvent de préciser que le Conseil constitutionnel a complété sa première affirmation en précisant que « la législation antérieure à la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu’en particulier les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas en cas de nécessité que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou pour les mineurs de plus de 13 ans la détention. Par ailleurs un autre considérant (28) précise que, lorsqu’il fixe les règles relatives au droit pénal des mineurs, le législateur doit veiller à concilier les exigences constitutionnelles énoncées ci-dessus (celles relatives à l’autonomie du droit des mineurs) avec la nécessité de rechercher les auteurs d’infractions et de prévenir les atteintes à l’ordre public, et notamment la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ».
Ce que le Conseil constitutionnel semble clairement signifier c’est que, alors qu’une loi concernant les mineurs lui est soumise, il procèdera à un contrôle de proportionnalité pour la prise en compte des exigences contradictoires que sont les principes relatifs au droit pénal des mineurs et d’autres exigences comme la prévention des atteintes à l’ordre public et plus généralement, la sauvegarde de la sécurité des personnes et des biens. Ce qui importe c’est donc la recherche d’un équilibre et une censure du Conseil impliquerait le sacrifice délibéré par le législateur de l’une des trois exigences relevées dans le principe directeur dégagé en 2002 .
Cette observation fixe, d’une certaine manière, les limites assignées à notre commission. On ne peut évidemment pas proposer des solutions qui nieraient totalement ce qui constitue le « noyau dur » des exigences constitutionnelles mais il reste néanmoins la possibilité de faire évoluer la législation relative aux mineurs délinquants en proposant des modifications qui se fondent notamment sur l’évolution de leur délinquance. On notera que là se situe probablement l’explication de la validation par la Haute Juridiction des différentes modifications de l’ordonnance apportées par les lois récentes (9 septembre 2002, 9 mars 2004, 5 mars et 10 août 2007) plutôt que dans la négation d’un principe préalablement édicté.
Sur le plan des engagements internationaux, les limites à notre réflexion sont sans doute un peu moins contraignantes puisque, les recommandations formulées sur l’autonomie du droit pénal des mineurs par les textes internationaux ne sont pas, pour la plupart d’entre elles, directement exécutoires.
On citera, sans prétendre à l’exhaustivité, les règles de Beijing issues d’une résolution des Nations Unies fixant une sorte de seuil minimal de la justice pénale des mineurs et exigeant notamment que « le seuil de responsabilité ne soit pas fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle. » (art. 4-1). Sur le plan européen, on peut signaler plusieurs recommandations, plus particulièrement celle du 27 septembre 2003 sur les nouveaux modes de traitement de la justice des mineurs. Mais c’est évidemment la convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE) dont la Cour de Cassation vient de reconnaître le caractère auto-exécutoire de certaines dispositions , qui participe à cette consécration de l’autonomie du droit pénal des mineurs.
D’une manière générale, toutes les recommandations insistent sur trois points essentiels : l’objet nécessairement éducatif de la justice des mineurs, le caractère exceptionnel de la privation de liberté et la nécessité de règles procédurales garantissant les droits des mineurs . Ajoutons enfin que la Cour Européenne des droits de l’homme veille également à ce que la fragilité des mineurs soit prise en considération notamment en matière de garanties procédurales .

Méthode de travail de la commission

C’est dans ce contexte, imposé comme une donnée, que la commission désignée par Madame la garde des Sceaux a engagé ses travaux. Cette commission dont la liste des participants est fournie en annexe du rapport comprend, outre des parlementaires, des spécialistes du droit des mineurs de diverses professions, (avocats, gendarme, policier, magistrats, universitaires, éducateur, responsables de la protection judiciaire de la jeunesse, pédo-psychiatre).
Cette approche pluridisciplinaire, de professionnels riches d’expériences diverses et de personnalités différentes, a permis des échanges approfondis parfois animés, sur un sujet dont on sait qu’il ne peut laisser personne indifférent et qui quelquefois suscite les passions. Toutes les pistes envisageables pour répondre aux objectifs de la lettre de mission ont été explorées et expertisées grâce à une collaboration de tous les instants de deux directions du ministère de la Justice, la Direction de la protection judiciaire et de la jeunesse (DPJJ) et la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), qui ont accompagné les travaux de la commission avec une efficacité et une compétence exemplaires. Cette méthode devrait garantir la faisabilité technique des solutions proposées. La commission a évidemment travaillé dans une indépendance totale et dans la plus grande confidentialité. Ainsi, les préconisations contenues dans ce rapport sont les siennes, c’est-à-dire celles d’experts, qui pourront être retenues ou non, d’abord dans le cadre d’un projet de loi que nous n’avions nullement mission de rédiger ensuite par le législateur, les élus de la Nation étant souverains pour apprécier le bien fondé des propositions formulées.
Nous pensons simplement pouvoir affirmer que chacune des propositions est réaliste au sens où son application est juridiquement acceptable et techniquement réalisable.
La dimension restreinte d’un groupe de travail avait conduit à ne pas retenir dans sa constitution, les représentants institutionnels, syndicaux ou associatifs. Il n’était évidemment pas concevable pour autant que ces organisations ne participent pas à cette réflexion. Nous avons dès lors décidé d’auditionner toutes celles et ceux dont les avis, en raison de leur représentativité ou de leur implication dans le secteur de la justice des mineurs, nous sont apparus indispensables. Pratiquement tous ont répondu à notre invitation et nous ont pour les plupart remis des notes écrites. Notre écoute a toujours été très attentive et un certain nombre de nos préconisations s’inspirent très directement de suggestions qui nous ont été faites.
On ajoutera enfin que notre réflexion a été très largement enrichie par les apports du droit comparé. La délinquance des mineurs et son évolution souvent inquiétante sont un problème auquel sont confrontés de nombreux pays. Dès lors il nous a semblé judicieux d’emprunter à d’autres systèmes juridiques les solutions les plus intéressantes et d’auditionner, à ce titre, des professionnels venus d’Italie, des Pays-Bas et du Québec.
La nécessité de la réforme étant partagée par tous les membres de la commission il restait alors à en déterminer les grands axes sur la base des objectifs, de la lettre de missions de Madame la garde des Sceaux.

Grandes lignes des propositions.

Le premier axe qui nous était proposé, celui d’assurer une meilleure lisibilité du droit pénal des mineurs n’a pas suscité de très longs débats.
L’amélioration de la lisibilité formelle du droit pénal applicable aux mineurs, par l’élaboration d’un code dédié et par une adaptation de la terminologie, n’a guère suscité de débats au sein du groupe si ce n’est quelques réticences que l’on pourrait qualifier de « sentimentales » à la substitution du terme enfant par celui plus neutre et plus exact de mineur.
Les clarifications indispensables passaient aussi nécessairement par une affirmation liminaire, en exergue d’un code, des principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs.
Au-delà de la proposition d’une reprise solennelle dans une disposition préliminaire du code, du principe fondamental reconnu par les lois de la République fixant le cadre constitutionnel de la justice pénale des mineurs, la commission a souhaité décliner toute une série de principes directeurs généraux essentiels. Si certains, tant dans le domaine de la responsabilité pénale des mineurs que dans celui de la procédure à suivre pour les juger, découlent naturellement des règles constitutionnelles dégagées par la Haute juridiction, ou par les conventions internationales (ainsi en est-il par exemple du caractère exceptionnel de l’emprisonnement), d’autres, beaucoup plus innovants, traduisent, à titre préalable, des solutions qui sont une sorte de fil rouge des réformes proposées, telles que la nécessité d’apporter une réponse systématique aux actes de délinquance des mineurs et surtout le caractère cohérent de cette réponse, c’est-à-dire adaptée, non seulement à la gravité des faits, mais encore au parcours personnel du mineur.
Le deuxième axe de réflexion proposé à la sagacité de notre commission était évidemment moins consensuel puisqu’il lui était très clairement demandé, de proposer des solutions nouvelles susceptibles d’apporter une réponse plus adaptée, c’est-à-dire plus efficace, pour réduire le volume de la délinquance juvénile. Si le principe même du renforcement de la responsabilisation des mineurs n’est en soi pas discutable, les méthodes pour y parvenir, pouvaient en revanche, susciter la discussion voire la polémique au sein du groupe. Tel n’a pas été le cas parce que nul n’a perdu de vue que, si l’objet de notre réflexion est bien le droit des mineurs, son sujet c’est l’enfant ou l’adolescent au sens du petit d’homme c’est-à-dire un être en devenir pour lequel toute réponse doit nécessairement intégrer cette dimension prospective du mineur, ainsi placé au cœur de notre réflexion.
Dans le même temps, chacun a pu admettre que le besoin de sécurité exprimé par la société n’était pas illégitime face à l’inquiétante délinquance d’une petite proportion de mineurs multiréitérants ou multirécidivistes. Dès lors, au risque d’encourir le reproche de commettre la « faute majeure » de soumettre certains mineurs à un système proche de celui des majeurs, on ne pouvait pas faire l’économie de rechercher des solutions plus répressives mieux adaptées à cette forme particulière de délinquance des mineurs.
Face à ces deux objectifs sans doute un peu contradictoires, la commission a répondu par des préconisations de réformes raisonnables au regard de la philosophie qui les inspire mais résolument innovantes par les nouvelles solutions et procédures à mettre en œuvre.
Raisonnable, le qualificatif peut, peut-être, surprendre mais, dans son sens le plus courant, cet adjectif évoque simplement la mesure. Il traduit précisément la volonté de la commission de proposer des réformes efficaces mais constitutionnellement acceptables et susceptibles d’être comprises par le plus grand nombre dans un domaine qui suscite les passions. La suggestion d’une réforme équilibrée n’est peut être pas attendue par certains spécialistes de la justice pénale des mineurs du moins si l’on en juge par les multiples réactions d’inquiétude suscitées par la simple annonce d’une réflexion sur la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945.
N’a-t-on pas évoqué la démolition du système ? Par ailleurs, toutes les personnes auditionnées, représentants d’associations ou de syndicats, à des degrés divers, ont tenu à nous rappeler qu’il existait des principes fondamentaux régissant le droit pénal des mineurs, ces derniers devant toujours être entendues comme des personnes de moins de 18 ans et que ces principes étaient intangibles. Non sans beaucoup d’excès, on a pu affirmer que l’objectif assigné à la commission aurait été, dans le prolongement de toute une série de lois récentes ayant, d’une certaine manière, renforcé la réponse pénale à l’égard des mineurs, d’aligner purement et simplement la situation pénale des mineurs de plus de 16 ans sur celle des majeurs.
Devant cette sorte de procès d’intention, un autre risque eut été pour notre groupe de travail de considérer qu’il était quasiment impossible, tant en raison des contraintes constitutionnelles déjà citées que de l’émoi et des réactions de tous ceux qui restent attachés, d’une manière presque fétichiste, à une politique purement « psychologisante » à l’égard des mineurs délinquants, d’imaginer et de préconiser des modifications susceptibles de faire évoluer la législation pour essayer de répondre à une évolution de la délinquance pourtant incontestable.
Notre commission, soucieuse de répondre au mieux à la mission qui était la sienne, a choisi d’apporter une réponse équilibrée en décidant de s’inscrire dans une perspective qui concilie le souci de proposer une réforme fondamentalement innovante avec la réaffirmation des principes fondamentaux, restant en cela raisonnable. « ENTRE MODIFICATIONS RAISONNABLES ET INNOVATIONS FONDAMENTALES » tel a été le chemin suivi pour adapter la justice pénale des mineurs aux réalités d’aujourd’hui.

Des modifications raisonnables.

Le caractère raisonnable des propositions, il est très clairement présent dans le choix que nous proposons de l’âge minimum de la responsabilité pénale. En tenant compte de notre système juridique actuel deux âges pouvaient être retenus, 10 ans ou 13 ans. Une pénalisation à partir de 10 ans présentait non seulement l’inconvénient évident de placer le droit français dans la catégorie des systèmes les plus répressifs, mais encore, de le situer en marge des recommandations internationales qui considèrent qu’il n’est pas acceptable de fixer un âge inférieur à 12 ans. En revanche, retenir l’âge de 13 ans, ce que certains défendaient avec force, aurait conduit à nier une réalité sociologique indiscutable à savoir le développement d’une délinquance de mineurs de plus en plus jeunes. En effet les statistiques récentes démontrent que si la délinquance des 10-12 ans existe, il y a un véritable « bond quantitatif » au delà de 12 ans.
Mais la raison c’était aussi d’éviter au maximum l’incarcération des très jeunes enfants. A l’exception du domaine criminel pour lequel la contention ultime peut difficilement être écartée, la commission suggère que l’emprisonnement soit exclu en dessous de 14 ans en matière délictuelle.
Exclure un mineur de 12 ans de la sphère pénale n’implique pas pour autant qu’aucune solution ne soit envisagée pour les hypothèses dans lesquelles des faits d’une certaine gravité peuvent être attribués à ces enfants. Il fallait donc proposer une sorte de statut de ce mis en cause particulier en imaginant des placements suffisamment contenants.
Un autre aspect du caractère raisonnable des propositions qui sont faites se retrouvera dans la volonté de la commission de considérer que tous les mineurs, la majorité pénale restant fixée à 18 ans, relèvent d’un système spécifique qui leur est propre alors qu’il pouvait y avoir une tentation d’exclure les plus âgés pour les renvoyer à la justice des majeurs, du moins pour les multirécidivistes. Outre le risque certain d’inconstitutionnalité d’une telle solution il nous est apparu que le système des tranches d’âge même s’il peut entraîner quelques inconvénients, présente le mérite d’adapter la réponse pénale à l’évolution de la personnalité du mineur et donc, à son degré de responsabilité. Il faut d’ailleurs préciser qu’il n’est absolument pas démontré que les législations qui ont clairement opté pour des régimes à tendance fortement répressive obtiennent des résultats plus significatifs dans la résorption des phénomènes de criminalité .
L’incarcération des mineurs les plus ancrés dans la délinquance est parfois une nécessité à un moment du parcours d’un jeune qui rejette toute forme de solution éducative. Elle ne peut pas, cependant, être considérée comme une solution satisfaisante puisqu’elle révèle une forme d’échec de la justice spécifique des mineurs.
Pour autant, la commission a admis, pratiquement sans débat et à l’unanimité, que les dispositions relatives aux peines plancher ou encore celles qui modifient les conditions de l’attribution de la diminution légale de peines pour certains mineurs récidivistes (loi du 10 août 2007) devaient être conservées.
En consacrant, d’une certaine manière, cette réforme pourtant discutée, la commission marque clairement sa volonté de maintenir, dans un régime qui reste très clairement fondé sur la primauté de l’éducatif, la nécessité de prévoir, dans un système de réponses pénales progressives, des sanctions pénales suffisamment dissuasives parce qu’il n’est pas possible d’éluder le problème particulier posé par un « noyau dur » de multirécidivistes.

Le maintien de la double compétence civile et pénale du futur juge des mineurs est le dernier exemple que l’on donnera d’une proposition raisonnable. Il n’était évidemment pas irrationnel, loin de là, d’imaginer que cette solution, assez spécifiquement française, présentait certains inconvénients pour les mineurs qui, face à un même juge, pouvaient ne pas toujours percevoir clairement la limite entre éducation et sanction alors qu’il est indispensable que le mineur soit confronté à son comportement dans ses aspects pénaux. Comment intégrer facilement pour un mineur que le juge qui protège peut aussi être celui qui sanctionne ? Pour autant, cette proposition de dissociation des deux fonctions du juge des mineurs est apparue pour la très grande majorité des membres de la commission totalement inacceptable.
Au delà d’arguments techniques très convaincants sur l’utilité de cette double compétence pour une connaissance complète du mineur il est apparu que cet abandon aurait constitué, d’un point de vue symbolique au moins, une remise en cause du modèle français de justice pénale des mineurs . On peut ajouter que la commission envisage d’étendre cette double compétence aux greffiers des juges des mineurs.
L’étude de certains dispositifs du droit comparé nous a conforté dans l’idée que notre système actuel était sans doute le meilleur. On ajoutera que la réforme de la protection de l’enfance par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 qui recentre le juge de l’assistance éducative sur ses missions essentielles devrait lui permettre de retrouver du temps pour le volet pénal de ses attributions.
Au terme de cette première orientation de nos réflexions il pourrait assez facilement nous être fait le reproche d’une certaine frilosité dans nos propositions de réforme ce qui ne correspondrait guère à la mission qui nous était assignée. Telle n’est absolument pas la réalité de ce rapport riche, par ailleurs, de multiples propositions qui constituent souvent des innovations fondamentales.

Des innovations fondamentales.

Il n’est évidemment pas question à cette place de dresser une liste de ces propositions innovantes mais simplement de mettre en lumière les principes qui les ont inspirées.
Il a tout d’abord paru indispensable à la commission de rappeler la nécessité d’une réponse systématique à tout acte de délinquance. Comme un membre de la commission a pu le rappeler « les comportements destructeurs contre soi ou contre les autres, ont comme tout comportement des raisons d’être, ce n’est pas pour autant qu’ils sont acceptables, ni pour la société, ni pour le sujet lui-même. Ce n’est pas seulement par rapport à la société mais par rapport au respect qu’on lui doit que l’on n’accepte pas qu’un enfant ou un adolescent ait un comportement inacceptable ». Pour autant, cette réponse n’a pas à être systématiquement pénale.
La délinquance des mineurs est l’affaire de tous et il a paru nécessaire d’impliquer la société civile en préconisant la possibilité de déjudiciariser le premier acte de délinquance relevé pour le soumettre à une instance locale, émanation des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
La réponse implique une meilleure responsabilisation des parents qui doivent être présents auprès de leurs enfants tout au long de la procédure au besoin en utilisant pour cela certaines formes de contrainte afin de mieux les responsabiliser. Cette réponse doit enfin mieux intégrer les droits des victimes puisqu’il semble que les mineurs aient beaucoup de mal à imaginer l’impact de leur acte sur celles-ci ce qui démontre tout l’intérêt de l’instauration d’une justice restaurative dans le domaine de la sanction .
La cohérence de la réponse pénale apportée à la délinquance du mineur a été notre deuxième ligne de réflexion. Le système actuel, dans lequel les alternatives aux poursuites gérées par le parquet, constituent une part très importante de ces réponses, peut, sans doute, conduire le mineur à ne pas très bien comprendre pourquoi les actes successifs qui lui sont reprochés ne conduisent pas toujours à des sanctions plus importantes. Il peut parfois constater une dégressivité lorsqu’après avoir eu l’obligation d’indemniser une victime, imposée au titre d’une alternative aux poursuites, son premier contact avec un juge des enfants se termine par une admonestation, terme qu’il ne comprend pas nécessairement, mais dont il constate facilement les effets très limités.
L’objectif de notre commission a donc été d’imaginer un ensemble cohérent où la progressivité est en filigrane sans être pour autant obligatoire. La cohérence, nous l’avons souhaitée, aussi bien au plan processuel qu’au plan substantiel.
Au plan processuel, il nous a paru judicieux d’imaginer un système d’avertissement final donné aux mineurs par un magistrat du parquet lui signifiant que toute nouvelle infraction impliquait obligatoirement la saisine d’un juge des mineurs, autrement dit l’entrée dans un système clairement judiciarisé avec toutes les conséquences pouvant en découler. Dans cet espace judiciaire reconfiguré, propre au mineur, il nous a paru nécessaire, non seulement de redéfinir le rôle du juge des mineurs statuant en chambre du conseil mais encore d’ajouter au système actuel, c’est-à-dire le tribunal des mineurs, un juge des mineurs statuant à juge unique et surtout un tribunal correctionnel pour mineurs. Si cette dernière proposition, au sein de la commission ne fut pas la plus consensuelle, son originalité, et, pour tout dire son intérêt, tiennent au fait que cette nouvelle juridiction, dont la compétence sera limitée, est un dernier échelon dans la progressivité de la réponse.
Juridiction de transition, ce tribunal, saisi sur décision du juge des mineurs ou du juge d’instruction, serait compétent pour les seuls mineurs multirécidivistes ou multiréitérants de plus de 16 ans proches de la majorité ou déjà majeurs au jour du jugement mais aussi pour les jeunes majeurs pour des infractions commises dans l’année de leur majorité. Dans ce dernier cas, il serait saisi par le parquet. Cette proposition ne conduit nullement à transférer une partie de la délinquance des mineurs aux juridictions pour majeurs puisque le tribunal correctionnel resterait spécialisé avec la présence obligatoire d’un juge des mineurs, les sanctions spécifiques aux mineurs étant, bien évidemment, applicables pour la première catégorie de justiciables.
Au plan substantiel, la cohérence des sanctions, plus que leur sévérité, est apparue essentielle. Une fois encore, un pédopsychiatre a pu nous rappeler qu’à toutes les étapes de la réponse apportée aux mineurs, le plus important n’est pas le niveau où est placée la limite qui peut varier en fonction de l’évolution de la société et des mœurs, ni même celui de la hiérarchisation des réponses, mais la clarté de celles-ci et la cohérence de ceux qui les mettent en place.
Dès lors, il a paru fondamental d’élaborer une liste simplifiée des sanctions éducatives et des peines en différenciant clairement les appellations et les contenus des réponses pénales selon les prescripteurs (parquet ou juridictions du jugement). Une distinction nette entre les mesures pré-sentencielles et post-sentencielles étant également indispensable. Par ailleurs, et, d’une manière plus générale, la commission a souhaité adapter les peines au temps des mineurs qui n’est pas celui des adultes, par exemple en limitant la durée des sanctions éducatives ou celle du délai de mise à l’épreuve. Elle a également, dans la logique des principes fondamentaux affirmés à titre liminaire, imaginé de nouvelles sanctions susceptibles de se substituer à l’emprisonnement telle une peine principale de placement sous surveillance électronique.
Il a néanmoins paru nécessaire de fixer quelques limites pour assurer cette cohérence.
La commission, sans aucune dissension sérieuse, nous l’avons déjà noté, a souhaité maintenir le système mis en place par la loi du 10 août 2007 sur les peines planchers. Elle a également admis qu’un mineur déjà condamné ne pourrait plus se voir appliquer uniquement certaines sanctions purement symboliques en rappelant dans le même temps qu’une dispense de sanction est toujours possible. Enfin parmi les préconisations les plus innovantes dans ce domaine on ne peut omettre de mentionner la possibilité de sanctionner le non respect d’une sanction éducative. Comment le mineur pourrait-il croire en l’importance de la réponse institutionnelle s’il peut constater que son inexécution n’entraîne aucune conséquence. La banalisation, le flou, le relativisme, l’absence de suivi peuvent être ressentis comme une forme de désintérêt. Pour tout dire, le caractère dérisoire d’une décision qu’on peut ne pas respecter conduit selon un membre de la commission à disqualifier les adultes. Il est donc très important que le juge puisse tirer les conséquences y compris pénales d’une inexécution fautive de la sanction éducative.
Le dernier axe de réflexion, mais certainement le plus important, a été celui de la célérité de la réponse pénale. On peut affirmer qu’aucune des personnes auditionnées n’a omis d’insister sur l’importance qu’il y a à apporter une réponse suffisamment rapide à la délinquance des mineurs ce qui ne signifie pas une sanction immédiate mais une prise en charge sans délai du mineur délinquant. Accepter l’idée que le temps de l’éducatif soit nécessairement assez long ce n’est pas accepter qu’un mineur soit jugé plusieurs années après les faits. Il suffit pour se convaincre de la situation inacceptable faite aux mineurs dans ce domaine de se référer aux statistiques des délais moyens constatés entre les faits et la condamnation pour certains contentieux, délais qui n’ont cessé de s’allonger au cours des dix dernières années .
Il faut trouver le temps juste pour répondre à la délinquance des mineurs . Il existe en effet un préalable indispensable à la prise de toute décision à l’encontre d’un mineur qui est celui d’une connaissance suffisante de la personnalité de ce mineur. Pour cette connaissance, au delà de la nécessité pour les services d’enquête de rédiger des procès-verbaux de renseignements sur la situation personnelle et familiale du mineur en cause, la commission propose que toute première judiciarisation entraîne automatiquement un examen systématique et complet de la personnalité du mineur dans un délai limité de trois mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. L’objectif est de constituer, dès ce moment, un dossier unique de personnalité pour chaque mineur qui intègrera tous les éléments des procédures diligentées contre le mineur en incluant les alternatives aux poursuites et toutes les expertises, les mesures d’investigation et les pièces du dossier d’assistance éducative estimées indispensables par le juge des mineurs. L’innovation fondamentale est donc de traduire procéduralement d’une manière plus forte le fait que le mineur ne soit plus jugé seulement sur un acte mais également en fonction de son évolution et son parcours personnel.
Il est par ailleurs apparu intéressant à la commission de poser le principe que la situation d’un mineur faisant l’objet d’une procédure pénale soit réexaminée tous les 6 mois.
Ce préalable réglé, il apparaissait alors possible de refonder la procédure correctionnelle visant les mineurs. La première innovation fondamentale est certainement la possibilité de procéder à une césure entre la déclaration de culpabilité et le prononcé de la sanction . Dès lors qu’un mineur reconnaît les faits, une première décision peut statuer sur la culpabilité et les intérêts civils, la décision sur la sanction intervenant à l’issue d’une période d’investigation et de probation qui ne pourra pas excéder 6 mois. Ce délai permettra de vérifier la bonne évolution du mineur, la réalité de l’indemnisation de la victime tout en réalisant un travail éducatif effectif sur l’acte commis.
L’accélération de la réponse pénale passe également par la fixation de délais-butoirs à tous les stades de la procédure par exemple pour le traitement des requêtes dont les juges des mineurs sont saisis ou pour instruire plus rapidement lorsque des mineurs sont mis en cause. Tout en respectant le temps nécessaire à l’action éducative il s’agit de la dynamiser pour apporter une réponse dans un délai raisonnable.
Le dossier de personnalité permet également une autre innovation essentielle proposée par la commission. Il s’agit de la possibilité pour le ministère public de saisir directement les différentes juridictions des mineurs, hormis le tribunal correctionnel pour mineurs, par le biais d’une convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement, pour des mineurs déjà condamnés et pour lesquels tous les éléments de personnalité se trouvent dans le dossier.
Il ne suffit cependant pas qu’une décision soit prise par une juridiction, il faut évidemment qu’elle soit rapidement exécutée. On sait hélas, grâce à un rapport récent de l’Assemblée Nationale que telle n’est pas la situation actuelle dans notre système judiciaire. Dans le prolongement de ce rapport la commission a repris certaines des solutions proposées mais elle a souhaité innover en donnant aux juges des mineurs un nouveau droit, celui de délivrer un mandat de placement immédiat.
On sait que, dans un cadre juridiquement très précis, les juridictions d’instruction comme de jugement peuvent délivrer des mandats de dépôt permettant une incarcération. En revanche lorsqu’elles décident que le mineur doit impérativement être retiré de son milieu, parce qu’il y est en danger, leur décision de placement peut n’être suivie d’effets que dans un délai parfois assez long, situation très mal supportée par l’ensemble des juges des enfants.
En instaurant un tel mandat qui serait délivré au directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse, le placement sans délai du mineur serait obligatoirement assuré ce qui implique l’existence de places d’accueil immédiat dans les dispositifs de placements gérés par la protection judiciaire de la jeunesse.
L’ensemble de ces observations ne nous conduit pas pour autant à présenter nos propositions selon un classement qui traiterait successivement du raisonnable et de l’innovant. Nous sommes convaincus que ce ne sont pas nos préconisations qui pourraient présenter ces caractéristiques mais bien plutôt l’état d’esprit qui a présidé à leur élaboration.
Dès lors, d’une manière beaucoup plus didactique, il nous a semblé préférable de présenter nos propositions en distinguant celles dont l’objectif est d’abord de rendre cette justice plus accessible à ceux qui en relèvent, les mineurs, mais aussi d’une manière plus générale aux citoyens qui souvent la contestent en rappelant les principes constitutionnels qui la fondent et celles qui, ensuite, sont destinées à adapter cette justice afin qu’elle réponde mieux à l’évolution de cette délinquance.
Nous traiterons donc successivement d’une justice pénale plus lisible (titre I) et d’une justice pénale adaptées à l’évolution de la délinquance (titre II).

TITRE 1 UNE JUSTICE PENALE DES MINEURS PLUS LISIBLE

Rendre lisible la justice pénale des mineurs est la première ambition et la plus consensuelle de la commission de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945.
Le besoin est grand, tant la succession des réformes de l’ordonnance du 2 février 1945 a entamé sa cohérence.
Les principes autour desquels l’ensemble des règles de l’ordonnance doit s’organiser n’apparaissent pas clairement. De même, le texte de l’ordonnance n’est guère accessible aux non-juristes en raison, notamment, du désordre qui existe dans la présentation de ses dispositions. Or, cette absence de clarté est regrettable, le citoyen, et particulièrement le mineur, sa famille et les victimes, devant avoir une connaissance aussi précise que possible des règles applicables. On ne peut se satisfaire d’une justice devenue incompréhensible pour les mineurs, phénomène que constatait dès 2002 la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs , et illisible pour les professionnels, comme le relevait les représentants de l’Union interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) lors de leur audition par la commission .
C’est la raison pour laquelle l’ordonnance du 2 févier 1945 est devenue obsolète en raison de son caractère complexe, incomplet et inadapté. Il est donc apparu nécessaire aux membres de la commission d’orienter dans un premier temps leur réflexion sur la clarification des instruments juridiques (chapitre 1) avant d’élaborer un cadre plus précis pour la justice pénale des mineurs (chapitre 2).

Chapitre 1. La clarification des instruments juridiques

Plus qu’une simple réforme, la justice pénale des mineurs nécessite une refondation. Celle-ci repose sur la codification des dispositions applicables aux mineurs (section 1) à partir du socle intangible des principes fondamentaux du droit spécifiques aux mineurs (Section 2) puisque, ainsi que le souligne le syndicat national des personnels de l’éducation et du social protection judiciaire de la jeunesse « un texte lisible serait un texte qui reste cohérent avec ses principes fondateurs » .

SECTION 1. D’UN POINT DE VUE FORMEL : UNE JUSTICE PLUS FACILEMENT ACCESSIBLE

Cet objectif partagé implique le choix d’abroger l’ordonnance du 2 février 1945 au profit de l’élaboration d’un code dédié, de nature à affirmer la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs et à le simplifier. L’élaboration de ce code est l’occasion d’adopter une terminologie plus adaptée, tant dans l’intitulé du nouveau code que dans l’appellation des juridictions et sanctions qu’il définira. Sa présentation repose sur une ossature classique au regard des principes actuels de codification.
I. Élaboration d’un code dédié
La réflexion de la commission de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 s’est concentrée, au préalable, sur la forme sous laquelle ce nouveau texte devrait se présenter.
Il a été tout d’abord envisagé de réécrire l’ordonnance de 1945 en toilettant le texte, ce qui aurait permis de conserver la symbolique de l’ordonnance et d’affirmer une continuité dans le respect des principes généraux du droit des mineurs. Cependant, cette solution présentait des inconvénients : une énième retouche au texte originel occultait l’ambition de la réforme, la mise en cohérence formelle des règles applicables était rendue plus difficile et le maintien de l’intitulé de l’ordonnance pouvait apparaître aujourd’hui comme suranné et inadapté à la réalité. Sur un plan pratique, lors des débats entre les membres de la commission, il est également apparu que cette solution ne permettait pas l’intégration des dispositions réglementaires régissant la matière, rendait complexe la numérotation des dispositions et surtout allait à l’encontre du mouvement actuel de codification.
L’hypothèse d’élaboration d’un code de la justice des mineurs rassemblant les questions civiles et pénales a ensuite été abordée par la commission pour être immédiatement rejetée, la commission n’étant pas missionnée sur ce point et ne disposant pas du temps et de l’intendance suffisante pour une réflexion de cette ampleur. Cette hypothèse demeure néanmoins judicieuse aux yeux de la commission tant les problématiques civiles et pénales sont liées dès lors qu’elles touchent les mineurs.
La réflexion a en outre porté sur l’insertion des règles relatives aux mineurs dans le code pénal et le code de procédure pénale ce qui aurait pour mérite d’une part, d’éviter une multiplication des codes et d’autre part, de mettre en évidence ce qui est spécifique aux mineurs et ce qui relève du droit commun applicable aux majeurs comme aux mineurs. Cependant, cette solution, contraire à ce qui avait été envisagée lors de la réforme du code pénal, supprimait la symbolique d’un texte propre aux mineurs et aboutissait à dissocier règles de fond et de procédure alors qu’elles sont intimement liées.
En effet, il faut rappeler que le code pénal adopté en juillet 1992 ne traite pas de la question des mineurs. Pourtant, la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 avait été envisagée par le gouvernement, lequel avait eu l’intention de présenter un texte séparé qui aurait été consacré au droit pénal des mineurs et devait procéder à une refonte complète de l’ordonnance du 2 février 1945. Cette réforme d’ampleur ne put toutefois aboutir et l’ordonnance sur l’enfance délinquante a depuis été modifiée à quinze reprises.
La commission souhaite que ce travail soit repris afin que soit renforcée la cohérence des dispositions pénales applicables aux mineurs et que la justice pénale des mineurs retrouve une plus grande lisibilité.

Proposition 1 : élaboration d’un code dédié.

La symbolique de la reconnaissance d’un droit spécifique pour les mineurs délinquants sera maintenue. De plus, les dispositions réglementaires seront intégrées dans une partie spécifique du code.
Par ailleurs, cela permet, au-delà des modifications de fond, une réécriture formelle qui renforce la cohérence des règles applicables et leur donne une meilleure lisibilité et accessibilité pour les praticiens et les justiciables.

II. Intitulé du nouveau code :

L’intitulé de ce code doit également être examiné. En effet, le titre originel de l’ordonnance de 1945 peut apparaître aujourd’hui inadapté à la réalité criminologique qu’elle appréhende en ce qu’il se limite à « l’enfance délinquante ».
Certes, des personnes auditionnées, et notamment la responsable de l’antenne des mineurs de l’Ordre des avocats de Paris , ont montré leur attachement au mot « enfant », arguant qu’il s’agissait de la terminologie reprise par la Convention internationale des droits de l’enfant alors que le terme de « mineur » était entouré d’une connotation négative – ce qui est mineur est d’une importance ou d’intérêt secondaire, accessoire. Mais ces explications n’ont pas convaincu les membres de la commission. En effet, la définition du mot « enfant » renvoie à la première période de la vie humaine, de la naissance à l’adolescence. Or, les pédopsychiatres soulignent que laisser de côté le phénomène de l’adolescence et de la puberté n’est pas de nature à restaurer l’image de soi du mineur. En effet, ils soulignent que la commission d’infractions est souvent la marque d’une valorisation de soi défaillante, d’autant que les auteurs de ces infractions, certes de plus en plus jeunes, sont le plus souvent des adolescents qui comprennent fort bien le sens du mot « mineur » .
A ce propos, il convient de rappeler qu’aux termes de la loi du 22 juillet 1912, au moment même où le législateur envisageait pour la première fois des institutions spécifiques aux mineurs, la juridiction de jugement des mineurs était intitulée « tribunal pour enfants et adolescents », le terme adolescent disparaissant avec l’adoption de l’ordonnance de 1945.
Aussi, les membres de la commission se sont entendus pour substituer le terme de « mineurs » à celui d’ « enfance » ou d’ « enfants ».
Un temps envisagée, l’expression « mineur délinquant » a été écartée en ce qu’elle n’appréhende pas la totalité du champ des infractions, en excluant, dans une acception stricte, les mineurs auteurs d’infractions criminelles et ceux auteurs d’infractions contraventionnelles.
D’ailleurs, il convient d’éviter de figer le mineur dans une position de sujet délinquant comme pourrait l’induire un intitulé tel que « Code des mineurs délinquants ».
Dès lors, afin de tenir compte de l’ensemble des ces éléments, la commission propose l’intitulé « Code de la justice pénale des mineurs » qui recouvre l’ensemble des dispositions de droit pénal et de procédure pénale applicables aux mineurs.

III. Simplification de certaines mesures applicables aux mineurs

En l’état actuel du droit, certaines mesures applicables aux mineurs sont seulement évoquées par l’ordonnance du 2 février 1945, leur régime ou leur contenu étant prévu dans le code de procédure pénale. Ainsi, en dehors des obligations spécifiques de l’article 10-2 de l’ordonnance, les obligations du contrôle judiciaire applicables aux mineurs sont toutes définies par l’article 138 du code de procédure pénale, alors mêmes que certaines de ses obligations ne sont pas adaptées aux mineurs.
Dans un objectif de simplification, il est proposé que le code dédié comprenne l’ensemble des dispositions relatives à tout thème qu’il aborde. Ainsi, ce code a vocation à regrouper l’ensemble des dispositions concernant le contrôle judiciaire des mineurs, mais aussi la garde à vue des mineurs, sursis avec mise à l’épreuve, etc…
L’intégration de ces dispositions doit alors être l’occasion de les « toiletter » et de les adapter aux mineurs. A titre d’exemple, pour le contrôle judiciaire, les membres de la commission se sont interrogés sur l’utilité de conserver, en plus des quatre obligations particulières prévues par l’article 10-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, les dix-sept obligations prévues par l’article 138 du code de procédure pénale. En particulier, il n’apparaît pas pertinent de mettre à la charge de mineur l’ensemble des obligations (voir infra) .
Dès lors que le nouveau code exposera les dispositions essentielles relatives aux mineurs, il convient d’assurer sa lisibilité pour l’avenir et d’éviter que des réformes législatives successives ne viennent obérer sa cohérence. En conséquence, la commission propose que si une modification législative intervient dans le champ d’une disposition réglementée par le code dédié, elle ne concerne les mineurs que si le législateur le prévoit expressément.

Proposition 4 : affirmation de la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs.

Dès lors qu’une disposition est réglementée dans le code dédié, si une modification législative intervient, elle ne concernera les mineurs que si elle le prévoit expressément. En effet, le nouveau code exposerait de manière exhaustive, sans renvoi au code de procédure pénale et au code pénal, les dispositions relatives notamment aux peines et sanctions applicables aux mineurs, aux obligations du contrôle judiciaire et du sursis avec mise à l’épreuve …

IV. Des terminologies plus adaptées

Le choix de l’intitulé du nouveau code emporte certaines conséquences sur la terminologie adoptée.
Ainsi, le remplacement du terme « enfant » par celui de « mineur » doit être généralisé aux juridictions, le « tribunal pour enfants » devenant le « tribunal des mineurs » et le « juge des enfants » devenant le « juge des mineurs ». De même, le « magistrat de la cour d’appel délégué de la protection de l’enfance » devient le « délégué à la protection des mineurs ».
De même, il est apparu que certaines terminologies désuètes devaient être abandonnées ou modifiées. Il en sera donné quelques exemples ici :
  l’admonestation prononcée par le juge des enfants, ou avertissement solennel quand il est prononcé par le tribunal pour enfants, doit être désigné sous un seul et même vocable, « l’avertissement judiciaire ». La commission estime que ce terme devrait être mieux compris des mineurs qui aujourd’hui ignorent très largement la signification du mot « admonestation » .
  la remise à parent ou gardien devient la « remise judiciaire à parents et/ou personnes qui en ont la garde », ce qui permettra d’inclure toutes les personnes ayant autorité sur le mineur et de leur rappeler leurs responsabilités dans l’éducation et la surveillance des enfants.

Proposition 2 : Adaptation de la terminologie.

Le nouveau code, intitulé « Code de la justice pénale des mineurs », consacre le changement de terminologie, le tribunal pour enfants devenant le « tribunal pour mineurs » et le juge des enfants devenant le « juge des mineurs ». Le magistrat de la cour d’appel délégué à la protection de l’enfance devient le délégué à la protection des mineurs. Autre exemple : l’admonestation devient l’avertissement judiciaire et la remise à parents, la remise judiciaire à parents et / ou aux personnes qui en ont la garde.

V. Le choix d’un classement des réponses à une infraction en deux catégories : sanctions éducatives et peines

Le juge des mineurs intègre toujours dans sa réflexion la dimension éducative de la réponse apportée aux faits commis par des mineurs délinquants.
Pour ce faire, il dispose de réponses plus variées que le juge pénal des majeurs puisqu’il peut prononcer, outre les peines, des mesures de protection, assistance, surveillance et éducation, dites mesures éducatives, et des sanctions éducatives .
Le terme de mesure, lié initialement à l’action d’évaluer une grandeur, a été utilisé dans de nombreuses autres acceptions. Dans le langage juridique et administratif, le terme de mesure définit un acte ou une décision, souvent d’ailleurs ne pouvant pas faire l’objet d’un recours.
Il est apparu qu’il n’était pas souhaitable de conserver le terme de « mesures éducatives » s’agissant de la réponse pénale apportée à des infractions par des juridictions pénales (voir infra).
En effet, la réponse apportée par le juge des mineurs revêt nécessairement le caractère d’une sanction. Elle n’est d’ailleurs pas comprise autrement par le mineur lorsque celui-ci fait l’objet, par exemple, d’une mesure de placement.
Le terme de sanction vient du latin sancire, c’est-à-dire établir une loi. Il signifie initialement approuver ou consacrer quelque chose. Il a progressivement aussi pris le sens de constater et tirer les conséquences. Il est alors plus négativement connoté et s’approche de la notion de punition.
L’usage de ce terme dans le champ pénal paraît donc plus opportun que celui de mesure.
La commission propose donc l’abandon du terme « mesures éducatives » et le classement des sanctions prononcées par les juridictions pour mineurs en sanctions éducatives et peines.

Proposition 3 : classement des réponses pénales en sanctions éducatives et en peines.

La réponse apportée par les juridictions pour mineur vient sanctionner un comportement pénalement répréhensible, même si elle poursuit un objectif éducatif. La commission propose donc la suppression de l’appellation de « mesures éducatives » au pénal et recommande de distinguer deux catégories de réponses juridictionnelles : les sanctions éducatives et les peines.

VI. L’ossature du code de la justice pénale des mineurs

Pour rendre la règle de droit accessible, le nouveau code doit adopter un plan clair et rigoureux et comporter des dispositions simples et mieux définies.
Aussi, afin de reprendre les principes de la codification du code pénal et des codes actuels, ce nouveau code pourrait être divisé en quatre livres. La commission a estimé qu’il convenait de consacrer, dans un article préliminaire, les principes essentiels de valeur supra-législative puis, d’énumérer dans le premier Livre les grands principes directeurs de la justice pénale des mineurs, que la commission s’est attachée à clarifier (voir infra).
Le second Livre serait consacré au droit substantiel, le troisième à la procédure pénale applicable aux mineurs et le quatrième à l’exécution des sanctions éducatives et des peines.
Conformément au système de numérotation adopté dans les codifications récentes, et en premier lieu pour le code pénal, la commission propose de retenir la numérotation décimale à trois chiffres : le premier chiffre correspondant à celui du livre, le second à celui du titre au sein de ce livre et le troisième à celui du chapitre au sein du titre. Cette méthode permet en effet de se retrouver facilement dans le code dès qu’on en connaît le plan. Elle permet en outre de modifier plus facilement les textes.
L’élaboration d’un code dédié à la justice pénale des mineurs marquera une rupture avec l’ordonnance du 2 février 1945, l’ensemble de ses dispositions devant être abrogé. Surtout, ce code sera l’occasion d’introduire des concepts et mécanismes juridiques nouveaux s’agissant du droit applicable aux mineurs. Néanmoins, il ne sera pas fait table rase du passé, le Code de la justice pénale des mineurs devant également marquer une certaine continuité avec les principes de la justice pénale des mineurs, lesquels seront conservés et même réaffirmés.

SECTION 2. D’UN POINT DE VUE SUBSTANTIEL : UNE JUSTICE DES MINEURS AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX REAFFIRMES

Comme il a déjà été indiqué, l’environnement juridique actuel n’a plus rien de commun avec celui qui a présidé à l’adoption de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
D’une part, les décisions du Conseil constitutionnel ont permis l’affirmation et le contrôle du respect des principes constitutionnels dont certains sont particuliers aux mineurs. D’autre part, l’entrée en vigueur de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH) et son principe d’applicabilité directe ont permis le contrôle juridictionnel du respect des droits des justiciables, tant par les juridictions internes que par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). L’affirmation de principes conventionnels et la jurisprudence européenne doivent ainsi inspirer toute réforme législative, et notamment celle applicable à la justice pénale des mineurs.
La commission a jugé pertinent de regrouper ces principes constitutionnels et conventionnels en une formulation liminaire des fondements de la justice pénale des mineurs puis de décliner ces principes directeurs.
I. Rappel du cadre constitutionnel
Dans ses quatre dernières décisions traitant du droit applicable aux mineurs délinquants, le Conseil constitutionnel reprend chaque fois une même formule pour rappeler les principes constitutionnels : « Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; (…) »
Ce faisant, le Conseil constitutionnel reconnaît que le principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, le principe de primauté de l’éducatif et le principe de spécialisation des juridictions et des procédures sont des règles qui ont été « constamment affirmées par le législateur républicain de la première moitié du XXème siècle », et dessinent en conséquence un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) .
Sur le premier principe, il doit être rappelé que l’atténuation de responsabilité ne constitue pas une exigence absolue. Ainsi, le Conseil constitutionnel a déjà admis, à l’occasion de l’examen des lois du 5 mars 2007 et 10 août 2007, que le législateur pouvait écarter l’application de l’atténuation de responsabilité en fonction de circonstances liées à l’âge, au comportement du mineur et à la gravité de la faute. Surtout, il admet que le législateur puisse supprimer l’atténuation de responsabilité à condition de le justifier et de permettre au juge de la rétablir en motivant sa décision .
Sur le deuxième principe, il peut être précisé, ainsi que cela est indiqué dans les Cahiers du Conseil constitutionnel , « que la répression des infractions commises par les mineurs doit poursuivre, dans toute la mesure du possible, une finalité éducative et protectrice. En revanche, la législation républicaine antérieure à la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes et les sanctions devraient toujours être écartées au profit de mesures purement éducatives. Dès lors, lorsqu’il fixe les règles relatives à la justice des mineurs, le législateur doit certes respecter le principe général reconnu par les lois de la République en vertu duquel leur responsabilité pénale doit être atténuée en raison de leur âge et leur relèvement recherché par des mesures adaptées à leur personnalité ; mais cela ne lui interdit pas de prévoir des mesures contraignantes et, au-dessus de 13 ans, une répression pénale, même si les mesures purement répressives, telles que l’incarcération, ne doivent être envisagées qu’en dernier ressort ».
Sur le troisième principe, l’intervention d’un magistrat non spécialisé peut être admise dès lors qu’il est question d’infractions de faible gravité, comme les contraventions des quatre premières classes. De même, l’existence d’une procédure appropriée peut constituer une alternative à l’intervention d’une juridiction spécialisée (voir infra).

II. Influence de la jurisprudence européenne

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu un certain nombre de décisions relatives à la responsabilité pénale et à la procédure applicable aux mineurs. Si la Cour dégage rarement des principes, son raisonnement juridique étant davantage fondé sur une analyse « in concreto » en fonction des circonstances de l’espèce, il demeure possible de fixer quelques lignes générales de sa jurisprudence.
Tout d’abord, la Cour européenne des droits de l’homme ne reconnaît pas au mineur un droit à l’irresponsabilité pénale, ni ne fixe de seuil d’âge en dessous duquel ce droit devrait être reconnu au mineur délinquant (voir infra).
Ensuite, si la Cour ne définit pas de principe d’un statut procédural propre aux mineurs, elle veille à ce que des garanties soient prévues lors de la phase de jugement afin qu’un mineur ne soit pas traité comme un majeur.
Ainsi, la Cour estime que le droit à un procès équitable est respecté par la présence d’un mineur délinquant à l’audience à condition qu’il soit traité « d’une manière qui tienne pleinement compte de son âge, de sa maturité et de ses capacités sur le plan intellectuel et émotionnel, et de prendre des mesures de nature à favoriser sa compréhension de la procédure et sa participation à celle-ci » .
La Cour en déduit notamment qu’un mineur doit être assisté d’un avocat tout au long de la procédure et qu’il est possible de déroger au principe de publicité des débats.

III. Formulation liminaire des fondements de la justice pénale des mineurs

Proposition 5 : Insertion dans le Code de la justice pénale des mineurs d’un article préliminaire reprenant les principes supra-législatifs de la justice pénale des mineurs.

Afin de tenir compte des exigences constitutionnelles et conventionnelles, la commission propose cette formulation :

« Afin de concilier l’intérêt du mineur avec les intérêts de la société et des victimes, la responsabilité pénale des mineurs capables de discernement est mise en œuvre conformément aux dispositions du présent code, dans le respect du principe d’atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et en recherchant leur relèvement éducatif et moral par des sanctions éducatives ou des peines adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées et mise à exécution par des juridictions spécialisées ou selon des procédures appropriées ».
IV. Déclinaison des grands principes directeurs
Après l’inscription des principes fondamentaux dans un article préliminaire, la commission propose que le Livre premier du nouveau code soit dédié à l’affirmation des principes directeurs de la justice pénale des mineurs.
Ces principes directeurs s’articulent essentiellement autour de principes relatifs à la responsabilité pénale des mineurs et à la procédure pénale applicable aux mineurs.

A. Principes de droit pénal

1. Primauté de l’éducatif et caractère subsidiaire de la peine

Actuellement, ce principe est affirmé dès l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 :
« Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation qui sembleront appropriées.
Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l’exigent, soit prononcer une sanction éducative à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l’article 15-1, soit prononcer une peine à l’encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l’atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9.
Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d’emprisonnement, avec ou sans sursis, qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ».
La doctrine a évoqué une opposition, voire une option, entre la voie éducative et la voie répressive, considérant que l’ordonnance donne la primauté aux mesures éducatives, n’envisage les peines qu’à titre subsidiaire et interdit le cumul entre mesures éducatives et peines .
Néanmoins, le législateur a récemment multiplié les hypothèses de cumul entre mesures éducatives et peines, signifiant ainsi que leurs objectifs n’étaient pas contradictoires .
A ce titre, si les membres de la commission sont attachés à l’idée de primauté de l’éducatif en ce que la réponse pénale du magistrat doit toujours rechercher le « relèvement éducatif et moral » du mineur, ils n’entendent nullement opposer éducation et répression. Au contraire, le principe de primauté de l’éducatif doit être l’occasion d’affirmer que toute sanction, qu’elle s’analyse en une mesure de sûreté ou une peine, comporte une finalité éducative (voir infra).
La commission propose donc que soit affirmé l’objectif éducatif de toute réponse pénale à l’encontre d’un mineur.
Dès lors, la tâche du juge est d’adapter ses moyens à l’objectif ainsi défini. Il pourra prononcer des sanctions éducatives ou des peines, l’essentiel étant de prononcer des mesures adaptées aux situations particulières.
Pour ce faire, les juridictions devront d’abord envisager de prononcer une sanction éducative, et si celle-ci n’apparaît pas suffisante, alors elles pourront prononcer des peines. Le principe n’a d’autre portée que de guider la démarche intellectuelle du juge et ne signifie en aucun cas que les sanctions éducatives doivent avoir été épuisées avant que de pouvoir prononcer une peine. Ainsi, le tribunal des mineurs ayant à connaître d’un mineur primo-délinquant mais auteur d’un vol avec arme pourra parfaitement prononcer une peine s’il estime que les sanctions éducatives n’apparaissent pas suffisantes au regard de la gravité des faits et de la personnalité du mineur.
La commission propose donc de réaffirmer le caractère subsidiaire des peines, une peine ne pouvant être prononcée contre un mineur que si les circonstances des faits et sa personnalité l’exigent et qu’il n’est pas possible de se contenter d’une sanction éducative.
La commission propose d’affirmer, parmi les principes directeurs de la justice pénale des mineurs, le principe de primauté de l’éducatif pris en ses deux branches : l’objectif éducatif de toute réponse pénale à l’encontre d’un mineur et le caractère subsidiaire des peines.

2. Atténuation automatique de la responsabilité en fonction de l’âge sauf exception prévue par la loi.

Il semble que si divers seuils d’âge de responsabilité pénale ont été adoptés selon les législations, l’ensemble des pays européens reconnaît un principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs. Ainsi en Allemagne, l’âge de la responsabilité pénale est fixé à quatorze ans et le mineur bénéficie de l’excuse de minorité de quatorze à dix-huit ans. En Angleterre et au Pays de Galles, l’âge de la responsabilité pénale est établi à dix ans et le mineur bénéficie d’une présomption d’atténuation de responsabilité entre dix et quatorze ans.
La réflexion et les propositions relatives au seuil d’âge de responsabilité pénale des mineurs seront évoquées plus précisément dans la suite du rapport, seule la question des tranches d’âge étant abordée ici.
En l’état actuel du droit, le principe d’atténuation de responsabilité des mineurs est modulé en fonction de trois seuils d’âge : dix ans, treize ans, seize ans.
La commission n’a pas souhaité revenir sur la particularité de la tranche d’âge des seize-dix huit ans.
Il a déjà été expliqué dans quelle mesure il pouvait être dérogé au principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs de seize à dix huit ans, notamment en matière de récidive et de grande récidive. Ces dispositions étant récentes, la commission a estimé ne pas disposer du recul nécessaire pour en évaluer la pertinence et les conséquences. De surcroît ce principe ne doit s’entendre que dans un système de cohérence et de progressivité de la réponse pénale que les membres de la commission entendent conserver et renforcer (voir infra).
Ainsi, la commission propose de maintenir le principe de restriction de l’atténuation de peine pour les mineurs de seize à dix-huit ans récidivistes.
Or, il est apparu aux membres de la commission que le système actuel ne permettait pas d’apporter des réponses suffisamment « contenantes » aux mineurs de quatorze et quinze ans.
En effet, si les mineurs de treize à seize ans sont aujourd’hui accessibles aux peines d’emprisonnement, il convient de souligner la difficulté de les soumettre à des mesures coercitives avant jugement. Ainsi, le placement sous contrôle judiciaire n’est envisagé que de manière restrictive pour cette tranche d’âge et la détention provisoire en matière délictuelle n’est prévue que pour la seule violation des obligations du placement en centre éducatif fermé.
Dès lors, les conditions de prononcé du contrôle judiciaire et de détention provisoire restreignent fortement les possibilités de recourir à ces mesures et de nombreux praticiens ont rappelé lors des travaux qu’ils étaient démunis pour apporter efficacement et au plus vite une réponse pénale aux mineurs de cette tranche d’âge, alors même qu’ils constataient un rajeunissement de la délinquance et un accroissement de la violence.
Or, des pédopsychiatres auditionnés par la commission ont rappelé à plusieurs reprises que les mineurs multiréitérants étaient le plus souvent des mineurs en grande souffrance, notamment en raison de l’inadéquation des réponses apportées par les adultes aux actes qu’ils commettaient. Par exemple, s’agissant des mineurs violents, Monsieur Botbol, médecin psychiatre, a souligné que la violence était toujours une mise en cause du lien à autrui, soit qu’il s’agisse de provoquer l’autre soit qu’il s’agisse de le nier, le disqualifier ou le détruire. Dans les deux cas, la contrainte apparaît comme une réponse nécessaire parce qu’elle est une manifestation de l’autre ; elle doit alors être pensée comme une « aide-contrainte » et la réponse institutionnelle doit être en même temps suffisamment contraignante et inscrite dans un projet éducatif et thérapeutique.
Pour toutes ces raisons, il aurait pu être envisagé de revoir le système des tranches d’âge et de proposer un nouveau découpage qui permette d’apporter des solutions adéquates aux problématiques particulières des mineurs de quatorze et quinze ans, et notamment des possibilités de contention. Finalement, la commission n’a pas souhaité s’engager dans cette direction (voir infra).
Toutefois, la commission n’entend pas apporter de modification aux dispositions actuelles d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge. Elle considère néanmoins que l’emprisonnement doit être envisagé de manière spécifique.

3. Caractère exceptionnel de l’emprisonnement

La commission entend s’inspirer de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant qui rappelle en son article 37 que :
« Les Etats parties veillent à ce que : (…) b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible » .
La commission a procédé à l’audition de Madame Fabienne QUIRIAU, présidente de la Commission Enfance en France de l’Unicef, qui insistait sur le fait que l’incarcération doit être un recours ultime.
Elle rappelait les recommandations formulées par le Parlement européen, le 16 janvier 2008, dans la stratégie européenne sur les droits de l’enfant, quant à la nécessité de rechercher des réponses substitutives à l’emprisonnement.
Egalement entendue par la commission, Madame Dominique VERSINI, Défenseure des enfants, préconisait également que l’incarcération d’un mineur reste une mesure d’exception.
Par ailleurs, les membres de la commission ont dénoncé le caractère corrupteur de la prison, celle-ci apparaissant souvent comme une véritable « école de la récidive » . Il a d’ailleurs été souligné la possibilité que certains mineurs ne vivent leur incarcération que comme un rite de passage dont ils tireraient une certaine fierté et une preuve de leur endurcissement.
Aussi, il est apparu nécessaire d’isoler la peine privative de liberté des autres peines et d’éviter qu’elle ne se banalise en rappelant qu’elle ne peut être prononcée que lorsqu’aucune autre sanction ne paraît adaptée.

La commission propose donc de souligner le caractère exceptionnel des peines privatives de liberté en l’inscrivant comme un principe fondamental.

B. Principes de procédure pénale

1. Spécialisation des juridictions ou des procédures

Le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel les sanctions prononcées à l’encontre des mineurs doivent l’être par des juridictions spécialisées ou selon des procédures appropriées. Ainsi formulé, ce principe contient une alternative : le mineur doit relever d’une juridiction spécialisée, ou bien bénéficier d’une procédure appropriée.
D’importants débats ont porté sur l’interprétation des exigences constitutionnelles et sur la pertinence de proposer le cumul d’une juridiction spécialisée et d’une procédure appropriée.
Il convient de rappeler que la spécialisation des magistrats appelés à connaître des mineurs délinquants est le prolongement et la condition du principe de primauté de l’éducatif. En effet, les juges des mineurs doivent disposer d’une connaissance particulière des problématiques de l’enfance et de l’adolescence. C’est d’ailleurs pourquoi l’ancien article L. 532-1 du Code de l’organisation judiciaire précisait que « le juge des enfants est choisi compte tenu de l’intérêt qu’il porte aux questions de l’enfance et de ses aptitudes, parmi les juges du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le tribunal pour enfants a son siège ».
Dans le même esprit, des membres de la commission se sont montrés favorables à la création d’un juge des libertés et de la détention spécialisé, constatant que s’il existe un juge d’instruction spécialisé puis des établissements pénitentiaires spécialisés le maillon judiciaire qui fait le lien entre ces deux phases ne l’est en revanche pas.
Cependant, il a été rappelé qu’une telle solution aurait pour seule conséquence une spécialisation de façade, notamment pour les juridictions de petite ou moyenne importance dans lesquelles tous les magistrats recevraient cette habilitation « mineurs ».
Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention ne peut être saisi aux fins de placement en détention provisoire par un juge des enfants ou juge d’instruction, qui, eux, sont spécialisés.
Des membres de la commission se sont, au contraire, interrogés sur la possibilité de retirer au juge des mineurs le contentieux des contraventions de cinquième classe et de les confier au juge de proximité. Interrogé sur ce point, le professeur Mathieu estimait que cela pouvait être envisagé puisque les contraventions sont des infractions de faible gravité et non punies d’emprisonnement.
Cependant, d’autres membres de la commission, professionnels « de terrain », ont fait valoir que les contraventions de cinquième classe, même si elles ne constituaient qu’une part infime des infractions commises par les mineurs, pouvaient parfois être de bons indicateurs de situations dégradées pour lesquelles l’intervention d’un magistrat spécialisé était utile, notamment s’agissant des contraventions de violences volontaires.
D’ailleurs, la contribution de l’association nationale des juges de proximité aux travaux de la commission révèle que, si les juges de proximité considèrent que, même sans spécialisation, leur profil les rend absolument aptes à apporter une réponse éducative et cohérente aux mineurs jugés pour des contraventions des quatre premières classes, ils ne revendiquent pas une compétence particulière pour juger des contraventions de 5ème classe commises par des mineurs .

En conséquence, la commission estime que le cumul d’une juridiction spécialisée et d’une procédure appropriée apporterait une rigidité nouvelle à l’organisation judiciaire et propose de maintenir le principe de spécialisation dans sa formulation actuelle, le mineur devant relever d’une juridiction spécialisée ou bénéficier d’une procédure appropriée.

2. Prise en compte nécessaire de la personnalité des mineurs

L’affirmation du principe de l’instruction obligatoire a été débattue par les membres de la commission.
Ce principe a actuellement pour traduction que l’information par le juge est la voie normale de poursuite des infractions commises par les mineurs. Il s’agit d’une instruction sur les faits et la personnalité tantôt confiée au juge des enfants , tantôt confiée au juge d’instruction, et qui s’inscrit dans la logique de l’objectif éducatif de toute réponse pénale. Il en résulte l’interdiction de recourir aux procédures de citation directe et de comparution immédiate .
Cependant, il est apparu aux membres de la commission, et en premier lieu aux praticiens, que l’application stricte de ce principe contribuait au ralentissement des procédures pour des affaires qui ne le méritaient pas toujours.
A ce titre, il a été constaté que, devant les juridictions pour enfants, le délai moyen écoulé entre les faits et la condamnation s’était accru, passant de 11,4 mois en 1999 à 15,1 mois en 2006, soit une augmentation de 32,46 %, alors même que le nombre de juges des enfants avait lui-même augmenté de 31,45 %, et que le nombre de condamnations par magistrat n’avait cru que de 16,02 % .
Ainsi, l’enquête sociale, qui allonge la durée de l’instruction de l’affaire, est considérée comme généralement inutile pour des faits de faible gravité commis par un primo-délinquant. De même, le législateur a déjà permis la saisine directe des juridictions de jugement sans instruction préalable avec la procédure de jugement à délai rapproché puis avec la procédure de présentation immédiate au motif, que pour les mineurs multi-réitérants, les juridictions avaient une connaissance suffisante de la personnalité du mineur et du contexte familial grâce aux mesures déjà ordonnées dans les précédentes procédures.
Aussi, la commission n’estime pas nécessaire d’affirmer le principe d’une instruction obligatoire tout en restant très attachée à ce que la personnalité du mineur soit évaluée de manière suffisamment approfondie et prise en compte avant toute décision.

En conséquence, la commission propose d’affirmer le principe de nécessaire connaissance de la personnalité du mineur.

Dès lors les investigations approfondies sur la personnalité du mineur devront intervenir obligatoirement à la première saisine du juge. Ce dernier appréciera ensuite l’opportunité de leur renouvellement ou de leur réactualisation selon les circonstances de l’espèce.

3. Nécessité et cohérence de la réponse pénale

L’absence de réponse pénale aux actes de délinquance commis par les mineurs contribue à renforcer le sentiment d’impunité, que par ailleurs, beaucoup d’acteurs publics leur prêtent, et à encourager la réitération.
Aussi, il est apparu important, aux yeux des membres de la commission, d’affirmer la nécessité d’une réponse à toute infraction, ce qui constitue d’ailleurs, une priorité de politique publique. Ainsi, au premier semestre 2008, le taux de réponse pénale est de 91 %, soit une augmentation de plus de dix points depuis 2001 . Il demeure que le taux de réponse pénale, même très élevé, n’est pas nécessairement le signe d’une réponse adaptée. La commission a donc jugé que l’affirmation de ce principe par circulaire n’était pas suffisante.
En outre, la réponse aux infractions, pour être efficace, ne doit pas se limiter au seul choix entre alternative aux poursuites et saisine d’une juridiction. Elle doit ainsi être tout à la fois systématisée et diversifiée.
Dès lors, la commission préconise que toute infraction commise par un mineur pénalement responsable donne lieu à une réponse, qu’elle émane de la société civile, qu’elle soit alternative aux poursuites ou juridictionnelle, à moins que les circonstances particulières liées à la commission des faits et à la personnalité du mineur justifient, dans son intérêt, le classement sans suite de la procédure

La commission propose d’affirmer le principe de nécessité d’une réponse à toute infraction.

Dans l’étude réalisée par l’Inspection de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse en avril 2008, « L’ordonnance de 1945 vue par 331 mineurs », les jeunes interrogés comprennent quasi unanimement que la justice doit donner une réponse proportionnée à la gravité des actes commis et qu’en particulier un mineur qui réitère doive être sanctionné plus sévèrement.
Aussi, la commission s’est interrogée sur la possibilité d’introduire la notion de progressivité de la réponse aux infractions dans les principes directeurs de la justice pénale des mineurs.
En effet, des membres de la commission estiment que la progressivité de la peine est déjà mise en œuvre au regard des dispositions relatives à la récidive pénale. Dès lors, il pourrait être envisagé d’étendre cette notion à l’ensemble de la chaîne pénale afin de souligner que la réprobation sociale est plus forte à mesure que les infractions sont renouvelées.
Il a par exemple été imaginé de classer les réponses pénales par groupes, sur le modèle du droit disciplinaire, afin de faciliter la gradation celles-ci. Cette proposition n’a cependant pas été retenue par la commission, certains de ses membres rappelant que la sanction était tout autant fonction de l’acte que de la personnalité du mineur et que le juge devait pouvoir disposer, à tous les stades de la procédure, de l’intégralité de la palette des sanctions pénales (voir infra).
De même, des membres de la commission ont rappelé que la notion de progressivité impliquait aussi une certaine automaticité de la sanction. Aussi, afin d’équilibrer la progressivité de la réponse au regard de la gravité des faits avec la nécessaire prise en compte de la personnalité du mineur, la commission propose d’inclure dans les principes directeurs de la justice pénale des mineurs le principe de cohérence de la réponse pénale.
La commission propose d’affirmer le principe de cohérence de la réponse pénale, ce qui signifie que la réponse apportée à un acte de délinquance doit être adaptée à la gravité des faits et au parcours du mineur.

4. Implication nécessaire des parents tout au long de la procédure

Un consensus a très vite émergé au sein de la commission sur la nécessité d’impliquer les parents ou les autres représentants légaux du mineur dans le déroulement de la procédure.
Les mineurs, eux-mêmes, attendent que leurs parents soient présents et actifs auprès d’eux durant les procédures pénales. Dans l’étude précitée et réalisée par l’Inspection de la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, « L’ordonnance de 1945 vue par 331 mineurs », il apparaît que « cette attente intense d’adultes bien présents et bien positionnés est exprimée quelles que soient les situations familiales des jeunes, parfois fortement dégradées ».
Pour autant, il n’est pas apparu pertinent aux membres de la commission d’inscrire la participation des parents tout au long de la procédure pénale sous l’angle d’une obligation. En effet, certaines situations sont tellement dégradées que la carence des parents n’est pas nécessairement préjudiciable à la marche de la procédure. D’autre part, des membres de la commission ont fait valoir que la présence systématique des parents lors de la mise en examen ou lors d’un interrogatoire sur le fond pouvait priver le mineur de la possibilité de s’exprimer librement devant l’autorité judiciaire.
En conséquence, la commission propose d’affirmer le principe de la nécessité d’une implication permanente des parents et autres représentants légaux du mineur, sans pour autant élever au rang d’obligation juridique la présence systématique de ceux ci à tout acte de la procédure. L’information et la convocation des parents sont obligatoires. En revanche, dans certaines hypothèses, ils peuvent faire l’objet d’une audition séparée.

5. Assistance de l’avocat

La commission n’a jamais mis en cause le principe de l’assistance obligatoire de l’avocat ; bien au contraire, il lui est apparu nécessaire de le renforcer. Ainsi, les membres de la commission ont estimé que l’assistance de l’avocat en garde à vue devait être obligatoire pour les mineurs les plus jeunes (voir infra).
En outre, la commission s’est interrogée sur une possible extension de ce principe. En effet, des représentants du barreau l’ont sensibilisée à des expériences menées dans certains barreaux visant à assurer une continuité dans l’assistance du mineur tout au long de la procédure par un avocat unique. La commission recommande de généraliser le système déjà mis en œuvre par exemple à Paris, Créteil ou Marseille.
Enfin, la commission préconise l’extension de l’assistance obligatoire d’un avocat aux procédures post-sentencielles.
La commission propose de renforcer le principe de l’assistance obligatoire d’un avocat et d’affirmer le principe du défenseur unique pour le mineur.

6. Publicité restreinte

La commission entend maintenir ce principe fondamental déjà reconnu par l’ordonnance du 2 février 1945 , mais aussi par les normes internationales , eu égard à sa fonction de protection.
En effet, si le caractère public des débats est généralement considéré comme la garantie d’une procédure équitable, il convient d’observer qu’appliqué aux mineurs il peut avoir l’effet inverse, la présence du public intimidant, voire « traumatisant » les mineurs au point de les empêcher de participer à leur défense.
Enfin, la publicité restreinte des débats judiciaires est la garantie de la protection de l’image et de la réputation du mineur prévenu. D’ailleurs, dans le prolongement de ce principe, le législateur prévoit également la sanction de la divulgation des débats des tribunaux pour enfants .
La commission propose de maintenir le principe de publicité restreinte.

Proposition 6 : Formulation dans la première partie du code des principes directeurs de la justice pénale des mineurs.

Seront rappelés les principes directeurs relatifs à la responsabilité pénale :
 Principe de primauté de l’éducatif dans ses deux branches : objectif éducatif de toute réponse pénale à l’encontre d’un mineur et caractère subsidiaire de la peine.
 Principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge.
 Principe du caractère exceptionnel des peines privatives de liberté.

Seront déclinés les principes directeurs relatifs à la procédure pénale :
 Principe de spécialisation des juridictions ou d’une procédure appropriée.
 Principe de nécessaire connaissance de la personnalité du mineur.
 Principe de nécessité d’une réponse à toute infraction.
 Principe de cohérence de la réponse pénale.
 Principe d’implication permanente des parents.
Principe de l’assistance obligatoire d’un avocat et du défenseur unique pour le mineur.
Principe de publicité restreinte.
Ces clarifications formelles ont permis à la commission d’élaborer dans un cadre textuel plus lisible, irrigué par des principes mieux définis, une réflexion sur la spécificité du droit applicable. Dans cette perspective, la commission s’est ensuite attachée à préciser ses propositions, notamment sur le public concerné et la spécialisation des juridictions des mineurs.

Chapitre 2. La mise en place d’un cadre juridique précis : les protagonistes de la Justice pénale des mineurs

La justice pénale des mineurs est soumise à des principes particuliers, le plus souvent dérogatoires au droit commun, parce qu’elle s’adresse à un public précis et vise une finalité spécifique, le « relèvement éducatif et moral » des mineurs.
A ce titre, la commission s’est doublement interrogée aux fins de savoir si l’ensemble des mineurs devait relever de la justice pénale spécialisée (section 1) et sur le sens et la portée concrète sur le principe de la spécialisation des juridictions pour mineurs (section 2).

SECTION 1. LES MINEURS RELEVANT DE LA JUSTICE SPECIALISEE

Le contexte juridique international nouveau oblige à revoir l’état actuel du droit et impose de déterminer un seuil d’âge de responsabilité pénale. Le choix opéré par la commission emporte un certain nombre de conséquences notamment en matière de garde à vue des mineurs. En-deçà de l’âge de responsabilité pénale, les mineurs ne relèvent plus de la sphère pénale, à dix-huit ans ils sont pénalement majeurs. Dans tous les cas d’incertitude sur l’âge, c’est l’intérêt du mineur qui doit primer.

I. Le choix d’un âge de responsabilité pénale

A. Etat du droit

En l’état actuel du droit, la responsabilité pénale des mineurs est fonction du discernement et non de l’âge du mineur. Ainsi, l’article 122-8 du Code pénal rappelle que : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsable des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation ». Cet article, issu de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, consacre une analyse déjà formulée par l’arrêt Laboube de la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 13 décembre 1956.
En effet, jusqu’à cet arrêt, la lecture de l’ordonnance de 1945 et notamment de son exposé des motifs semblait permettre l’imputation d’une infraction à tout enfant, abstraction faite de toute question de discernement. Cette solution surprenante trouvait son inspiration dans les enseignements de l’école de la défense sociale nouvelle, la réponse pénale n’étant pas prise à l’encontre du mineur mais dans son intérêt . L’arrêt Laboube rappelle donc qu’il est nécessaire que, « conformément aux principes généraux du droit, le mineur dont la participation à l’acte matériel à lui reproché est établie, ait compris et voulu cet acte ; que toute infraction, même non intentionnelle, suppose en effet que son auteur ait agi avec intelligence et volonté » .
Aussi, dans le système actuel, tous les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables et leur responsabilité est différemment atténuée selon des seuils d’âge :
  en-dessous de dix ans, les mineurs ne peuvent faire l’objet que de mesures éducatives,
  entre dix et treize ans, ils peuvent, en outre, faire l’objet de sanctions éducatives,
  de treize à seize ans ils peuvent également être condamnés à une peine mais bénéficient alors d’une diminution des peines privatives de liberté et des peines d’amende (excuse de minorité),
  au-delà de seize ans, la diminution de peine peut leur être refusée par la juridiction de jugement.
Cette solution apparaît comme peu lisible pour les mineurs eux-mêmes mais aussi pour les professionnels, certains membres de la commission rappelant d’ailleurs que la question du discernement est systématiquement soulevée par les avocats des mineurs les plus jeunes.
B. Contexte juridique international
L’environnement juridique international a beaucoup évolué depuis l’adoption de l’ordonnance du 2 février 1945 et les normes internationales recommandent aujourd’hui de fixer un seuil minimal de responsabilité pénale.
Ainsi la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 stipule, dans son article 40-3, « les Etats parties s’efforcent de promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale, et en particulier […] d’établir un âge minimal au-dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale ». De même, les Règles de BEIJING adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1985 invitent les Etats à ne pas adopter un seuil de responsabilité pénale qui soit fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle.
En Europe, la Cour européenne des droits de l’homme, dans une décision T. contre Royaume-Uni, a accepté de vérifier la compatibilité, en cette matière, de la législation de l’Etat défendeur avec le respect des articles 3 et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme .
A cet égard, la Cour a refusé d’imposer un seuil minimum de responsabilité pénale, admettant sur ce point la diversité des législations internes. Elle s’est cependant livrée à un tour d’horizon des législations européennes, relevant qu’un mineur est tenu pour pénalement responsable à l’âge de : sept ans à Chypre, en Irlande, en Suisse et au Liechtenstein, huit ans en Ecosse, treize ans en France, quatorze ans en Allemagne, en Autriche, en Italie et dans plusieurs pays d’Europe orientale, quinze ans dans les pays scandinaves, seize ans au Portugal, en Pologne et en Andorre et dix huit ans en Espagne, en Belgique et au Luxembourg.
La Cour a donc estimé que la France aurait fixé à treize ans le seuil de responsabilité pénale, soulignant ainsi que, de son point de vue, la responsabilité pénale dépend de la possibilité de prononcer une peine à l’encontre d’un mineur et non de celle de le poursuivre pénalement et de le déclarer coupable alors qu’aucune peine ne peut être prononcée.

C. Seuil d’âge retenu

Pour mettre un terme aux ambiguïtés de notre droit, la commission recommande de fixer un seuil d’âge minimal de responsabilité pénale.
Le professeur Cohen, praticien hospitalier du service de psychiatrie et de l’adolescent du groupe hospitalier de la Pitié-Salpétrière entendu par la commission, sans se prononcer sur le seuil d’âge de la responsabilité pénale, faisait part de ses observations sur le sens moral des mineurs, leur caractère influençable et les critères de leur maturité. Ainsi, il indiquait que le sens moral des mineurs se développait par étapes, lesquelles correspondaient approximativement aux seuils d’âge suivants : six ans, dix-douze ans, quinze-seize ans. Cependant, il estimait qu’en matière de délinquance le sens moral du mineur devait être pondéré par son caractère influençable lequel pouvait perdurer bien au-delà. Enfin, il ajoutait que la sexualité constituait un bon indicateur de la notion de maturité et, à ce titre, précisait que depuis 1981 l’âge moyen des mineurs reçus en accueil d’urgence après une infraction à caractère sexuel était passé de quinze à douze ans. Il soulignait néanmoins que si la sexualité était exprimée de plus en plus tôt, il ne s’agissait pas nécessairement d’une sexualité aboutie, laquelle dépend au premier chef du développement physiologique des mineurs et de leur puberté.
En l’absence de certitudes scientifiques sur l’âge du discernement des mineurs, il ressort que le choix dépend des objectifs poursuivis : l’âge le plus pertinent pour la responsabilité pénale est finalement celui qui correspond aux réponses pénales que la commission entend recommander.
Dès lors, trois hypothèses ont été abordées : conserver le système actuel tout en affirmant clairement qu’un mineur est responsable pénalement dès dix ans, fixer l’âge de la responsabilité pénale à treize ans, choisir une voie médiane et fixer l’âge de la responsabilité pénale à douze ans .
L’hypothèse de fixer l’âge de la responsabilité pénale à treize ans a été fortement débattue. Pour autant, la majorité des membres de la commission a estimé ce choix peu opportun puisqu’il constituerait un recul de la réponse pénale alors même qu’il est communément admis que la délinquance des plus jeunes augmente et qu’une réponse pénale précoce et adaptée est un gage de prévention de la réitération.
La fixation de l’âge de la responsabilité pénale à dix ans a retenu l’attention de plusieurs membres de la commission.
En effet, ce seuil, déjà envisagé à l’occasion de la réforme du code pénal , permettrait de conserver des moyens de contrainte dans le cadre de l’enquête pénale avec la retenue des dix-treize ans, mais aussi la possibilité pour le parquet d’ordonner des mesures alternatives aux poursuites et celle d’engager la responsabilité pénale des mineurs âgés de dix à treize ans à l’issue d’un débat judiciaire à forte charge symbolique devant une juridiction de jugement permettant à la victime de se constituer partie civile et de demander réparation.
Cette solution n’a cependant pas été retenue, certains membres de la commission estimant que fixer l’âge de la responsabilité pénale à dix ans sans en tirer toutes les conséquences, à savoir l’application d’une peine aux mineurs déclarés coupables, ne serait ni logique ni compréhensible compte tenu de l’impératif de clarification que s’est fixée la commission.
D’autres membres de la commission ont estimé, à l’instar de certaines personnes auditionnées , que l’âge de dix ans était excessivement bas.
A ce propos, il convient de rappeler que l’âge de dix ans, retenu au Royaume-Uni pour la responsabilité pénale des mineurs soupçonnés d’avoir commis un crime ou certains délits particulièrement graves, fait l’objet de critiques des instances internationales et notamment du Comité des Droits de l’enfant des Nations unies :
« Le Comité recommande la poursuite de la réforme législative pour veiller à ce que le système d’administration de la justice pour mineurs soit adapté à la situation des enfants […].
Plus précisément, le Comité recommande au gouvernement de sérieusement songer à relever l’âge de la responsabilité pénale dans tout le Royaume-Uni […] ».
D’ailleurs, dans les arrêts T. et V. contre Royaume-Uni, une opinion dissidente émise par cinq juges de la Cour européenne des droits de l’homme indiquait que l’âge à partir duquel un mineur était considéré comme pénalement responsable au Royaume-Uni était trop bas. Une modification de la jurisprudence de la Cour pourrait ainsi intervenir dans les années à venir si un consensus venait à se former.
Enfin, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a indiqué, lors de sa dernière session de février 2007, que l’âge minimal de la responsabilité pénale des mineurs ne devrait pas être fixé en dessous de 12 ans.
Ces préconisations des instances internationales font écho à l’évolution de la délinquance des mineurs telle qu’elle ressort des statistiques du ministère de la justice : si le nombre de condamnations de mineurs de 13 ans et moins pour crimes et délits a nettement augmenté depuis 1996, cette croissance touche principalement les mineurs de douze et treize ans. Ainsi, en 2006, 432 mineurs âgés de onze ans étaient condamnés pour 1.280 mineurs âgés de douze ans et 4.005 mineurs de treize ans .
De même, l’examen des données de la police nationale permet d’observer qu’en 2007 si 12.317 mineurs âgés de dix à treize ans ont été mis en cause dans des infractions, la part des mineurs âgés de dix et onze ans est de 2.537 mineurs seulement .
Il ressort de ces chiffres la confirmation du rajeunissement de la délinquance des mineurs et l’existence d’une césure à 12 ans dans les différentes tranches d’âge de mineurs délinquants.
En outre, des éducatifs et des pédo-psychiatres, ont rappelé à l’occasion des travaux de la commission que les mineurs aujourd’hui n’avaient pas la même maturité qu’autrefois, qu’en particulier ils disposaient d’une conscience plus précoce des réalités en raison d’un accès facilité aux informations les plus diverses .

Proposition 8 : fixation d’un âge de responsabilité pénale à douze ans.

Elle retient l’âge de douze ans comme étant le plus pertinent au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile.

Cette solution a l’avantage de rejoindre les préconisations internationales et les seuils habituellement retenus, tant en Europe que plus largement dans le monde .
L’affirmation de ce seuil permet de revenir sur la solution adoptée depuis 1992 puisque les dispositions relatives à la responsabilité pénale des mineurs ne se trouveraient plus dans l’article 122-8 du Code pénal mais seraient affirmées dans le Code de la justice pénale des mineurs.
Enfin, avec la fixation à douze ans de l’âge de la responsabilité pénale, il ne sera plus nécessaire d’établir que le mineur a agi avec discernement, comme c’est le cas actuellement. Désormais, le mineur de plus de douze ans sera présumé pénalement responsable dans les mêmes conditions qu’un majeur, et son discernement ne sera pas systématiquement évoqué. Au contraire, pour contester sa responsabilité pénale, le mineur devra apporter la preuve de l’absence de discernement au moment des faits .
A titre d’exemple, le mineur de plus de douze ans auquel on reprochera d’avoir commis un délit involontaire aux conséquences très lourdes, comme un incendie mortel suite à l’utilisation de pétards, devra faire la preuve qu’il n’avait pas conscience que son acte pouvait entraîner de telles conséquences qu’il n’avait d’ailleurs pas voulues.

Proposition 9 : Affirmation d’une présomption de discernement à compter de douze ans.

Il ne sera plus nécessaire d’établir le discernement du mineur de plus de douze ans qui est présumé. Il s’agit d’une présomption simple.

II. Conséquences de la fixation d’un seuil d’âge à douze ans

A. En matière de détention provisoire

La fixation d’un âge de responsabilité pénale à douze ans permet, en matière criminelle, d’appliquer aux mineurs âgés de douze à seize ans le traitement pénal applicable à ce jour aux seuls mineurs âgés de treize à seize ans.
Ainsi, en matière criminelle, un mineur âgé de douze ans au moment des faits pourra être condamné par un tribunal des mineurs et se voir appliquer une peine. De même, dans l’hypothèse où le placement sous contrôle judiciaire n’aura pas paru suffisant, ce mineur pourra être placé en détention provisoire, dans les limites aujourd’hui applicables aux mineurs de 13 à 16 ans (une durée de six mois qui peut être prolongée, une seule fois et à titre exceptionnel, d’une durée de six mois).
En revanche, en matière correctionnelle, la commission n’a pas souhaité étendre aux mineurs de douze ans le régime applicable aujourd’hui aux mineurs de treize à seize ans. Les membres de la commission ont estimé que l’emprisonnement d’un mineur de douze ou treize ans, pour des faits moins graves que les crimes, n’apparaissait pas opportun.

Proposition 12 : Incarcération impossible d’un mineur de moins de quatorze ans, tant à titre de peine que de détention provisoire, sauf en matière criminelle.

Les mineurs de douze à quatorze ans pourront faire l’objet d’obligations ordonnées à titre de mesures de sûreté tel le contrôle judiciaire applicable aux mineurs de plus de treize ans aujourd’hui : si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement et le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative ou a été condamné à une sanction éducative ou une peine ou bien si la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans. A l’exception du domaine criminel, les mineurs de 12 à 14 ans, les mineurs ne pourront faire l’objet que du seul contrôle judiciaire sans qu’il puisse déboucher sur une détention provisoire.

Proposition 13 : Mise en place de structures « contenantes » adaptées aux mineurs de moins de quatorze ans.

Les mineurs de douze à quatorze ans qui ne respecteraient pas les obligations ordonnées à titre de mesure de sûreté pourraient être sanctionnés par un placement dans un établissement offrant la même prise en charge qu’un centre éducatif fermé (CEF). En revanche, la violation de ce placement ne pourrait pas être sanctionnée d’un placement en détention provisoire.

S’agissant en revanche des mineurs de 14 à 18 ans, en matière correctionnelle, la commission a débattu de la possibilité de les soumettre au régime pénal applicable actuellement aux 16 à 18 ans, ces dispositions étant le fruit de réformes successives et validées par le conseil constitutionnel.
Certains membres de la commission, hostiles à la détention provisoire des mineurs de quatorze à seize ans, ont fait valoir leur crainte de voir aggravée la situation des moins de seize ans par rapport à la situation actuelle, d’autant qu’ils considèrent que l’incarcération des moins de 13 ans a été supprimée car elle avait fait la preuve de son inefficacité en termes de prévention de la récidive. D’autres membres de la commission ont estimé au contraire qu’il était plus cohérent de prévoir des mesures renforcées de contraintes pour cette classe d’âge.
En outre, il a été souligné qu’il y aurait une cohérence à maintenir les dispositions actuelles relatives à la tranche des 13 à 16 ans pour la tranche des 14 à 16 ans dans l’organisation proposée : la détention provisoire est possible sous condition que le mineur n’ait pas respecté les conditions d’un placement en CEF. En effet, cette disposition associe deux des principes retenus par la commission, à savoir la recherche prioritaire d’une action d’éducation et le caractère exceptionnel de l’incarcération.
Il est également souligné que revenir sur cette disposition pour les 14 à 16 ans, alors même que le recours aux CEF est désormais entré dans les pratiques courantes des magistrats et des services ayant en charge de faire des propositions, après une période de très vive contestation, serait vécu comme étant incohérent.
Certains membres ont souligné cependant qu’il est quasiment impossible de trouver immédiatement des places en CEF ; qu’ainsi, il leur semblait important de prévoir une détention provisoire possible dans l’attente d’une place pour les mineurs âgés de 14 à 16 ans.
Pour autant, la commission, considérant que l’emprisonnement des mineurs doit rester une solution exceptionnelle, n’a pas entendu modifier le dispositif actuel relatif à la détention provisoire pour la tranche d’âge 14 à 16 ans.
Cela signifie que pour l’incarcération provisoire la commission suggère trois classes d’âge distinctes :
 pour les 12 à 14 ans, seul le contrôle judiciaire est possible sans qu’il ne puisse conduire à une détention provisoire, à l’exception cependant, du domaine criminel, conformément à la proposition n°12 (voir supra) ;
- pour les 14 à 16 ans comme celles des 16 à 18 ans, les dispositions actuelles sont maintenues.

B. En matière de garde à vue

La fixation d’un âge de responsabilité pénale à 12 ans vient modifier les régimes actuels de garde à vue différenciés par tranche d’âge.
En effet, la contention des mineurs pendant l’enquête de police a déjà fait l’objet de nombreuses réformes ponctuées par des décisions du Conseil constitutionnel. Actuellement, l’état du droit distingue : avant 13 ans, la retenue, après 13 ans, la garde à vue, laquelle connaît deux régimes différents selon que le mineur est âgé de plus ou moins 16 ans.
Compte tenu de l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale à 12 ans, deux solutions peuvent être envisagées : conserver la retenue pour les seuls mineurs âgés de 12 à 13 ans ou bien étendre la garde à vue aux mineurs de cette même tranche d’âge.
La commission a écarté la première solution, la conservation d’un mode spécifique de rétention ne se justifiant pas pour une tranche d’âge d’une seule année.
La deuxième solution a été envisagée à l’aune de la décision du Conseil constitutionnel du 11 août 1993 :
« 26. Considérant que l’article 29 de la loi déférée, qui modifie l’article 4 de l’ordonnance susvisée du 2 février 1945, prévoit que le mineur de treize ans peut être placé en garde à vue en cas de crime ou de délit puni d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement avec l’accord préalable du procureur de la République, ou, dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire, du juge d’instruction ou du juge des enfants ; que la durée de la garde à vue du mineur de treize ans ne peut excéder vingt-quatre heures, aucune prolongation ne pouvant intervenir ; (…)
29. Considérant que si le législateur peut prévoir une procédure appropriée permettant de retenir au-dessus d’un âge minimum les enfants de moins de treize ans pour les nécessités d’une enquête, il ne peut être recouru à une telle mesure que dans des cas exceptionnels et s’agissant d’infractions graves ; que la mise en œuvre de cette procédure qui doit être subordonnée à la décision et soumise au contrôle d’un magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance, nécessite des garanties particulières ; que le régime de la garde à vue du mineur de treize ans, même assorti de modalités spécifiques, ne répond pas à ces conditions ;
30. Considérant que dès lors le législateur a méconnu les exigences de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; qu’ainsi à l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 tel qu’il résulte de l’article 29 de la loi déférée doivent être déclarés contraires à la Constitution le I, le deuxième alinéa du IV, et au premier alinéa du V, les mots : " d’un mineur de treize ans ou, " ; que, par suite, au même article de l’ordonnance du 2 février 1945 le premier alinéa du II, le III et le premier alinéa du IV doivent être regardés comme ne concernant pas les mineurs de treize ans ».
Dans cette décision, le Conseil ne se prononce pas sur la constitutionnalité de l’âge de 13 ans comme seuil de placement en garde à vue ou en retenue mais, au contraire, affirme que la garde à vue d’un mineur de 13 ans est possible à condition de respecter un régime spécifique.
Le Professeur Mathieu, président de l’Association française de droit constitutionnel, rappelait d’ailleurs qu’il ne peut être déduit des décisions du Conseil constitutionnel que l’âge de 13 ans ait valeur de principe. En effet, il appartient au Conseil de concilier des exigences constitutionnelles contradictoires : d’un côté les principes constitutionnels applicables aux mineurs, tel que le principe d’atténuation de la responsabilité pénale et de primauté de l’éducatif, de l’autre, la prévention des atteintes à l’ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui est nécessaire à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle .
Il est donc proposé de permettre le placement en garde à vue des mineurs de plus de 12 ans, sous réserve d’un régime adapté.
L’abaissement de l’âge de la garde à vue à 12 ans et la nécessité d’introduire un nouveau régime de garde à vue bouleversent en conséquence l’étagement traditionnel des tranches d’âges en matière de garde à vue et il est proposé d’adopter les tranches de 12-14 ans et 14-18 ans.
S’agissant de la garde à vue pour les mineurs de 12 à 14 ans, la commission propose de reprendre les garanties prévues pour la retenue et notamment l’avis au bâtonnier aux fins de commettre un avocat d’office quand le mineur ou ses représentants légaux n’en désignent aucun.
Il est également recommandé que cette garde à vue d’une durée de 24 heures ne puisse être prolongée qu’en cas de délit puni d’une peine supérieure ou égale à 5 ans ou lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’un ou plusieurs mineurs de plus de 14 ans ont participé, comme co-auteurs ou complices.
S’agissant de la garde à vue pour les mineurs de 14 à 18 ans, la commission suggère de revenir sur la différenciation par tranche d’âge s’agissant des droits du gardé à vue et des conditions de prolongation.
En particulier, l’obligation d’être vu par un médecin pourrait être généralisée et non plus seulement prévue pour les mineurs de moins de 16 ans. Sur ce point, il peut être rappelé que la Commission nationale de Déontologie et de sécurité recommande que pour les mineurs de plus de 16 ans la famille soit systématiquement avisée du droit de demander un médecin en l’absence de demande de la personne gardée à vue . Il serait cependant plus efficace de poser l’obligation d’un examen médical plutôt que de faire dépendre, comme c’est le cas pour des majeurs , cet examen de la seule action de la famille.
S’agissant des conditions de prolongation, il serait souhaitable d’aligner le régime des mineurs de plus de 14 ans sur celui des plus de 16 ans, c’est-à-dire de ne pas y introduire de conditions liées à la peine encourue.
Enfin, il ne paraît pas nécessaire de modifier les dispositions relatives à la garde à vue des mineurs en matière de délinquance organisée.
A travers ces propositions, la commission entend concilier deux objectifs : la protection des droits des personnes placées en garde à vue et la recherche de l’efficacité de la procédure pénale. Surtout, si la commission ne remet pas en cause l’idée de tranches d’âge, c’est qu’il lui semble nécessaire de conserver un dispositif progressif adapté à l’évolution des mineurs.

C. En matière de traitement des actes délinquants des mineurs de moins de 12 ans

Si la commission a souhaité fixer un âge de la responsabilité pénale, et qu’elle a retenu l’âge de 12 ans au vu de considérations juridiques et d’éléments statistiques, elle ne s’est pas désintéressée du sort des mineurs de moins de 12 ans auteurs d’infractions.
La commission a clairement écarté le principe d’une responsabilité pénale sans peine des mineurs de moins de 12 ans s’il était établi qu’ils sont doués de discernement et qu’ils présentent une maturité suffisante pour comprendre les conséquences de leurs actes et les mesures éducatives qui leur seraient applicables.
Cette solution aurait permis de conserver le cadre procédural existant et notamment la retenue au stade de l’enquête, ainsi que la saisine du juge pénal qui, à l’issue d’un débat contradictoire sur la participation aux faits, innocente ou reconnaît le mineur.
Ce système s’inspirait du dispositif retenu pour les majeurs irresponsables en raison d’un trouble mental tel qu’issu de la loi du 25 février 2008 .
Cependant, une majorité des membres de la commission, soucieuse d’améliorer la lisibilité et de simplifier le dispositif a estimé qu’il était nécessaire de préserver une conception stricte de la responsabilité pénale et que, conformément à ce qui a été relevé par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt T. contre R.U. précité, la responsabilité pénale dépend de la possibilité de prononcer une peine.
Dès lors, la fixation à 12 ans de l’âge de la responsabilité pénale emporte comme conséquence l’exclusion de la sphère pénale des mineurs de moins de 12 ans auteurs d’infractions, quelle que soit la gravité des faits.
Cette exclusion de la sphère pénale exige de répondre à certaines difficultés :
  la suppression de la retenue ne permettrait plus d’entendre les mineurs de 10 à 12 ans que comme simples témoins, c’est-à-dire, sans recours possible à la contrainte et seulement le temps strictement nécessaire à leur audition et hors de toutes les garanties offertes par le régime de la garde à vue (avocat et médecin) ;
  la perte du bénéfice du procès pénal pour les victimes, avec la charge symbolique que revêtent les débats, sa solennité ainsi que la facilité pour elles de faire valoir leurs droits par constitution de partie civile pour obtenir réparation ;
 les réponses à apporter à un mineur de moins de douze ans commettant des actes délinquants. En effet l’irresponsabilité pénale ne permettrait plus le recours aux alternatives aux poursuites ou aux mesures éducatives prévues actuellement par l’ordonnance du 2 février 1945. De plus, la commission s’est interrogée sur la possibilité de saisir le juge des enfants en assistance éducative dans les conditions actuelles. En effet, au sens de l’article 375 du code civil, le juge n’est saisi que lorsque « la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou (…) les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Or, la commission d’une infraction ne caractérise pas nécessairement une situation de danger. Le parquet, qui en aura connaissance, devra donc apprécier s’il doit saisir le président du Conseil général au titre d’une information préoccupante , ou si les indices dont il dispose paraissent révéler une situation d’une gravité telle que la saisine du juge des enfants lui paraît plus adaptée.
Malgré ces incontestables difficultés, l’exclusion de la sphère pénale des mineurs auteurs d’infraction plus jeunes que le seuil de responsabilité pénale est la solution communément admise dans les législations de nombreux pays européens. Sur ce point, le professeur Pradel, chargé par le président de la commission de cet examen de droit comparé, a pu établir que :
  en Angleterre, l’enfant de moins de dix ans ne peut faire l’objet que d’un couvre-feu,
  en Allemagne, l’enfant de moins de quatorze ans ne peut faire l’objet que de mesures de protections décidées par le juge civil,
  en Espagne, toute administration ayant en charge des mineurs de moins de quatorze ans peut prendre des mesures éducatives, voire décider de séparer le mineur de sa famille. Le parquet contrôle l’exécution de ces mesures et vérifie la situation tous les six mois. Le parquet peut également saisir le juge de la famille.
Pour autant, l’examen des prérogatives des services d’enquête au regard du seuil de la responsabilité pénale dans divers pays européens permet de constater que :
  en Espagne, pour les mineurs de moins de quatorze ans, l’intervention de la police revêt toujours un caractère administratif,
  en Allemagne, les mineurs de moins de quatorze ans peuvent faire l’objet de mesures coercitives pour être récupérés par leurs responsables légaux. De plus, la police des Länder peut se saisir de toute personne pour empêcher la commission ou la continuation d’une infraction,
  aux Pays-Bas, les services de police peuvent retenir un mineur de douze ans ou moins pendant un délai maximum de six heures, le temps de procéder aux auditions, les heures de nuit (de 23 heures à 9 heures du matin) ne comptant pas dans cette durée de rétention .
Or, il apparaît nécessaire de conserver un moyen de rétention des mineurs de moins de douze ans. En premier lieu, la détermination de l’âge d’un mineur nécessite parfois des investigations d’ordre médical qui ne peuvent être réalisées dans un délai trop contraint. En second lieu, il convient de protéger les plus jeunes mineurs, utilisés comme coauteurs ou complices d’infractions de plus en plus graves, de l’influence et des pressions des majeurs instigateurs des faits et évidemment soucieux de protéger leur anonymat. Enfin, l’absence de possibilité d’intervention des services de police risque d’entretenir chez les mineurs les plus jeunes un sentiment d’impunité et de favoriser la banalisation du passage à l’acte .

Proposition 11 : Instauration d’un statut particulier du mineur de moins de douze ans.

La commission propose un statut particulier de l’audition du mineur de moins de douze ans par les services enquêteurs, ce statut devant permettre de retenir le mineur pour une durée de six heures renouvelable une fois dans les conditions de garantie offertes par l’actuelle retenue des mineurs de dix à treize ans.

La commission propose que les mineurs de moins de douze ans mis en cause soient suivis dans le cadre de la protection de l’enfance, à charge pour le procureur de la République de saisir éventuellement le juge des mineurs.

Enfin, la commission préconise des placements spécifiques et contenants pour les mineurs de moins de douze ans impliqués dans les faits les plus graves.

Les membres du barreau émettent une réserve sur le statut particulier de l’audition du mineur de moins de douze ans par les services d’enquête en raison d’une insuffisance des garanties. Ils estiment que l’avocat devrait être présent lors de l’audition du mineur .
Par ailleurs, la saisine éventuelle du juge des mineurs au civil fait l’objet d’une autre réserve d’un membre de la commission qui estime que ce juge, saisi en assistance éducative, ne pourra éviter de se prononcer sur l’imputabilité des faits .

III. L’affirmation de l’âge de la majorité pénale

L’âge de la majorité pénale n’est pas clairement affirmé par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, ni par l’article 122-8 du code pénal. En effet, si de nombreuses dispositions font référence aux mineurs de dix à dix-huit ans ou de treize à dix-huit ans, il n’est jamais explicitement rappelé que la majorité pénale intervient à compter de dix-huit ans.
Les membres de la commission ont constaté dans le cadre des auditions que l’abaissement de l’âge de la majorité pénale était apparu comme une inquiétude récurrente au point que de nombreux intervenants insistaient pour que l’âge de la majorité pénale continue de correspondre à celui de la majorité civile .
En réalité, la commission n’a jamais souhaité revenir sur la solution adoptée depuis la loi du 12 avril 1906 qui a reporté la majorité pénale de seize à dix-huit ans et, au contraire, elle a estimé utile d’affirmer pour la première fois clairement l’âge de la majorité pénale.

Proposition 7 : Fixation de l’âge de la majorité pénale.

La commission préconise l’inscription dans le code de la justice pénale des mineurs de l’âge de la majorité pénale fixé à 18 ans.
IV. Le doute sur l’âge du mineur
Les membres de la commission n’ont pas entendu revenir sur le principe juridique fondamental au terme duquel c’est la date des faits qui conditionne le régime juridique applicable au prévenu. Ainsi, l’âge du mineur pris en compte pour l’application du code de la justice pénale des mineurs demeure l’âge du mineur au moment des faits, sauf dispositions contraires expresses de la loi .
En outre, lorsque l’âge du mineur ne peut être établi avec certitude, c’est l’âge le plus bas résultant des investigations menées qui doit être retenu, il convient de faire prévaloir l’intérêt du mineur.

Proposition 10 : Inscription dans la loi du principe de primauté de l’intérêt de l’enfant en cas de doute sur l’âge du mineur.

Lors que l’âge du mineur ne peut être établi avec certitude, c’est l’intérêt de l’enfant qui prime, l’âge le plus bas résultant des investigations devant être retenu.
Avec les propositions qui précèdent, la commission a cherché à définir, par la fixation d’âges seuils, la catégorie des mineurs susceptibles d’être pénalement responsables, leur jeune âge justifiant une intervention spécifique. Ce cadre étant posé, elle a pu s’attacher à préciser à nouveau les compétences des juridictions mettant en œuvre cette intervention.

SECTION 2. LES JURIDICTIONS ASSURANT UNE JUSTICE SPECIALISEE

La justice pénale des mineurs est une justice spécifique. Sa mise en œuvre impose une appréciation fine des problématiques de la jeunesse et des passages à l’acte qu’elle favorise ainsi qu’une connaissance particulière du dispositif de prise en charge éducative.
Il importe donc que les acteurs qui la déclinent soient sensibilisés à ces enjeux et ce, à tous les stades de la procédure.
Dans cette perspective, il a semblé essentiel à l’ensemble des membres de la commission de rappeler la plus-value que constitue la double compétence de l’actuel juge des enfants, ce dernier disposant du fait de sa formation et de sa pratique professionnelle d’une connaissance pluridisciplinaire des questions de l’enfance et de la jeunesse.
La commission a également souhaité souligner que la spécialisation de l’ensemble des intervenants était une nécessité rappelée tant par nos engagements internationaux que par le Conseil constitutionnel et que son effectivité exigeait notamment la mise en place de formations adéquates.

I. Spécialisation des acteurs réaffirmée autour d’intervenants mieux formés

A. Spécialisation des acteurs judiciaires.

La commission souhaite réaffirmer l’importance de la spécialisation des acteurs de la justice pénale des mineurs, et ce à tous les stades de la procédure.
Elle rappelle à cet égard que :
  le juge des mineurs,
  le tribunal des mineurs,
  le tribunal correctionnel pour mineurs (voir infra),
  la cour d’assises des mineurs,
  le conseiller délégué à la protection des mineurs,
  le substitut des mineurs,
  le juge d’instruction spécialement habilité,
sont les intervenants spécialisés naturels qui doivent connaître des infractions commises par les mineurs.
La commission souligne la nécessité que cette spécialisation des intervenants s’accompagne de la mise en œuvre, au sein de chaque tribunal voire de chaque cour d’Appel, d’une communication institutionnalisée, l’organisation de réunions régulières associant les différents protagonistes étant notamment recommandée. Cette communication pourra notamment permettre de partager des bonnes pratiques, de réfléchir ensemble sur des problématiques communes, voire de revenir sur d’éventuelles difficultés rencontrées dans un dossier particulier.
L’instauration par le décret n°2008-107 du 4 février 2008 d’un magistrat chargé de l’organisation du service du tribunal pour enfants et de la coordination avec les partenaires de la justice des mineurs devrait au demeurant faciliter ce travail commun .
La commission souhaite par ailleurs souligner que la spécialisation des intervenants, notamment des membres du parquet et des magistrats instructeurs, doit être réelle et ce tout particulièrement dans les petites juridictions où des effectifs limités font parfois obstacle à sa mise en œuvre concrète. En effet, la mise en place d’un parquet spécialisé constitue une plus-value certaine tant en qui concerne la connaissance du dispositif de prise en charge des mineurs, l’orientation des procédures, que l’appréhension individualisée de certaines situations. Par ailleurs, les services de l’instruction étant amenés à traiter les infractions les plus graves, il est indispensable que les magistrats maîtrisent la spécificité de ce contentieux notamment lorsqu’ils décident de mesures provisoires.

B. Nécessité d’une formation pluridisciplinaire, initiale et continue de
l’ensemble des acteurs.

La commission insiste sur l’importance de la formation et particulièrement de la formation continue des magistrats spécialisés.
Par ailleurs, le principe de spécialisation reposant sur une alternative entre spécialisation des intervenants et mise en œuvre de procédures appropriées, il est essentiel que cette formation concerne également les personnes qui mettent en œuvre ces procédures.
Ainsi, ces magistrats non spécialisés que sont les juges de proximité, en charge du contentieux de la quasi-totalité des contraventions des quatre premières classes, et les juges des libertés et de la détention, qui décident dans un très grand nombre d’hypothèses de l’incarcération d’un mineur, doivent pouvoir bénéficier d’une formation relative à la spécificité de l’intervention auprès de jeunes délinquants. Il en est de même pour les magistrats généralement peu spécialisés que sont les juges d’instruction et les parquetiers.
Cette formation, nécessairement pluridisciplinaire, devra notamment intégrer des éléments de sociologie, de criminologie et de psychologie permettant de faciliter le repérage de situations de danger justifiant une prise en charge dans le dispositif de protection de l’enfance qu’il soit administratif ou judiciaire.
Afin de favoriser une articulation harmonieuse des différents intervenants, elle comprendra également un module sur les partenaires institutionnels de la justice pénale des mineurs.
La commission souhaite faire de cette obligation de formation un principe général applicable à l’ensemble des acteurs amenés à travailler avec des mineurs mis en cause au pénal.
La commission préconise une formation initiale et permanente de tous les intervenants aux spécificités de la justice des mineurs.

Proposition 15 : Nécessité d’une formation initiale et continue de tous les intervenants aux spécificités de la justice des mineurs.

Elle préconise que les magistrats du parquet des mineurs, juges de proximité, juges des libertés et de la détention, juges d’instruction habilités, assesseurs du tribunal des mineurs, administrateurs ad-hoc, greffiers, délégués du procureur, enquêteurs, avocats et éducateurs bénéficient de cette formation.

II. Maintien de la double compétence du juge des mineurs

Invitée à réfléchir sur la clarification des missions civiles et pénales du juge des enfants, ainsi que sur la lisibilité du dispositif pénal applicable aux mineurs, la commission a débattu de la possibilité de supprimer la double compétence du juge des mineurs.
En effet, une hypothèse était que cette possibilité pour un même magistrat d’intervenir successivement dans ces deux champs pouvait contribuer à brouiller les repères du mineur, le juge qui protège étant également celui qui sanctionne.
Cette double compétence aurait également pour certains l’inconvénient de priver l’institution judiciaire de magistrats particulièrement spécialisés dans le traitement de la délinquance des mineurs.
Cette hypothèse de travail a finalement été abandonnée.
Il est en effet rapidement apparu aux membres de la commission que cette intervention unifiée constitue un outil de cohérence dans le parcours judiciaire du mineur, la connaissance préalable de la situation par le magistrat, dans un cadre civil ou pénal, permettant d’adapter au mieux et à bref délai la réponse donnée lors du passage à un autre cadre.
Comme le constate Alain Bruel, la double compétence du juge des enfants le protège d’une double tentation : « appliquer strictement la loi sociale sans jamais temporiser ni se préoccuper des dommages collatéraux et privilégier en toute hypothèse la négociation, au risque d’oublier la nécessité dans certains cas de recourir à la force publique ». Il souligne également la porosité entre l’assistance éducative et le pénal et précise qu’en privant les pénalistes de la connaissance du dossier d’assistance éducative et les civilistes de celle des accidents pénaux, la réforme rendrait nécessaire des échanges constants d’information, tout retard ou lacune, au demeurant inévitable, étant évidemment préjudiciable au fonctionnement de l’ensemble. La partition envisagée enlèverait au juge une vision binoculaire particulièrement précieuse, parce qu’elle permet de replacer en permanence les passages à l’acte dans leur contexte, de les mettre en perspective et de les situer sur une trajectoire .
Entendue par la commission, Maître Sacaze, représentante du conseil national des barreaux, a rappelé que le juge des enfants devra conserver, pour les mêmes raisons, sa double compétence de juge de l’assistance éducative et de juge pénal, position partagée par l’antenne des mineurs du Barreau de Paris .
La Défenseure des enfants a proposé une solution identique, la réalité de terrain démontrant que beaucoup de mineurs sont dans le même temps des enfants en danger ou victimes et des mineurs délinquants. La double compétence, civile et pénale, du juge des enfants assure une cohérence et une continuité dans les décisions prises, ce qui est conforme à l’intérêt de l’enfant. Le fait qu’un mineur puisse être sanctionné sans que la protection dont il bénéficie lui soit retirée étant, d’après elle, un facteur important de prévention .
Cette position est également celle de l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille qui soutient que le juge des enfants incarne une autorité légitime pour le mineur parce qu’il prend en considération tant ses droits et ses besoins que ses devoirs et obligations .
Les associations se sont aussi mobilisées sur cette question et souhaitent le maintien de la double compétence. Dans le questionnaire qu’elle a transmis à ses membres, l’UNIOPSS a recueilli 76% d’opinion favorable au maintien de cette dualité de fonctions . La fédération Citoyens et Justice l’estime également impérative car le juge des enfants est un maillon fondamental dans la connaissance de l’enfant et de sa famille pour assurer une cohérence des réponses .
Il a effectivement été noté par les membres de la commission que la double compétence favorise l’appréhension globale d’une situation. L’acte délictueux commis par un mineur peut en effet révéler des difficultés familiales lourdes auxquelles le juge des enfants peut répondre immédiatement en désignant un service qui intervient au titre de l’assistance éducative auprès du reste de la fratrie. Ainsi, la double compétence civile et pénale permet au juge d’avoir une action préventive, tant en matière de maltraitance que de délinquance puisqu’il peut agir au plus vite et sans lourdeur procédurale.
En outre, la fixation à 12 ans de l’âge de la responsabilité pénale et le traitement des mineurs les plus jeunes dans un cadre désormais exclusivement civil (voir supra) invitent dans un souci de cohérence au maintien d’une prise en charge par le même juge de ces deux blocs de compétence.
De plus, les mesures prises en matière d’assistance éducative et celles prises sur le fondement de l’ordonnance du 2 février 1945 procèdent de principes communs, tel que l’intégration des valeurs éducatives, le respect des normes sociales et l’insertion.
Enfin, la connaissance du terrain et des partenaires institutionnels que l’assistance éducative confère au juge des mineurs est un vecteur d’efficacité évident lorsqu’il intervient en matière pénale, sachant que cela permet d’éviter que les intervenants sociaux et éducatifs n’aient plusieurs interlocuteurs judiciaires pour un même mineur.
L’examen des dispositifs étrangers a également dissuadé la commission de s’orienter vers une scission des compétences civiles et pénales.
En effet, le système allemand qui prévoit une distinction entre le juge chargé des questions familiales compétent en matière d’assistance éducative et le juge des enfants centré sur l’action pénale présente des inconvénients majeurs. Sa principale limite réside dans la lourdeur institutionnelle, les passerelles entre ces deux magistrats étant insuffisantes pour assurer une continuité dans le parcours des mineurs qui sont en danger et qui commettent des infractions. Ce dysfonctionnement est régulièrement dénoncé par les magistrats allemands.
A l’inverse, le juge de la jeunesse québécois est investi de la même double compétence que son homologue français ce qui est considéré comme permettant une prise en charge globale et efficace des mineurs en difficultés.
Enfin, le système hollandais, qui avait abandonné la double compétence, fait le même constat que la justice allemande, la double compétence ayant d’ailleurs déjà été rétablie dans certains tribunaux.
A. Clarification des missions civiles et pénales du juge.
La commission a proposé que le caractère pénal des décisions prises en réponse à un acte de délinquance soit plus clairement affirmé.
C’est dans cette perspective que l’abandon de l’appellation de mesures éducatives a été proposé en matière pénale, le terme de sanctions éducatives lui étant préféré (voir supra). C’est également dans cette logique que la commission a choisi d’encadrer plus strictement, notamment dans le temps, les actions d’éducation ordonnées dans le cadre pénal, le principe général de légalité des délits et des peines ayant vocation également à s’appliquer dans ce domaine (voir infra).

B. Rééquilibrage des missions du magistrat entre assistance éducative et délinquance des mineurs

Sur proposition de l’Union Syndicale des Magistrats, les membres de la commission se sont interrogés sur la possibilité de donner les moyens aux magistrats de rééquilibrer le partage de leur temps entre l’assistance éducative et la délinquance des mineurs.
Ont notamment été évoqués au cours des débats le transfert au juge des tutelles du contentieux des tutelles aux prestations familiales et la suppression de la possibilité pour le juge des mineurs de se saisir d’office en matière d’assistance éducative.
Cependant, il est apparu que la tutelle aux prestations familiales « enfants », devenue depuis la loi n°2007-293 du 5 mars 2007, mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial et intégrée dans le Code civil, constituait une véritable mesure d’assistance éducative. Il est dès lors apparu contre-productif de revenir sur cette évolution.
De la même manière la suppression de la possibilité ouverte au juge des enfants de se saisir d’office n’a pas semblé opportune, cette pratique demeurant marginale et correspondant le plus souvent à la volonté des magistrats :
  d’intervenir rapidement dans des situations manifestement dégradées pour lesquelles les circuits classiques de saisine n’ont pas fonctionné,
  d’étendre leur intervention à l’ensemble d’une fratrie lorsqu’une procédure pénale ou civile relative à un mineur a révélé une situation de danger affectant l’ensemble de la cellule familiale.
Par ailleurs, les membres de la commission ont constaté que la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance avait modifié fortement les champs de compétence des conseils généraux et de l’autorité judiciaire en matière de protection de l’enfance dans l’objectif de moins recourir à la procédure judiciaire d’assistance éducative.
Il a été évoqué que cette évolution législative en recentrant le juge sur un type spécifique de mission, à savoir l’intervention dans un cadre de contrainte possible que ne peut utiliser le conseil général, devrait pouvoir lui permettre de consacrer davantage de temps au volet pénal de ses attributions.
La déjudiciarisation d’une partie du traitement des actes de délinquance commis par les mineurs (voir infra) devrait participer du même mouvement.
Enfin, il est important de constater que si la procédure d’assistance éducative est d’ores et déjà encadrée par des délais qui s’imposent au juge (délai de six mois pour juger, fixation d’une durée des décisions, révision régulière des décisions), ce n’est pas le cas du droit pénal des mineurs. Ainsi, le juge ira plus naturellement traiter les procédures dont le non respect des délais peut entraîner des conséquences importantes pour les mineurs ou pour la validité de la procédure. Fixer des délais, des durées en matière pénale est une démarche essentielle qui aura sans doute pour effet de rééquilibrer le temps consacré à l’assistance éducative et aux procédures pénales (voir infra).

Proposition 14 : Maintien de la double compétence du juge des mineurs en matière civile et pénale.

Dans un souci de cohérence, la commission suggère d’étendre la nouvelle appellation de juge des mineurs au magistrat statuant en assistance éducative.

C. Prolongement de cette double compétence : une organisation non spécialisée des collaborateurs du juge des mineurs.

Dans le prolongement de cette réflexion, la commission s’est interrogée sur la possibilité de préconiser une organisation similaire du greffe du juge des mineurs.
Il est en effet apparu que, dans de nombreuses juridictions, les collaborateurs du magistrat étaient de fait spécialisés dans des attributions exclusivement civiles ou pénales : le greffier du cabinet étant plutôt celui de l’assistance éducative et les tâches pénales étant le plus souvent exécutées par un pôle commun aux différents cabinets regroupant plusieurs fonctionnaires.
Entendue par la commission, Mme GUILLOT, greffière - chef de pôle au tribunal pour enfants de Melun , a indiqué qu’elle avait connu ce type d’organisation lors de sa prise de fonctions. Elle a exposé que les fonctionnaires du service se répartissaient alors sur la base d’une distinction entre greffe civil et greffe pénal, le greffier de cabinet gérant les dossiers d’assistance éducative et tenant les audiences pénales en chambre du conseil sans rédaction des jugements. Le tribunal pour enfants connaissait alors un retard très lourd de rédaction des décisions et un engorgement important de l’audiencement.
Mme GUILLOT a expliqué qu’elle avait décidé de fusionner les pôles civil et pénal, ce qui avait permis, après l’affectation de deux équivalents temps plein, d’attribuer deux greffiers à chaque cabinet de juge des enfants.
Elle a souligné que cette modification s’était traduite par un supplément d’intérêt pour les personnels et un gain d’efficacité pour le pôle. Elle a également indiqué que cette refonte avait permis qu’un greffier soit systématiquement présent dans les cabinets, qu’il soit polyvalent et puisse dès lors répondre à toutes les interrogations du public sur des plages horaires plus larges.
Elle a précisé qu’à effectif plein, le greffier assistait aux audiences d’assistance éducative conformément aux dispositions légales ce qui se traduisait par un véritable gain de temps, la décision étant dictée dans le prolongement de l’audience.
Par ailleurs, elle a indiqué que cette organisation permettait que les greffiers du pôle assument la charge d’un bureau d’exécution des peines et des sanctions ouvert après chaque audience pénale.
Pour conclure, Mme GUILLOT a souligné que, depuis cette réorganisation, les décisions étaient frappées dans les huit jours de leur prononcé et que le délai d’audiencement des affaires traitées par convocation par officier de police judiciaire s’était considérablement réduit.
A la suite de cette intervention, il est apparu aux membres de la commission qu’une organisation des collaborateurs du juge des mineurs recentrée sur son cabinet, ceux-ci partageant la double compétence civile et pénale du magistrat, était une solution préférable à celle de la spécialisation des fonctionnaires.
Par ailleurs, plusieurs membres ont souligné que la présence de deux fonctionnaires par cabinet constituerait une amélioration sensible du dispositif existant, la situation actuelle en termes d’effectifs étant aujourd’hui particulièrement sinistrée.
L’attribution de deux greffiers à chaque cabinet de juge des mineurs est cependant apparue irréaliste au vu des moyens humains disponibles. En revanche, l’allocation d’un doublon greffier/ fonctionnaire de catégorie C par cabinet a semblé adaptée aux tâches susceptibles de leur être confiées.

Proposition 14 (suite) : Affectation de deux fonctionnaires à chaque cabinet de juge des mineurs dont au moins un greffier, ces derniers, non spécialisés, pouvant intervenir tant en matière civile que pénale.

Par l’élaboration d’un code dédié énonçant les principes de la justice pénale des mineurs, et par la clarification du cadre juridique, la commission s’est dotée des outils nécessaires pour réfléchir à l’adaptation du dispositif en vigueur. Ainsi dans un second temps, a-t-elle cherché à décliner des propositions innovantes visant à favoriser l’adéquation du contenu des réponses à l’évolution de la délinquance des mineurs.

TITRE 2 UNE JUSTICE PENALE DES MINEURS ADAPTEE A L’EVOLUTION DE LA DELINQUANCE

Au-delà d’un seul objectif de lisibilité, la commission s’est donnée l’ambition d’améliorer l’adaptation du droit applicable aux mineurs qu’il concerne.
Cette volonté d’adaptation s’entend non seulement comme le souci de prendre en considération l’évolution récente d’une délinquance souvent plus violente et plus réitérée mais aussi comme le souhait de répondre aux caractéristiques constantes d’une population spécifique.
Ainsi, la commission s’est attachée à prendre en considération la psychologie particulière des mineurs et notamment leur qualité d’êtres en devenir, tout à la fois prompts à contourner la loi et demandeurs d’un rappel du cadre.
Il a dès lors semblé que l’institution devait intégrer ces différentes dimensions en actant notamment que chaque infraction appelait une réponse systématique, compréhensible, progressive et rapide, traduisant le souci de l’ensemble de la société pour le mineur et l’acte qu’il a commis.
Dans cette perspective, les réflexions de la commission se sont d’abord organisées autour de la nécessité de la réponse à tout acte de délinquance (chapitre 1).
Dans un second temps et dans la continuité de sa réflexion initiale sur la lisibilité du droit, la commission a cherché à garantir la cohérence du dispositif (chapitre 2).
Enfin, parce que l’appréhension du temps par un mineur n’est pas celle d’un adulte, la commission a souhaité insister sur l’exigence de rapidité de la réponse pénale (chapitre 3).

Chapitre 1. Nécessité d’une réponse systématique

Le principe d’une réponse systématique à tout acte de délinquance a été régulièrement rappelé par les circulaires d’action publique. Il s’est d’ores et déjà concrétisé par une augmentation très nette du taux de réponse pénale.
Dans cette logique de systématisation de l’intervention, le rôle du parquet est bien entendu essentiel pour organiser une orientation cohérente et progressive des procédures.
La commission souligne qu’elle est attachée à ce que la gestion des flux de procédures ne soit pas un objectif prioritaire de ce traitement (voir supra).
Au cours des débats, il est apparu que cette nécessité de répondre à chaque infraction devait non seulement traduire la réprobation de la société face à un comportement qui vient questionner les règles qu’elle pose mais aussi et peut être surtout la « préoccupation » pour le mineur que son passage à l’acte doit faire naître.
Ainsi que le souligne le Professeur Jeammet, la réponse de l’institution doit en effet être « à la mesure de l’importance accordée au jeune et de sa valeur potentielle » parce qu’elle est aussi la traduction lisible de l’intérêt qu’on lui porte.
Dès lors, s’il faut acter qu’il est inacceptable qu’une infraction commise par un mineur n’entraîne aucune réaction, cela ne signifie pas obligatoirement une pénalisation automatique de la réponse. En effet, si c’est l’ensemble de la société qui se trouve interpellée par la transgression constatée, c’est également le corps social dans son entier qui porte la responsabilité de la réponse apportée.
La réponse aux actes de délinquance commis par un mineur doit donc intégrer une logique de complémentarité entre les protecteurs naturels du mineur que sont ses responsables légaux, le corps social directement concerné par l’acte commis et l’autorité judiciaire.
Dans cette perspective, la commission a souhaité favoriser l’implication de la société civile notamment en lui conférant une nouvelle compétence de traitement des actes de délinquance les moins graves commis par des mineurs non connus (Section 1).
Par ailleurs, la commission propose de renforcer l’implication des responsables légaux du mineur en les associant davantage à l’ensemble du processus judiciaire (Section 2).
Enfin, la commission a tenté par une série de propositions très concrètes d’intégrer la prise en considération des intérêts des victimes comme indissociable de la nécessité de la réponse à tout acte de délinquance (Section 3).

SECTION 1. UNE REPONSE ASSOCIANT DAVANTAGE LA SOCIETE CIVILE

Dans sa contribution aux travaux de la commission, la fédération Citoyens et justice indique : « Chaque professionnel et chaque citoyen détient une responsabilité sinon sur la cause tout au moins sur le traitement de la responsabilité pénale. […] Nous proposons que la délinquance des mineurs devienne une grande cause nationale car son traitement concerne la société toute entière, au-delà des parents, des enseignants, des forces de l’ordre, des magistrats et des travailleurs sociaux » .
En effet, il semble essentiel d’associer davantage la société civile au traitement de la délinquance des mineurs, notamment parce que l’insertion du mineur dans le monde où il vit est un objectif de la réponse qui lui est apportée. En outre, ce type de réponse permet également de faire évoluer les représentations que se forge la société de ces mineurs.
Au regard de cette réalité, la commission préconise d’associer la société civile au traitement des premiers actes de délinquance les moins graves et d’impliquer davantage ses membres dans la mise en œuvre de mesures alternatives à l’incarcération.

I. Instauration d’un traitement de proximité de la première infraction.

Depuis plusieurs années, la prise de conscience de la nécessité de répondre systématiquement aux infractions commises par les mineurs s’est traduite par une amélioration sensible du taux de réponses pénales. Si on ne peut que se féliciter de cet état de fait, on constate cependant qu’il s’accompagne parfois chez les mineurs d’une perte du sens de l’intervention judiciaire, l’institution étant désormais saisie de faits minimes, qualifiables pénalement certes, mais relevant plutôt du registre des incivilités.
Néanmoins, la société civile ne peut pas se désintéresser de ces agissements ni se contenter de renvoyer aux seuls titulaires de l’autorité parentale, souvent démunis, l’entière responsabilité de leur prise en charge.
La commission s’est dès lors interrogée sur la possibilité de mettre en œuvre un traitement de proximité de certains actes de délinquance.
A. Cohérence avec les engagements internationaux de la France
Cette réflexion s’est inscrite dans la perspective de nos engagements internationaux qui nous invitent à traiter en premier lieu la délinquance des mineurs dans un cadre extra-judiciaire. En effet, aux termes de l’article 40.3.b) de la convention internationale des droits de l’enfant : les Etats doivent s’efforcer « de prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter les enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés. » De la même manière l’article 11 des règles de Beijing dispose que « On s’attachera, dans toute la mesure du possible, à traiter le cas des délinquants juvéniles en évitant le recours à une procédure judiciaire devant l’autorité compétente (…) ».

B. Apports du droit comparé :

Les exemples étrangers incitent également à réfléchir en ce sens.
Ainsi, au Québec, les premiers actes de délinquance commis par des mineurs sont prioritairement traités sans recours à l’institution judiciaire, les services d’enquête pouvant, lorsque les faits sont reconnus, procéder à un avertissement ou renvoyer le mineur vers un programme adapté de prise en charge.
En Angleterre, la loi sur la justice criminelle de 1999 a créé une mesure de renvoi automatique immédiat des mineurs délinquants primaires qui reconnaissent les faits devant une commission appelée « youth offender penal ».
Aux Pays-Bas, la police peut proposer au mineur délinquant primaire ou peu connu de 12 à 17 ans ayant commis des actes de faible gravité de respecter un accord par le biais d’un bureau Halt.
C. Processus amorcé par la loi du 5 mars 2007
La loi sur la prévention de la délinquance a d’ores et déjà donné au maire un rôle de prise en charge non judiciaire de certains actes de délinquance. Ce dispositif complexe a été rappelé par l’association des maires de France lors de son audition .
Ainsi, le « conseil des droits et devoirs des familles » présidé par le maire et comprenant des représentants de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi que des personnes œuvrant dans les domaines de l’action sociale, sanitaire et éducative de l’insertion et de la prévention de la délinquance a pour mission : « d’entendre une famille, de l’informer de ses droits et devoirs envers l’enfant et de lui adresser des recommandations destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre l’enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui – d’examiner avec la famille les mesures d’aide à l’exercice de la fonction parentale susceptibles de lui être proposées et l’opportunité d’informer les professionnels de l’action sociale et les tiers intéressés des recommandations qui lui sont faites et, le cas échéant, des engagements qu’elle a pris dans le cadre d’un contrat de responsabilité ».
Ce conseil est consulté quand le maire envisage un accompagnement parental « lorsque l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur ». Cet accompagnement consiste en un « suivi individualisé au travers d’actions de conseil et de soutien à la fonction éducative ».
Au terme de l’accompagnement, les parents reçoivent une attestation comportant « leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ».
Le conseil des droits et devoirs des familles peut également proposer au maire de saisir le président du conseil général en vue d’une mesure d’accompagnement en économie familiale « lorsque le suivi social et les informations portées à sa connaissance font apparaître que la situation d’une famille ou d’un foyer est de nature à compromettre l’éducation des enfants, la stabilité familiale et qu’elle a des conséquences pour la tranquillité ou la sécurité publique ».
Par ailleurs, le maire peut procéder verbalement au rappel à l’ordre d’un mineur qui commettrait des faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques.
Dans l’ensemble de ce dispositif, les faits qui font l’objet de ces rappels verbaux ne sont pas constitutifs d’infraction, ce qui constitue la différence principale avec le dispositif prévu par la commission (voir infra).

D. Création d’une nouvelle structure à la composition repensée et aux pouvoirs renforcés

Les limites du dispositif existant, dont les intéressés se sont en l’état peu saisis, ont incité la commission à repenser la possibilité d’un traitement de proximité des infractions commises par les mineurs.
La composition de cette nouvelle structure a fait débat au sein de la commission. Les travaux sur ce point ont été guidés par une volonté affirmée de dépasser les limites de l’existant et de mieux articuler les dispositifs de prévention nés des lois protection de l’enfance et prévention de la délinquance du 5 mars 2007.
La commission a ainsi évoqué la possibilité de rattacher cette nouvelle instance aux départements, les conseils généraux étant d’ores et déjà compétents en matière de protection de l’enfance et habitués à la collaboration avec l’institution judiciaire .
Il a également été envisagé un rattachement aux maisons de la justice et du droit, ce qui aurait présenté l’avantage de limiter le risque d’interférence avec le principe de libre administration des collectivités locales puisque les maisons de la justice et du droit sont actuellement placées sous l’autorité des chefs de tribunaux de grande instance dans le ressort desquels elles sont situées.
Ces deux possibilités n’ont pas été retenues.
La commission a en effet considéré que l’échelon communal était le plus pertinent pour la mise en place de cette nouvelle instance.
Il a ainsi été proposé qu’elle soit une émanation des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ce qui présenterait l’avantage important de ne pas créer une nouvelle structure et de faire travailler ensemble des personnes qui en ont déjà l’habitude.
Contrairement aux conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, cette structure n’aurait pas vocation à intervenir sur des dossiers généraux mais à s’intéresser à des situations individuelles.
Il a été proposé que pour les communes qui ne disposent pas de conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, l’institution n’étant obligatoire que dans les communes de plus de 10.000 habitants, cette cellule puisse être mise en place, soit par l’instauration d’un conseil intercommunal, soit sur impulsion du conseil général.
Ces commissions chargées d’une mission générale de traitement de proximité du premier acte de délinquance pourraient décider, du fait des pouvoirs des différents membres :

 de saisir les services de l’aide sociale à l’enfance en cas d’accord des parents pour une aide éducative,
 de favoriser une scolarisation ou un soutien scolaire adapté (en lien avec les procédures de réussite éducative et de veille éducative),
 de demander l’indemnisation de la victime, le cas échéant par le biais d’une réparation directe du dommage résultant de l’infraction, et de vérifier sa réalité,
 de proposer une médiation familiale.
Il ne s’agirait donc pas de créer de nouveaux pouvoirs mais de centraliser des compétences qui existent déjà par ailleurs en les organisant de manière concertée dans un cadre pluridisciplinaire.
Le mineur pourrait être assisté d’un avocat qui ne serait cependant pas obligatoire. En outre, les titulaires de l’autorité parentale devraient être systématiquement convoqués et associés aux propositions et à leur mise en œuvre.

Proposition 16 : Déjudiciarisation de la première infraction.

Afin d’associer davantage la société civile au traitement de la délinquance, la commission propose que la réponse au premier acte de délinquance puisse être confiée, à l’initiative du parquet, à une instance ad hoc, émanation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Dans ce cas, le parquet classe sans suite la procédure à l’issue d’un rapport de prise en charge transmis par cette instance.

II. Implication renforcée de la société civile dans la mise en œuvre des
mesures de réparation ou des peines de travail d’intérêt général

La mise en œuvre d’un certain nombre d’alternatives aux poursuites, de sanctions ou de peines alternatives à l’incarcération souffre aujourd’hui du manque de places disponibles pour accueillir les mineurs.
Dans la perspective ouverte par les travaux de la commission des lois , la commission s’est interrogée sur la possibilité de « confier à un correspondant de la protection judiciaire de la jeunesse la recherche de partenariats avec les collectivités locales ou le secteur associatif, pour permettre le développement des mesures de réparation, du travail d’intérêt général, du stage de citoyenneté et des stages de sensibilisation ».
Si les principes d’identification plus claire d’une fonction d’interface partenarial et d’association de tiers à la recherche de lieux d’exécution de certaines mesures ont retenu toute l’attention des membres de la commission, le statut de ce correspondant a en revanche été débattu.
Il est en effet apparu intéressant, afin de concentrer l’action de la protection judiciaire de la jeunesse sur la prise en charge des mineurs, de favoriser l’implication d’acteurs extérieurs dans l’exécution de missions non strictement éducatives.
La prise en charge éducative des mineurs délinquants requiert, en effet, une professionnalisation affirmée des intervenants, exigence qui a d’ailleurs contribué à la disparition de fait du champ de l’intervention éducative au pénal des délégués bénévoles prévus par l’ordonnance du 2 février 1945. En revanche, pour des tâches moins spécifiques, l’association des compétences particulières de certains membres de la société civile constituerait une plus-value intéressante pour la protection judiciaire de la jeunesse.
Au surplus, ainsi que le souligne la fédération Citoyens et justice, l’implication d’acteurs de la société civile dans le dispositif de prise en charge de mineurs délinquants contribue à modifier les représentations sociales, les personnes associées se rendant compte que le mineur qu’on leur confie et qui a parfois commis un acte grave est plus souvent un jeune en difficulté qu’un irréductible délinquant.
L’hypothèse développée par le rapport de la commission des lois d’un correspondant unique travaillant en lien avec le directeur départemental et les éducateurs et rémunéré sur la base de vacations conformément à ce qui existe pour les délégués du procureur a cependant semblé peu opportune aux membres de la commission, le risque d’une opacification des compétences des uns et des autres étant notamment évoqué.
La commission a pensé préférable de s’engager dans la voie de la constitution d’un vivier de bénévoles, notamment de retraités, qui pourraient ponctuellement mettre leur carnet d’adresses à la disposition de la protection judiciaire de la jeunesse.

Proposition 17 : Implication de la société civile.

La commission préconise de permettre à des bénévoles d’être associés à la recherche de postes de travail d’intérêt général et de réparation.
Le constat de la pénurie de places disponibles dans certains secteurs géographiques a également conduit les membres de la commission à réfléchir à la possibilité d’imposer à certaines structures participant à une mission de service public d’accueillir des mineurs exécutant des peines de travail d’intérêt général ou des mesures de réparation.
Une telle possibilité permettrait une réaffirmation symbolique du fait que le relèvement éducatif des mineurs délinquants intéresse l’ensemble de la société civile et plus encore les structures publiques émanant de l’Etat.
Par ailleurs, le fait d’être associés concrètement à l’exercice d’une mission d’intérêt général peut avoir un sens éducatif certain pour des mineurs qui n’ont pas nécessairement conscience des conséquences de leurs actes pour la victime et pour la société.
En effet, cette participation doit également permettre de favoriser le processus de responsabilisation du mineur en le reconnaissant comme acteur social capable d’actes positifs à l’égard de la société.

Proposition 17 (suite) : Instauration d’une obligation pour certaines structures participant à une mission de service public d’accueillir des mineurs exécutant des travaux d’intérêt général ou des mesures de réparation (SNCF, RATP ou administrations publiques…).

SECTION 2. UNE REPONSE ASSOCIANT DAVANTAGE LES CIVILEMENT RESPONSABLES

Dans la continuité des engagements internationaux de la France, la commission a souhaité faire de l’implication des civilement responsables un principe fondamental du droit pénal applicable aux mineurs (voir supra).
Soucieux de ne pas se contenter de déclarations d’intention purement formelles, les membres de la commission se sont attachés à décliner ce principe général, sous la forme de propositions concrètes visant à impliquer les parents dans le processus judiciaire en les restaurant dans leur responsabilité de titulaires de l’autorité parentale.
Cette responsabilisation se traduit d’abord par une meilleure information des intéressés sur leurs droits et devoirs, par un rappel de leur rôle de protecteurs naturels du mineur y compris lorsque celui-ci a commis une infraction, par une association plus directe aux décisions les concernant, mais également, le cas échéant, par la possibilité de sanctionner leur carence.
I. Information améliorée des parents sur le déroulement de la procédure pénale
Les différents professionnels amenés à intervenir auprès des mineurs et de leur famille déplorent leur manque de connaissance de la réalité de la procédure pénale.
Cet état de fait contribue à ce que le déroulement du procès pénal soit davantage subi qu’agi par les civilement responsables qu’il convient de mieux mobiliser.
Si la simplification du droit applicable, préconisée par ailleurs par la commission, devrait faciliter sa compréhension, il n’en demeure pas moins qu’il est important de permettre aux parents d’un mineur mis en cause de comprendre ce que risque concrètement leur enfant et ce qu’ils peuvent utilement mettre en œuvre pour l’accompagner.
L’exemple québécois est à cet égard particulièrement instructif, les parents des mineurs mis en cause étant systématiquement destinataires d’une plaquette rédigée en termes clairs exposant de manière concrète mais détaillée, la procédure judiciaire et leur rôle dans celle-ci. .
L’union nationale des familles recommande ainsi la création d’un livret d’accompagnement des familles confrontées à la délinquance d’un de leurs enfants .

Proposition 18 : Meilleure information des parents du déroulement de la procédure pénale.

La commission préconise la réalisation sur ce modèle d’une plaquette permettant d’informer les parents en des termes simples de la suite de la procédure concernant leur enfant ainsi que de leur rôle dans celle-ci.

Celle-ci, qui pourrait être intitulée « Mon enfant a commis une infraction. Que va-t-il se passer ? », exposerait brièvement les grandes étapes de la procédure (enquête, alternatives aux poursuites, avertissement final, procédure judiciaire, mesures pré-sentencielles, jugement, sanctions et peines encourues, exécution et aménagement…) ainsi que les droits et devoirs des parents (présence aux audiences, notification des décisions, droit de recours, responsabilité civile, rôle des assureurs, sanctions encourues en cas de défaillance…).
Dans une même logique d’information systématique des titulaires de l’autorité parentale, la commission préconise également la notification de l’ensemble des décisions concernant un mineur à ses civilement responsables.

II. Maintien du principe de la remise à parents sous une nouvelle appellation et sous des conditions de prononcé différentes

Le sens de la mesure éducative de remise à parents a suscité des interrogations réelles chez plusieurs membres de la commission, son caractère trop souvent purement formel étant dénoncé par certains.
Cependant, plusieurs membres de la commission ont indiqué que cette décision peut avoir un sens dès lors qu’elle répond à la nécessité clairement explicitée de restaurer dans leur autorité les personnes ayant la responsabilité de l’éducation du mineur.
En effet, le choix d’une telle sanction doit traduire le principe de complémentarité de l’intervention judiciaire par rapport à celle des responsables naturels du mineur. La prononcer doit donc permettre également de renvoyer les personnes ayant la garde d’un mineur à leur responsabilité en leur signifiant qu’ils sont les premiers concernés par l’acte commis et par sa prise en charge en termes d’éducation, de sanction et d’indemnisation des victimes. En pratique, il est constaté par les juges des enfants que certains parents ont dès la fin de la garde à vue mis en place les réponses qu’ils estimaient justifiées avant toute intervention judiciaire (suppression des sorties, du téléphone portable, de l’argent de poche, scolarisation en internat scolaire…).
Elle peut dès lors constituer un moyen supplémentaire de « valider » les qualités éducatives des parents en les confortant ou de responsabiliser des adultes entourant le mineur.

Proposition 19 : Revalorisation de la remise à parents.

Afin de marquer la solennité qui doit nécessairement accompagner le prononcé d’une telle sanction, la commission préconise un changement terminologique, l’appellation « remise judiciaire à parent(s) et/ou à personne(s) ayant la garde du mineur » étant proposée (voir supra et infra). Par ailleurs, afin de rendre son contenu plus lisible, elle devrait être légalement subordonnée à la présence à l’audience des titulaires de l’autorité parentale et/ou du gardien du mineur et s’accompagner d’une explication par le magistrat sur son sens réel et d’un travail à l’audience sur la restauration du lien éducatif.

III. Introduction des jugements contradictoires à signifier à l’égard des civilement responsables

Sur proposition d’un de ses membres, la commission a débattu de la possibilité de modifier la qualification des jugements rendus à l’encontre des civilement responsables lorsque ceux-ci sont absents à l’audience et que le tribunal a la preuve qu’ils ont effectivement été touchés à personne.
En effet, en l’état du droit, il résulte de l’application de l’article 487 du code de procédure pénale que les civilement responsables, absents à l’audience, bénéficient d’un jugement rendu par défaut et ce alors même qu’ils ont été directement avisés des date et lieu de l’audience. La voie de l’opposition leur est donc ouverte, un nouveau procès devant la même juridiction étant possible. Cette faculté lorsqu’elle est mise en œuvre est donc génératrice de nouveaux délais et impose une seconde audience au cours de laquelle la totalité du dossier est rejugée.
Or, concernant le mis en cause, les dispositions de l’article 410 alinéa 2 du code de procédure pénale prévoient que le prévenu non comparant et non excusé s’il a été régulièrement cité à personne ou s’il a eu connaissance de la citation régulière le concernant, est jugé par jugement contradictoire à signifier.
Il est apparu aux membres de la commission qu’aucun argument de fond ne s’opposait à l’extension de ce dispositif aux civilement responsables, ce qui simplifierait au demeurant les qualifications applicables en la matière.

Proposition 20 : Introduction du jugement contradictoire à signifier à l’égard des civilement responsables.

Afin de responsabiliser les parents, de les associer plus clairement aux enjeux de l’audience et du jugement et de favoriser leur présence effective lors des débats, la commission propose de qualifier les jugements de « contradictoires à signifier » lorsque les civilement responsables ont été régulièrement cités à personne et qu’ils n’ont pas comparu sans fournir d’excuse valable.

IV. Création d’une infraction de non-comparution à l’audience des civilement responsables

A. Principe d’une sanction de l’absence à l’audience des civilement responsables : une possibilité largement débattue et finalement adoptée

Dans la perspective des propositions précédentes et notamment dans une logique d’affirmation renforcée des droits et devoirs des parents, la possibilité de sanctionner ceux qui ne comparaîtraient pas à l’audience de jugement a été longuement discutée.
Pour plusieurs membres de la commission, l’opportunité de cette sanction n’était pas évidente. En effet, certains ont estimé que l’on risquait ainsi d’inciter le mineur et ses parents à faire front commun contre l’institution.
D’autres ont souligné que le travail éducatif avec des parents qui ne faisaient pas d’initiative l’effort de se rendre aux audiences était bien souvent voué à l’échec et que les inciter à s’y présenter par crainte d’une sanction pouvait conduire à une présence de façade sans implication réelle de leur part. L’utilité du dispositif leur semblait dès lors limitée.
Par ailleurs, l’effet incitatif de ce risque de sanction a semblé relativement marginal à certains participants.
Cependant, pour d’autres, cet effet incitatif même minime doit être recherché, cette faculté apparaissant comme l’ultime levier susceptible d’être actionné pour responsabiliser les civilement responsables et favoriser leur rôle d’accompagnement auprès du mineur.
En définitive, les membres de la commission ont estimé que les avantages d’un tel système étaient supérieurs à ses inconvénients et ont adopté le principe d’une sanction possible de l’absence à l’audience des civilement responsables.
Ils ont cependant souhaité insister sur le caractère facultatif de cette sanction, son prononcé systématique étant manifestement contre-productif au regard de la diversité de situations familiales susceptibles d’être rencontrées.
Le principe de sanction étant adopté, les membres de la commission se sont interrogés sur sa mise en œuvre concrète en explorant plusieurs pistes de réflexion.

B. Amendes civiles : une possibilité peu utilisée et inadaptée

Aux termes de l’article 10-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, lorsqu’ils sont convoqués devant le juge des enfants, le juge d’instruction, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs, les représentants légaux du mineur qui ne défèrent pas à cette convocation peuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés par le magistrat ou la juridiction saisie à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3.750 euros.
Cette possibilité reste cependant peu utilisée par les magistrats qui l’estiment peu adaptée.
En effet, le caractère peu contradictoire de la procédure prive les protagonistes du débat qui devrait s’instaurer sur les causes de leur carence et interdit au magistrat de leur exposer les enjeux éducatifs qui président à leur obligation de présence.
Par ailleurs, la sanction prévue semble peu appropriée à l’objectif visé, son caractère éducatif étant inexistant et le prononcé d’une simple amende étant particulièrement inadéquat dans des familles dont les ressources financières sont bien souvent limitées.

C. Limites de l’article 227-17 du code pénal

En application de l’article 227-17 du code pénal, « le fait par le père ou la mère de se soustraire sans motif légitime à ses obligations au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. »
En l’état du droit, l’absence des parents aux audiences concernant leur enfant donne parfois lieu à la mise en œuvre de poursuites du parquet sur ce fondement.
Cependant au regard de la réalité de l’incrimination, seules des absences réitérées de parents « conscients de se soustraire à (…) leurs obligations légales au point de compromettre (…) la moralité de (…) leur enfant mineur » peuvent permettre une condamnation.
En outre, le texte légal d’une portée très générale et permettant de poursuivre par ailleurs des faits d’une gravité bien supérieure, semble peu adapté aux enjeux et risque d’induire une stigmatisation trop forte des intéressés.
Au regard de ce qui précède la commission a préféré préconisé la création d’une nouvelle infraction.

D. Création d’une infraction distincte de non comparution à l’audience

En matière pénale, le refus d’un témoin de comparaître, de prêter serment ou de déposer devant le juge d’instruction ou les juridictions de jugement caractérise une infraction pénale particulière.
La commission a estimé opportun de prévoir un dispositif similaire pour les responsables légaux qui ne comparaîtraient pas lors d’une procédure mettant en cause leur enfant.
En effet, si, dans un souci de favoriser la manifestation de la vérité, le législateur a pensé nécessaire de pénaliser le défaut de comparution de témoins pourtant bien souvent étrangers à la procédure, il est apparu à la commission que la présence des parents, parties prenantes au travail éducatif, auprès de leur enfant mineur était un objectif suffisamment important pour envisager également la sanction de leur carence.

E. Possibilité de sanctionner cette infraction par le prononcé de stages de parentalité

Le prononcé de certaines peines paraissant peu opportun au regard du but poursuivi, la commission a réfléchi à la possibilité de prévoir le recours à des stages de parentalité qui pourraient être ordonnés comme alternatives aux poursuites ou comme peines.
Le rapport de la direction générale de la gendarmerie nationale évoque en effet l’utilité de ce type de mesure qu’il envisage davantage comme une mesure d’assistance éducative contrainte que comme une sanction . Il suggère ainsi l’instauration d’un « stage de parentalité obligatoire (…) d’une durée d’un mois ou plus et composé de modules de formation ne pouvant excéder deux heures par jour. »
En l’état, ces stages nés de la pratique de certains parquets ont été pour la première fois encouragés par la circulaire du 13 décembre 2002 relative à l’action publique en matière de délinquance des mineurs.
Leur objectif est d’apporter un soutien à la parentalité dans un cadre précis et limité dans temps. Cette intervention nécessairement pluridisciplinaire a vocation à informer les parents de leurs droits et devoirs et de leur permettre de montrer leur capacité à se ressaisir et à assumer leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants. Il s’agit d’un travail visant à étayer la fonction parentale, sans remise en question de l’autorité parentale.

Proposition 21 : Responsabilisation des parents non comparants.

La commission recommande la suppression des amendes civiles de l’article 10-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 et la création d’une infraction de non comparution dont la poursuite serait laissée à l’initiative du parquet et qui pourrait notamment être sanctionnée par des alternatives ou des peines de stages de parentalité.

SECTION 3. UNE REPONSE INTEGRANT DAVANTAGE LES VICTIMES

I. Amélioration de la situation des victimes

A. De l’accueil et de l’information des victimes

Entendu par la commission, M. HEDERER, directeur général de l’association d’aide aux victimes et d’actions du champ judiciaire de l’Eure s’est fait l’écho difficultés qu’elle rencontre au cours de la procédure pénale.
Il a souligné la nécessité de les informer davantage et plus rapidement et de les prendre en considération dans l’ensemble du processus judiciaire y compris dans l’hypothèse de mise en œuvre d’une mesure alternative aux poursuites. Il a également indiqué que la complexité du système judiciaire était un obstacle à la bonne information des victimes. A cet égard, il a préconisé que l’orientation vers une association d’aide aux victimes soit systématique et effective.
Il a ajouté que paradoxalement l’accélération des procédures allait bien souvent à l’encontre de l’intérêt des victimes. Ces dernières sont parfois informées de l’audience par le biais d’un simple message téléphonique dont elles n’ont pas le temps de prendre connaissance et lorsqu’elles sont présentes, le temps leur fait défaut pour avoir utilement recours à un avocat.
L’ensemble des membres de la commission a partagé cette analyse. Ont notamment été mises en exergue la promiscuité auteur/victime dans la salle d’attente avant l’audience et la longueur de l’attente des victimes lorsque les audiences se poursuivent tardivement. A cet égard, la commission a envisagé de préconiser la généralisation des convocations à horaires différenciés. Plusieurs membres ont noté toutefois que cette solution ne permettait pas de résoudre l’ensemble des difficultés, le tribunal pouvant alors toujours se trouver confronté à l’absence d’une ou de plusieurs parties rendant impossible l’examen du dossier alors initialement prévu.
Les membres de la commission ont par ailleurs souhaité rappeler que la simplification du droit préconisée par le présent rapport devrait faciliter la compréhension par les victimes des enjeux de la procédure applicable.
Les brochures d’information destinées aux victimes dans le dispositif québécois ont par ailleurs été citées, la commission envisageant de s’en inspirer afin de proposer la réalisation d’une plaquette sur les droits des victimes qui leur serait systématiquement remise lors du dépôt de plainte.
La commission a par ailleurs insisté sur le fait que l’accélération raisonnée de la procédure et notamment la possibilité d’organiser une césure entre décision sur la culpabilité et les intérêts civils et prononcé de la sanction devrait permettre aux victimes d’être indemnisées plus rapidement, tout en évitant l’écueil d’une comparution immédiate ne permettant pas leur présence effective.

Proposition 22 : Amélioration de l’accueil des victimes.

La commission préconise la réalisation d’une plaquette d’information sur les droits des victimes remise systématiquement à celles-ci lors du dépôt de plainte. Elle demande que les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour améliorer très concrètement leur accueil notamment par la création de salles d’attente séparées dans les juridictions. Elle recommande également que le principe des convocations à horaires différenciés soit généralisé afin d’éviter une trop longue attente avant leur comparution à l’audience.

B. Limitation du nombre d’audiences auxquelles les victimes sont convoquées

Les règles de compétence actuellement en vigueur aboutissent parfois à un morcellement du traitement des procédures lorsque des faits sont commis par des majeurs et des mineurs ou lorsqu’un même mineur a commis des faits criminels antérieurement et postérieurement à son seizième anniversaire.
Si elle permet une déclinaison concrète du principe de spécialisation des juridictions, cette réalité peut se révéler dommageable en raison des risques de contrariété de décisions qu’elle génère et de la multiplication du nombre d’audiences qu’elle engendre.
Il a notamment été observé que les victimes étaient ainsi contraintes d’assister à plusieurs audiences successives.
Dans cette perspective, la commission a réfléchi à des possibilités de limiter, autant que faire se peut et sans porter atteinte au principe de spécialisation des intervenants, le nombre d’audiences nécessaires au traitement de certaines affaires mixtes mettant en cause des mineurs et des majeurs ou des procédures impliquant un seul mineur ayant commis des faits sur une longue période.
Cette proposition était notamment portée par l’Union Syndicale des Magistrats .
Ainsi le tribunal correctionnel pour mineurs dont la commission envisage la création pourra juger des affaires mixtes ce qui limitera le nombre d’audiences auxquelles seront convoquées les victimes de faits de nature délictuelle commis en réunion par des mineurs et des majeurs (voir infra).
Pour les faits criminels, la commission a réfléchi à la possibilité de faire juger par une seule juridiction les faits commis par un même mineur alors qu’il avait plus et moins de 16 ans.
En effet, en l’état du droit, ceux-ci donnent lieu à deux procès, le premier devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle pour les faits commis avant le seizième anniversaire de l’intéressé, le second par la cour d’assises spécialement composée pour les faits commis postérieurement (en revanche, les faits commis par un mineur de plus de seize ans avant et après sa majorité peuvent être jugés au cours d’une audience unique devant la cour d’assises des mineurs).
La possibilité de traiter ces procédures dans le cadre du tribunal pour enfants a été évoquée, celle-ci semblant s’inscrire dans le sens de la jurisprudence actuelle qui privilégie en l’état l’idée d’une prorogation de compétence de la juridiction la plus spécialisée en faveur des mineurs les plus jeunes .
Cette possibilité n’a cependant pas été retenue. En effet, le cadre du tribunal pour enfants a semblé peu adapté aux exigences de solennité du jugement d’un crime commis par un mineur de plus de 16 ans.
Il n’a pas semblé souhaitable d’étendre la compétence du tribunal pour enfants aux faits commis par un mineur de plus 16 ans, la composition élargie de la cour d’assises à douze membres étant plus adaptée au jugement des faits les plus graves.
En outre, si le jugement d’un mineur de plus de 16 ans par cette juridiction peut se justifier, il a semblé particulièrement inadapté de lui confier le jugement de faits commis dans la continuité par le même individu devenu majeur. Ainsi, cette hypothèse de compétence élargie du tribunal des mineurs laissait subsister le risque d’un second procès dans l’hypothèse de faits criminels commis sur une longue période et notamment après la majorité de l’accusé.
Enfin, il est apparu à la plupart des membres de la commission que le jugement des crimes par un jury populaire devait demeurer le principe et qu’étendre aux mineurs de plus de seize ans l’exception légale prévue pour les mineurs plus jeunes ne se justifiait pas.
En revanche, le caractère spécialisé de la cour d’assises des mineurs ainsi que la plénitude de juridiction dont elle dispose qui lui permet de juger de faits commis par un même accusé antérieurement et postérieurement à sa majorité et des affaires mixtes mettant en cause des mineurs et des majeurs a été rappelé.
Cette réalité a conduit la commission à préconiser qu’elle traite des faits commis par un mineur avant et après ses seize ans si la décision de renvoi l’a saisie de l’ensemble de ces faits.
La commission a, en revanche, estimé que le principe de spécialisation ne lui permettait pas d’aller plus loin dans ses préconisations et notamment de proposer un traitement unifié des faits commis par des mineurs avant et après 16 ans ou en réunion par des mineurs de moins de 16 ans et des majeurs.

Proposition 26 : Jugement par la cour d’assises des mineurs des crimes
commis par un même mineur antérieurement et postérieurement à ses seize ans afin d’éviter plusieurs procès pour la victime.

C. Amélioration de l’indemnisation des victimes

1. Nécessité de mentionner sur procès-verbal les références de l’assureur des civilement responsables du mineur.

Les associations d’aide aux victimes ont souligné les difficultés de ces dernières pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice par l’assurance responsabilité civile des responsables légaux du mineur. Il a notamment été indiqué que les assureurs refusaient souvent, dans un premier temps, l’indemnisation des victimes, les associations jouant alors un rôle de médiation entre victimes et assureurs .
A cet égard, un membre de la commission a suggéré qu’il serait intéressant de demander aux services d’enquête d’obtenir le nom de l’assureur des civilement responsables des mineurs mis en cause.
Dans le même sens, aux termes de la contribution écrite de deux membres de la commission , il a également été préconisé que les services de police ou de gendarmerie organisent le « recueil des coordonnées de la compagnie d’assurance des parents du mineur mis en cause et de la victime avec échange de ces informations et rappel à tous les acteurs de l’obligation d’aviser leur assureur dans les quinze jours ».
Cette possibilité a également été développée par les représentants du barreau auditionnés par la commission .
Il a été noté à cet égard que cette obligation existait d’ores et déjà aux termes de l’article 388-1 du code de procédure pénale pour les procédures d’homicide et de blessures involontaires. En effet, aux termes de cet article, « la personne dont la responsabilité civile est susceptible d’être engagée à l’occasion d’une infraction d’homicide ou de blessures involontaires qui a entraîné pour autrui un dommage quelconque pouvant être garanti par un assureur doit préciser le nom et l’adresse de celui-ci, ainsi que le numéro de sa police d’assurance. Il en est de même pour la victime lorsque le dommage qu’elle a subi peut être garanti par un contrat d’assurance. Ces renseignements sont consignés dans les procès-verbaux d’audition. Lorsque des poursuites pénales sont exercées, les assureurs appelés à garantir le dommage sont admis à intervenir et peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive, même pour la première fois en cause d’appel ; ils doivent se faire représenter par un avocat ou un avoué. »
Or, l’article L. 121-2 du code des assurances dispose que « l’assureur est garant des pertes et dommages causés par les personnes dont l’assuré est civilement responsable en vertu de l’article 1384 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes ». Par ailleurs, en vertu des dispositions de l’article 1384 alinéa 4 du code civil, les parents sont civilement responsables des dommages occasionnés par leurs enfants mineurs. En conséquence, l’assureur garantissant la responsabilité civile des parents est tenu d’indemniser la victime de faits dommageables commis par leurs enfants mineurs, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces derniers, le caractère volontaire des faits commis n’étant aucunement exonératoire.
Dès lors, la spécificité du contentieux des infractions commises par des mineurs et l’impossibilité pour les assureurs de s’exonérer de leur responsabilité du fait du caractère volontaire des actes commis font du régime de responsabilité applicable un régime de quasi-responsabilité comparable à ce qui existe en matière d’infractions involontaires. Il est ainsi apparu opportun d’étendre le dispositif prévu par l’article 388-1 du code de procédure pénale pour les infractions involontaires à la totalité des infractions commises par les mineurs.
En outre, la commission souligne l’intérêt qu’il y aurait à faire préciser dans le cadre de l’enquête l’organisme de sécurité sociale de la victime afin d’accélérer son indemnisation. Cette disposition déborde le cadre strict du droit pénal des mineurs et mériterait un examen spécifique, par exemple dans le cadre des travaux du comité de réflexion sur la réforme du code de procédure pénale.

Proposition 23 : Extension à toutes les infractions commises par le mineur de l’obligation pour les civilement responsables du mineur de fournir les références de leur assureur pour mention par les services enquêteurs dans le procès-verbal.

2. Obligation pour les assureurs des civilement responsables de proposer aux victimes une indemnisation dans un délai préfix.

Afin de favoriser une indemnisation effective et rapide des victimes et sur le modèle de ce que la loi du 5 juillet 1985 a instauré pour les accidents de la circulation , la commission a réfléchi à la possibilité d’obliger les assureurs des civilement responsables à proposer rapidement aux victimes une offre d’indemnité.
Ainsi, dans les dossiers non contestés lorsque la matérialité de l’infraction et l’implication du mineur sont évidentes et que le dommage est aisément quantifiable, l’assureur qui garantit la responsabilité civile des parents (ou des civilement responsables) pourrait être tenu de présenter à bref délai une offre d’indemnisation motivée.
En cas de difficultés, il devrait établir dans ce même délai une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Conformément à ce qui existe en matière d’accidents de la circulation, le non respect de ces dispositions pourrait être sanctionné par une augmentation du taux des intérêts légaux à compter de l’expiration du délai préfix .
S’agissant d’une procédure civile, ce dispositif pourrait concerner l’ensemble des mineurs indépendamment de leur âge et de la possibilité de voir engager leur responsabilité pénale. Il aurait donc notamment vocation à s’appliquer aux mineurs de moins de 12 ans.

Proposition 24 : Obligation pour les assureurs des civilement responsables de proposer dans un délai préfix une indemnisation aux victimes.

La commission propose de prévoir une obligation pour les assureurs des civilement responsables des mineurs mis en cause, pour une infraction ou pour des faits qui présentent le caractère matériel d’une infraction, de présenter dans un bref délai une offre d’indemnisation motivée.

3. Maintien de la possibilité de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infraction pour la réparation des faits commis par les mineurs de moins de 12 ans.

Le représentant des associations de défense des victimes s’est fait écho de leurs inquiétudes quant à la fixation d’un âge de la responsabilité pénale (voir supra) qui tendrait à faire disparaître du champ pénal les mineurs plus jeunes. Il a ainsi exposé qu’outre la dimension symbolique du procès pénal dont elles se trouveraient de fait privées, elles rencontreraient davantage de difficultés à obtenir l’indemnisation de leur préjudice.
Consciente des difficultés engendrées par un processus par ailleurs indispensable en raison de nos engagements internationaux (voir infra), la commission a souhaité rappeler que l’indemnisation des victimes ne devait pas se trouver entravée par la fixation d’un âge de responsabilité pénale.
C’est ainsi qu’elle a réfléchi à la création d’un régime d’audition des mineurs de moins de 12 ans mis en cause dans un cadre pénal (voir infra), le document la retraçant, dont la communication à la victime pourra être autorisée par le parquet , étant susceptible de faciliter l’administration de la preuve dans le cadre d’une action civile.
Par ailleurs elle a souhaité souligner que les dispositions des articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale qui prévoient la possibilité pour certaines victimes d’être indemnisées par la commission d’indemnisation des victimes d’infraction visent « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction ».
Dès lors les faits qualifiables pénalement selon les conditions visées par les articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale et imputables à des mineurs de moins de 12 ans, demeurent dans le champ de la commission d’indemnisation des victimes d’infraction malgré l’irresponsabilité pénale de ces derniers.

Proposition 25 : Maintien de la possibilité de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour la réparation des faits commis par les mineurs de moins de douze ans.

4. Instauration d’une permanence victimes organisée par les barreaux.

Plusieurs membres de la commission ont souligné les difficultés rencontrées par les victimes pour chiffrer le montant de leur préjudice notamment lorsque celui-ci comporte une dimension morale. Ils ont également indiqué qu’elles peinaient souvent à rapporter concrètement la preuve de leur dommage.
Il a été remarqué à cet égard que l’assistance d’un avocat était une aide précieuse pour les victimes, ce dernier les aidant non seulement à formuler leurs demandes mais aussi à comprendre les enjeux civils et pénaux de l’audience et de la décision.
Dans cette perspective, la commission a réfléchi à la possibilité de favoriser l’assistance des victimes par un conseil.
A également été suggérée la possibilité de faire désigner d’office un conseil aux mineurs victimes, certains membres de la commission constatant que ceux-ci comparaissent trop souvent seuls y compris pour des faits graves (infractions de nature sexuelle notamment). Cette idée a également été développée par les représentants du barreau .
Sur proposition de deux membres de la commission , la possibilité d’organiser avec les barreaux une permanence victimes sur le modèle de ce qui existe pour les mis en cause a été retenue. Celle-ci permettrait notamment de pallier certaines difficultés rencontrées par les victimes lorsque sont mises en œuvre des procédures d’urgence.

Proposition 28 : Instauration d’une permanence victimes organisée par les barreaux.

La commission recommande que conformément à ce qui existe pour les auteurs d’infractions, les barreaux s’organisent afin qu’une permanence d’avocats ayant vocation à assister les victimes d’infractions soit systématiquement instaurée.

II. Développement de la justice restaurative à tous les stades de la procédure

A. Des mineurs globalement peu sensibilisés aux conséquences de leurs actes pour les victimes

Un récent rapport de l’Inspection de la protection judiciaire de la jeunesse a souligné le peu de conscience qu’auraient les mineurs de l’impact de leurs actes sur les victimes : « Au cours des entretiens, c’est le seul acteur du procès pénal qui, au contraire du juge, du procureur ou de l’éducateur se voit a priori massivement remis en cause, rejeté ou suspecté. Seuls 70 mineurs [sur 331] indiquent avoir pensé à la victime et regretté leur acte. 5 d’entre eux disent s’être spontanément excusés. L’expression la plus récurrente est je n’y pense pas. Cette mise à distance de la victime peut traduire une incapacité à prendre en considération autrui. Elle peut aussi révéler une difficulté à se confronter mentalement à l’acte commis, une crainte du procès à venir, un désir d’oublier provisoirement pour être moins perturbé. (…) Mais, pour une majorité de jeunes, cette mise à distance s’accompagne d’un discours qui stigmatise la victime. Celle-ci est alors présentée comme une personne qui abuse de la situation, ment, et dont le premier tort est d’avoir déposé plainte. Soit la victime appartient à un autre monde, celui de ceux qui ont de l’argent et qui n’ont aucune raison de se plaindre, soit elle est considérée comme un pair (coups et blessures entre jeunes, policier ou éducateur insulté…) qui l’a bien cherché et qui a tout autant quelque chose à se reprocher ».

Plusieurs psychiatres entendus par la commission ont par ailleurs souligné les difficultés de ces mineurs à appréhender l’altérité. Ainsi, le Docteur Maurice BERGER indique : « Les agresseurs effacent soit leur acte lui-même, soit ses conséquences, et ils imaginent que la victime efface pareillement ce qu’elle a ressenti au moment de l’acte. Au cours des psychothérapies de sujets jeunes très violents ou violeurs, nous constatons une absence totale d’identification à la victime, facteur qui favorise la récidive. Certains adolescents imaginent même que la victime d’un acte sexuel ne sent rien, comme si elle était une sorte d’animal sans émotion » .
Or, ce que réclament précisément les victimes c’est la reconnaissance par l’auteur de la réalité de son comportement et de ses conséquences pour elles-mêmes. Lors de son audition, M. HEDERER a ainsi relayé la demande des victimes d’être prises en considération par l’auteur voire par les parents du mineur et si possible de recevoir des excuses. Il souhaiterait que toute mesure socio-éducative accorde ainsi une place au moins symbolique à la victime. Les représentants de l’UNIOPSS et de Citoyens et Justice se sont également inscrits dans cette perspective.

B. L’intérêt de la justice restaurative

A cet égard, l’ensemble des membres de la commission et des personnes auditionnées a souligné le grand intérêt de la mesure de réparation tant pour les auteurs d’infractions que pour les victimes. A notamment été évoquée l’existence d’une mesure de réparation spécifique intitulée « Parcours de la victime » consistant à faire vivre au mineur la journée type d’une victime et notamment le temps d’attente lors du dépôt de plainte, les difficultés pratiques rencontrées avec les assurances ainsi qu’une audience correctionnelle. La mesure se déroule sur une journée et se termine par la rencontre avec une association d’aide aux victimes.
De manière plus générale, l’intérêt de la justice restaurative a été unanimement reconnu.
Si des conceptions très différentes de cette forme de justice coexistent, on peut cependant retenir que la justice restaurative est « un processus dans lequel la victime et le délinquant, et s’il y a lieu toute autre personne ou tout autre membre de la communauté subissant les conséquences d’une infraction, participent ensemble activement à la résolution des problèmes découlant de cette infraction, généralement avec l’aide d’un facilitateur » (11ème session de la commission pour la présentation du crime de l’ECOSOC).
Dans un mouvement d’évolution de la conception même du rôle de la justice, la justice restaurative se veut celle qui autorise la resocialisation de l’auteur d’une infraction et la réparation de la victime et qui permet le retour à la paix sociale.
Provenant vraisemblablement d’une pratique très ancienne, la justice restaurative a émergé et s’est conceptualisée à la fin des années 1970 au Canada en s’inspirant notamment d’éléments issus de la pratique néo-zélandaise .
Les engagements internationaux de la France incitent à mettre en œuvre les principes de cette justice restaurative.
Ainsi, l’article 5 de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité de l’Assemblée Générale des Nations Unies de 1985 évoque la nécessité d’établir des mécanismes judiciaires et administratifs permettant aux victimes d’obtenir réparation au moyen de procédures officielles ou non qui soient rapides, équitables, peu coûteuses et accessibles.
En 1999, la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale du conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC, 1999/26) dans un rapport consacré au développement et à la mise en œuvre des mesures de médiation et de justice restaurative dans la justice pénale, précise « les mesures de justice restaurative peuvent mener tant à la satisfaction des victimes qu’à la prévention de futurs comportements illicites et peuvent présenter une alternative viable à des emprisonnements de court terme ou des amendes ».
De son côté, le Conseil de l’Europe encourage le recours aux procédures pénales qui permettent un soutien efficace de la victime et évitent la victimisation .

A titre d’exemple de modalité concrète de mise en œuvre de justice restaurative, on peut citer les « family group conferences » (conférences de groupe familial).
Celles-ci sont des espaces d’échanges libres entre la victime, le délinquant et les proches des deux parties. Elles consistent à décider ensemble de mesures réparatrices d’abord élaborées et proposées par le délinquant et son entourage, puis soumises à l’approbation de la victime. Ces conférences sont notamment mises en œuvre en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne et en Belgique. La pratique néo-zélandaise diffère des autres en ce qu’elle renvoie à ces conférences non seulement les cas les plus bénins mais également les cas plus graves.
En mettant le délinquant face à sa victime dans un cadre particulier lié à la présence de ses proches, on le met également face à ses responsabilités. Il prend alors conscience du tort qu’il a causé et comprend mieux le sens et l’origine de la sanction. Egalement, à travers l’acceptation de son offre de réparation et son approbation par ses proches, il se revalorise et peut envisager de se débarrasser définitivement de son statut de délinquant.
Par ailleurs, cette pratique doit permettre à la victime de se « dé-victimiser » par rapport à son agresseur. Dans un cadre sécurisant, elle se débarrasse de la peur qu’elle a éprouvée à son encontre, et participe pleinement, en acceptant ou non la sanction appliquée, à se restaurer dans sa dignité et sa citoyenneté.
Les victimes ayant participé à une « family group conference » éprouvent une satisfaction significativement plus élevée d’équité, de respect, et de soutien émotionnel que celles impliquées dans une procédure judiciaire traditionnelle. Jeunes et parents s’estiment également globalement satisfaits de l’échange.
Au vu de ce bilan très positif, l’intégration d’un recours à ces conférences dans les pratiques éducatives actuelles pourrait être envisagée.

Proposition 27 : Développement de la justice restaurative à tous les stades de la procédure.

La commission préconise que tout suivi éducatif pénal implique un travail sur la place de la victime et sur les conséquences de l’acte commis sur cette dernière.

Afin de marquer la prise en considération sociale d’un acte, de celui qui l’a commis comme de celui qui l’a subi, la commission a d’abord souhaité insister sur la dimension de nécessité de la réponse pénale.
Ensuite, parce que cette réponse doit également être prévisible, comprise et progressive, la commission s’est également attachée à décliner un principe de cohérence.

Chapitre 2. La cohérence de la réponse

La volonté de renforcer la cohérence de la réponse pénale a guidé l’ensemble des travaux de la commission. Il est ainsi apparu que la réponse apportée à un acte de délinquance devait non seulement être adaptée à sa gravité mais aussi s’inscrire dans la logique du parcours individuel du mineur qui l’a commis.
Or, les juridictions ne disposent pas à l’heure actuelle d’une application informatique unique qui faciliterait la connaissance de ce parcours. Aujourd’hui, les parquets mineurs sont équipés selon les zones géographiques de l’application mini-pénale, micro-pénale ou nouvelle chaîne pénale tandis que les tribunaux pour enfants sont équipés de l’application Wineurs.
Faute d’interconnexion entre ces différentes applications, le parquet d’une juridiction donnée ne dispose pas des antécédents d’un mineur lorsque ceux-ci ont été enregistrés dans un tribunal équipé d’une autre application.
Par ailleurs, sauf initiatives locales particulières consistant en une saisie informatique commune par le siège et le parquet des antécédents d’un mineur, les alternatives aux poursuites sont enregistrées sur la mini-pénale, la micro-pénale ou la nouvelle chaîne pénale alors que les décisions des juges des mineurs sont recensées sur Wineurs.
Dès lors, lorsqu’il reçoit une procédure, le juge n’a pas nécessairement accès à la totalité des antécédents du mineur poursuivi puisque, dans certaines hypothèses, il ne dispose pas des alternatives aux poursuites précédemment décidées ou des décisions enregistrées par une autre juridiction.
La mise en place prochaine du logiciel Cassiopée sur l’ensemble du territoire national va cependant rapidement permettre une uniformisation du recueil des données entre le siège et le parquet et ce sur l’ensemble du territoire national.
A terme, la numérisation des procédures couplée à la nécessaire évolution de Cassiopée d’un simple système de gestion des données vers un système de gestion des données et des documents devrait permettre la mise en place d’un dossier unique numérisé intégrant en temps réel les pièces utiles à sa constitution.
Par ailleurs, la réduction des délais de transmission des décisions au casier judiciaire (actuellement 2, 9 mois pour le juge des enfants et 3, 8 mois pour le tribunal pour enfants) et d’enregistrement de ces dernières (4, 4 semaines en moyenne à compter de la réception de la fiche) devrait également permettre une connaissance rapide des antécédents du mineur.
Au regard de ce préalable, il a semblé essentiel aux membres de la commission de repenser très globalement la cohérence du dispositif pénal applicable aux mineurs.
Cette refondation s’est notamment traduite par la mise en place d’une articulation repensée entre les différents acteurs de la procédure et les différentes formations de jugement pour une cohérence processuelle renforcée (section 1).
Par ailleurs, la commission a totalement repensé l’arsenal des réponses offert aux professionnels en renforçant leur diversité et leur spécificité tout en les fondant dans un dispositif cohérent (section 2).

SECTION 1. LA COHERENCE PROCEDURALE

I. Articulation des réponses : domaine correctionnel et contraventionnel (5ème classe)

Dans la perspective de l’affirmation d’un principe général de cohérence (voir supra), la commission s’est interrogée sur la possibilité de rendre plus lisible la gradation des réponses à un acte de délinquance.
Cette volonté s’est inscrite dans un objectif de compréhension de la sanction par le mineur, qui pourra plus aisément anticiper sur la réponse judiciaire en cas de nouvelle infraction.
Cette réflexion sur la progressivité a accompagné la commission dans l’ensemble de ses travaux sur les réponses pénales et ce, tant au stade des alternatives aux poursuites qu’après saisine du juge des mineurs (voir infra).
Afin de mieux articuler ces deux phases en permettant au mineur de peser plus clairement les implications d’un nouvel acte de délinquance, la commission a estimé souhaitable d’inscrire le principe d’un avertissement final solennel, délivré par le parquet, avertissement dont le prononcé marquerait la fin des alternatives aux poursuites en annonçant clairement la juridictionnalisation d’une éventuelle nouvelle infraction.
La composition pénale, mesure intermédiaire entre alternative aux poursuites et juridictionnalisation, s’inscrit également dans le cadre de cette articulation repensée des réponses. Elle ne serait pas soumise au schéma décrit ci-dessus et pourrait être ordonnée dans toutes les hypothèses y compris après le prononcé d’un avertissement final.

A. Hiérarchisation plus lisible des alternatives aux poursuites ordonnées par le parquet

1. Mise en place d’un traitement de proximité des infractions les moins graves commises par les primo-délinquants

Soucieuse d’associer davantage la société civile à la prise en charge systématique des actes de délinquance commis par des mineurs, la commission préconise que les premières infractions des mineurs puissent faire l’objet d’un traitement en amont de l’intervention judiciaire (voir supra).
Les travaux de la commission ont porté en premier lieu sur les modalités de saisine de cette nouvelle instance.
Si la commission n’a pas retenu la possibilité d’une orientation laissée à l’initiative des services d’enquête conformément à ce qui existe dans certains pays anglo-saxons, le principe d’une orientation décidée par le procureur de la République a en revanche été acté.
Cette modalité présente en effet l’avantage de maintenir le droit de regard du parquet sur l’ensemble des procédures pénales ainsi que sur le travail des enquêteurs. Elle permet également de répondre aux exigences de l’article 40.3.b) de la convention internationale des droits de l’enfant en renforçant les garanties des justiciables, les magistrats du ministère public veillant à ce que « les droits de l’homme et les garanties légales soient pleinement respectés ».
Cette saisine par le parquet devrait également permettre d’éviter que le dispositif ne demeure lettre morte, la décision de renvoi du procureur de la République générant une obligation de faire pour cette nouvelle instance.
Les suites réservées à cette orientation par le parquet ont également été discutées au cours des débats.
Certains membres ont proposé qu’afin de rester dans un cadre véritablement déjudiciarisé, il soit prévu un classement sans suite immédiat des procédures. Il a été rappelé à cet égard qu’une telle décision, sans caractère juridictionnel ni autorité de la chose jugée, n’interdirait nullement au parquet de reprendre les poursuites à titre exceptionnel.
Cependant, les membres de la commission ont finalement souhaité renforcer le caractère coercitif du travail de cette instance en subordonnant la décision de classement à la réception d’un rapport attestant de la prise en charge du mineur. Celle-ci devra donc informer le ministère public de la présence effective du mineur et de ses représentants légaux aux convocations qu’elle leur adresse ainsi que des actions menées si celles-ci ont semblé nécessaires. Il sera sans doute indispensable de préciser dans un texte réglementaire la notion de prise en charge des mineurs.

Proposition 16 (suite) : Déjudiciarisation de la première infraction.

La commission recommande que la commission de traitement de proximité des infractions soit saisie par le parquet qui pourra classer sans suite la procédure après transmission d’un rapport attestant de la prise en charge effective du mineur.

2. Formalisation d’une liste exhaustive et hiérarchisée des alternatives aux poursuites

Si la commission n’a pas souhaité limiter le nombre d’alternatives aux poursuites susceptibles d’être décidées par le parquet afin de ne pas limiter l’opportunité des poursuites dont celui-ci dispose, il est apparu en revanche que le regroupement et la hiérarchisation des alternatives aux poursuites pouvaient l’inciter à graduer plus clairement ses choix dans un souci de cohérence au regard de l’évolution du comportement du mineur.
En outre, il a semblé opportun que le code de justice pénale des mineurs présente de manière expresse les alternatives aux poursuites applicables aux mineurs sans renvoi aux textes généraux.
En l’état du droit, les dispositions relatives aux alternatives aux poursuites figurent tant dans le code de procédure pénale que dans l’ordonnance du 2 février 1945.
Ainsi aux termes de l’article 41-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut décider d’un rappel à la loi (par un officier de police judiciaire, un délégué du procureur, un médiateur ou par un substitut), d’une orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle (le cas échéant par le bais de l’accomplissement d’un stage ou d’une formation), de la régularisation de la situation au regard de la loi ou du règlement, de la réparation du dommage résultant des faits, d’une médiation, d’une obligation de demeurer hors du domicile et d’une interdiction de paraître aux abords de celui-ci (possibilité limitée aux hypothèses de violences familiales).
L’article 7-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise les conditions d’application de ce texte aux mineurs.
Par ailleurs, aux termes de l’article 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, le procureur de la République peut proposer avant l’engagement des poursuites une mesure de réparation au mineur qui doit y consentir spécialement.

Enfin, il est apparu utile de souligner la spécificité des alternatives aux poursuites dédiées aux mineurs et d’unifier le droit applicable en la matière en évitant notamment que sous un vocable différent (classement sous condition de réparation du dommage résultant des faits et mesure de réparation par exemple) le parquet ordonne des mesures à priori distinctes qui s’avèrent in fine similaires dans leur contenu.

Ainsi, la commission adopte l’idée de faire figurer dans le code pénal des mineurs une liste exhaustive et hiérarchisée des réponses alternatives offertes aux parquets.

La classification suivante a été retenue :

 classement sans suite après orientation vers une structure de traitement dé-judiciarisé des infractions.
 classement sans suite après rappel à la loi
 classement sans suite sous condition du respect de certaines obligations :
. Consulter un service spécialisé en matière de soins ou de médiation familiale,
. Effectuer les formalités nécessaires à la re-scolarisation,
. Participer à une médiation – réparation,
. Accomplir un stage.

Concernant la consultation d’un service spécialisé, les membres de la commission ont estimé qu’elle était particulièrement adaptée lorsque l’infraction commise traduit une difficulté d’ordre psychologique ou psychiatrique. Cette dernière offre par ailleurs une réponse adéquate à certains usagers de stupéfiants qui, sans justifier d’être renvoyés devant le juge des mineurs, méritent un examen ou une prise en charge médicale spécialisée afin de rechercher une éventuelle addiction.
Par ailleurs, le recours à la médiation familiale peut s’avérer utile dans les hypothèses où l’acte de délinquance est le symptôme d’un dysfonctionnement plus global de la structure familiale. Cette orientation peut permettre d’apporter une solution ponctuelle efficace pour certains dossiers dans lesquels le passage à l’acte révèle une difficulté passagère sans que pour autant une mesure d’assistance éducative soit nécessaire.
Cette préconisation s’inscrit dans le sens des derniers travaux de l’observatoire national de l’enfance en danger qui recommandait un recours plus fréquent à la médiation familiale dans les dispositifs de pise en charge de l’enfance .

Concernant l’obligation d’effectuer les formalités nécessaires à une re-scolarisation, il convient de noter que le souci de lutter contre la déscolarisation des mineurs a accompagné la commission dans l’ensemble de ses travaux, ce phénomène étant un facteur prédominant d’entrée dans la délinquance, la déscolarisation étant une source d’inactivité propice à la commission d’infractions et souvent révélatrice de difficultés plus globales d’insertion sociale. En outre, pour les mineurs de moins de 16 ans l’inscription dans un établissement scolaire est une obligation légale.

C’est dans cette perspective que la commission a retenu la possibilité pour un parquet de subordonner le classement sans suite d’une procédure à l’obligation pour un mineur d’effectuer les formalités nécessaires à sa réinscription dans un établissement, étant précisé que l’obligation qui pèse sur le mineur est une obligation de moyens et non de résultat, la réalité de son inscription étant en dernier ressort indépendante de sa volonté.
A cet égard, la commission souhaite rappeler la nécessité pour l’Education Nationale de mettre en œuvre les moyens adaptés pour permettre une scolarisation effective des mineurs.

Proposition 43 : Création d’une alternative aux poursuites consistant en un classement sous condition d’exécuter les formalités nécessaires à une re-scolarisation.

La commission souhaite à cet égard rappeler l’obligation de résultat de scolarisation qui pèse sur l’éducation nationale pour les mineurs de moins de 16 ans.

Concernant l’obligation de participer à une médiation-réparation entre l’auteur et la victime des faits, la commission tout en proposant de bien distinguer les réponses à disposition du parquet et du juge des mineurs (voir infra) a toutefois souhaité maintenir des actions de justice restaurative au stade des alternatives aux poursuites. Cette action pourrait se matérialiser par une mesure d’indemnisation au profit de la victime qui en a accepté le principe, indemnisation pouvant se faire soit sous une forme financière soit sous la forme d’une activité notamment dans le cas d’une victime personne morale.

Concernant l’obligation d’accomplir un stage ou une formation, la commission recommande que le mineur puisse être orienté vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle en vue d’effectuer un stage de formation civique, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

B. Instauration d’un avertissement final délivré par le parquet

1. Rejet d’une limitation a priori du nombre des alternatives aux poursuites

Prenant acte de l’intervention croissante du parquet dans le traitement de la délinquance des mineurs, la commission s’est interrogée sur la possibilité d’améliorer la cohérence du dispositif en limitant le nombre d’alternatives susceptibles d’être décidées pour un même mineur.
La commission a ainsi étudié la possibilité de limiter à trois le nombre d’alternatives aux poursuites dont un même mineur pourrait faire l’objet.
Dans un contexte de systématisation de la réponse, il n’a cependant pas semblé adapté de s’engager dans cette logique.
En effet, il est apparu qu’une telle orientation aurait pour conséquence de limiter le principe de l’opportunité des poursuites exercées par le parquet et pour traduction concrète un engorgement des tribunaux pour enfants et une augmentation des délais de traitement.
En revanche il est apparu intéressant de s’inspirer de l’exemple anglais du « final warning ». En effet, à la suite du “Crime and Discorder Act” de 1998 et du “Youth Criminal Evidence Act” de 1999, le Royaume Uni s’est doté d’un système procédural original permettant de mettre un terme au phénomène précédemment constaté de multiplication des rappels à la loi pour un même mineur .
Le dispositif s’articule autour des « final warnings », avertissements délivrés par la police ou les YOTs (Youth Offending Teams – équipes de prise en charge des jeunes délinquants) qui constituent l’ultime réponse alternative avant la judiciarisation de toute nouvelle infraction.
Alors que les admonestations (reprimand) sont de simples avertissements formels émanant de la police, les avertissements finaux (final warnings) déclenchent une surveillance effective et une assistance de la part d’une YOT.
Il est ainsi clairement signifié au mineur que toute nouvelle infraction fera l’objet de poursuites judiciaires.

2. Modalités de l’avertissement final

L’exemple anglais a retenu toute l’attention des membres de la commission qui ont souhaité s’en inspirer pour marquer plus clairement par l’instauration d’un avertissement final la graduation des réponses apportées à la commission d’une infraction.
Ainsi, le mineur précédemment averti pourra plus aisément anticiper sur la réponse judiciaire en cas de nouvelle infraction.
Par ailleurs, cette saisine du juge des mineurs s’accompagnera nécessairement d’investigations sur la personnalité du mineur, celles-ci étant désormais systématiques lors de la première procédure (voir infra). Elle permettra dès lors d’éviter que des situations complexes révélées par une réitération importante ne demeurent exclusivement traitées par le parquet sans réelle prise en charge éducative.
La commission propose donc l’instauration d’une nouvelle mesure alternative aux poursuites appelée avertissement final qui serait délivrée par le procureur de la République et non par son délégué, son prononcé exigeant une solennité plus marquée que les alternatives classiques.
La commission préconise, qu’après avoir ordonné un avertissement final, le procureur de la République ne puisse plus mettre en œuvre d’alternatives aux poursuites, la saisine du juge des mineurs devenant alors obligatoire, étant précisé que l’installation prochaine sur l’ensemble du territoire du logiciel Cassiopée devrait permettre à tous les parquets d’être avisés du prononcé de ce type de mesures et d’adapter en conséquence leurs orientations de poursuites.
Afin de conserver une certaine souplesse au dispositif ainsi créé, la commission entend cependant limiter dans le temps les effets de cet avertissement.

Proposition 29 : Fixation d’un terme aux alternatives aux poursuites par l’instauration d’un « avertissement final ».

La commission n’entend pas revenir sur le principe de l’opportunité des poursuites et limiter le nombre d’alternatives aux poursuites mais propose, en revanche, qu’après avoir prononcé un avertissement final le parquet ne puisse plus ordonner d’alternatives aux poursuites. La saisine du juge des mineurs devient donc obligatoire après l’avertissement final. La solennité de l’avertissement final impose qu’il soit prononcé par le procureur de la République et non par un délégué du procureur.
Le mineur qui dans un délai de 2 ans après le prononcé d’un avertissement final ne commet pas de nouvelle infraction peut se voir, à nouveau, appliquer des alternatives aux poursuites.

C. Maintien de la composition pénale

La loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 a étendu l’application de la mesure de composition pénale aux mineurs de 13 à 18 ans en insérant dans l’ordonnance de 1945 un nouvel article 7-2. Elle a cependant adapté cette procédure particulière aux spécificités du droit pénal des mineurs.
Ainsi, la procédure doit être « adaptée à la personnalité de l’intéressé » et sa durée d’exécution ne peut excéder un an. En outre, le service de la protection judiciaire de la jeunesse doit être consulté avant toute proposition d’une composition pénale en application de l’article 12 modifié de l’ordonnance de 1945.
Par ailleurs outre les quatorze mesures prévues par l’article 41-2 du code de procédure pénale, cinq mesures spécifiques peuvent également être proposées au mineur. Il s’agit du stage de formation civique, du suivi régulier d’une scolarité ou d’une formation professionnelle, du respect d’un placement éducatif, de la consultation psychologique ou psychiatrique, et de l’exécution d’une mesure d’activité de jour.
Enfin, le mineur et ses représentants légaux doivent donner leur accord en présence d’un avocat, le cas échéant désigné d’office, alors que la présence d’un avocat n’est pas nécessaire lorsque le mis en cause est majeur.

1. Application de la composition pénale aux mineurs : une possibilité discutée mais finalement retenue

Plusieurs membres de la commission ont indiqué que la composition pénale posait un certain nombre de difficultés notamment au regard de l’absence de capacité du mineur. La portée de ces observations a cependant été nuancée au regard des garanties légales qui accompagnent le recueil de l’accord du mineur (accord des représentants légaux et présence obligatoire d’un avocat). Par ailleurs, dans la mesure où la commission préconise l’instauration d’une audience de culpabilité après reconnaissance par le mineur de sa participation aux faits, il a semblé peu opportun de retenir cet argument de l’incapacité du mineur pour justifier de la suppression de la procédure de composition pénale.

D’autres membres ont toutefois souligné que cette mesure leur semblait inadaptée à la spécificité des mineurs, ces derniers n’en comprenant pas le sens. Ils ont notamment indiqué que sa mise en œuvre était susceptible de brouiller un certain nombre de repères quant au rôle des différents acteurs du processus judiciaire et d’aller ainsi à l’encontre du souci de simplification qui a présidé à l’ensemble du travail de la commission.

Plusieurs professionnels ont en revanche exposé que si le rôle de cette mesure ne pouvait être que marginal, il n’en demeurait pas moins qu’elle pouvait être adaptée dans certaines hypothèses. A notamment été évoqué à cet égard, le traitement de faits relativement graves commis par des primo délinquants qui ne révèlent pas de carences éducatives particulières.

Le rapport de politique pénale 2007 évoque en effet une utilisation de cette mesure pour des « infractions plus graves que celles aboutissant à une mesure de réparation, mais lorsque la personnalité du mineur et les circonstances de l’infraction ne justifient toutefois pas une poursuite devant le juge des enfants ».

L’ensemble des membres de la commission a estimé ne pas avoir le recul nécessaire pour évaluer la pertinence de ce nouveau dispositif et en envisager l’abrogation, s’agissant d’une mesure instaurée récemment et peu utilisée.

2. Maintien de la composition pénale comme une mesure de même rang que l’avertissement final

Au regard des particularités procédurales de ce dispositif et de la réalité de son utilisation, la mesure de composition pénale ne peut cependant pas être considérée comme une alternative aux poursuites comme les autres.

Il apparaît notamment qu’elle peut être utilement mise en œuvre lorsqu’un mineur qui a déjà fait l’objet d’une saisine du juge des mineurs au pénal réitère en commettant des faits nettement moins graves que les précédents.

Cette mesure paraît également opportune lorsqu’un mineur connu du juge des enfants alors qu’il était relativement jeune commet, après une période sans acte de délinquance, des faits nouveaux à l’aube de sa majorité.

Proposition 30 : Maintien de la composition pénale.

La composition pénale est maintenue en tant qu’alternative aux poursuites spéciale qui peut être ordonnée alors même qu’un avertissement final a d’ores et déjà été prononcé.

3. Obligations de la composition pénale repensées et intégrées exhaustivement dans le nouveau code

Dans la logique de ce qu’elle a préconisé pour le contrôle judiciaire et le sursis avec mise à l’épreuve (voir supra et infra), la commission considère qu’il convient de limiter les obligations qui peuvent être prononcées dans le cadre d’une composition pénale à celles adaptées à la spécificité des mineurs.

En ce sens, la commission recommande l’établissement d’une liste exhaustive, sans renvoi au code de procédure pénale, des mesures applicables à un mineur dans le cadre de la composition pénale.
Cette liste pourrait fusionner les dispositions des articles 7-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 et 41-2 du code de procédure pénale en n’intégrant pas celles qui sont manifestement inadaptées aux mineurs (interdiction d’émettre des chèques…).

II. Les nouvelles instances de jugement

Si la cohérence du dispositif procédural et la volonté de dessiner un parcours plus clairement progressif passent en premier lieu par une articulation mieux définie des interventions du parquet et du siège, elles doivent également se traduire, après saisine du juge, par des compétences plus lisibles des formations de jugement.
En matière correctionnelle, l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit deux formations de jugement des mineurs délinquants : la chambre du conseil et le tribunal pour enfants.
En chambre du conseil, le juge des enfants peut statuer seul mais ne peut prononcer que des mesures éducatives.
Le tribunal des mineurs peut prononcer des mesures et sanctions éducatives et des peines. Suivant les articles L251-3 et L251-4 du code de l’organisation judiciaire le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs choisis parmi des personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l’intérêt qu’elles portent aux questions de l’enfance et par leurs compétences. Cet échevinage a été introduit en 1942 et confirmé en 1945. Il ne découle donc pas des lois de la République qui font partie du corpus constitutionnel.
Il faut noter qu’en pratique, si le parquet est présent et requiert aux audiences du tribunal pour enfants, il n’est qu’exceptionnellement présent aux audiences en chambre du conseil.
La commission a considéré que la diversification des formations de jugement participait de la progressivité de la réponse pénale.
Ainsi, en matière correctionnelle, le mineur pourra être jugé par le juge des mineurs statuant en chambre du conseil, par le tribunal des mineurs statuant à juge unique, par le tribunal des mineurs statuant en collégialité et par le tribunal correctionnel pour mineurs. En matière criminelle, le mineur pourra être jugé par le tribunal des mineurs ou par la cour d’assises des mineurs.
L’orientation vers l’une ou l’autre de ces formations de jugement sera fonction de l’âge du mineur, de ses antécédents et de la gravité des faits.

A. Maintien de la juridiction du juge des mineurs statuant en chambre du
conseil

Il a été vu comment le principe de progressivité permettait d’organiser et de hiérarchiser les réponses apportées par le parquet aux infractions commises par les mineurs. Ainsi, après avoir renvoyé les premiers faits devant une instance de traitement de proximité, puis décidé d’un certain nombre d’alternatives aux poursuites, le procureur de la République pourra procéder à « l’avertissement final » au terme duquel, en cas de réitération, la saisine du juge des mineurs devient obligatoire aux fins d’investigations approfondies sur la personnalité (voir supra).
C’est dans ce contexte que la commission s’est interrogée sur l’utilité du maintien d’une formation de jugement en chambre du conseil.
L’existence du jugement en chambre du conseil est directement liée au principe général de primauté de l’éducatif et à celui de la double compétence du juge des enfants. En effet, en l’état actuel du droit, en chambre du conseil, le juge des enfants ne peut prononcer que des mesures éducatives. L’audience se tient dans le cabinet du juge des enfants, c’est-à-dire dans le même lieu que l’audience civile dans le cadre de l’assistance éducative, et le juge prononce des « mesures » comme il le ferait au civil.
La commission ayant maintenu, parmi les principes directeurs de la justice pénale des mineurs, le principe de primauté de l’éducatif, elle n’a pas entendu revenir sur cette possibilité de jugement en chambre du conseil, même si l’orientation devant cette formation de jugement devra faire désormais l’objet d’une décision formalisée, susceptible d’appel (voir infra).
Toutefois, l’évolution de la réponse judiciaire, dans la dernière décennie, se caractérise par l’accroissement massif du recours aux alternatives aux poursuites. Ainsi, si entre 2002 et 2006, le nombre d’affaires poursuivables contre des mineurs a augmenté de 7%, le nombre des décisions alternatives aux poursuites décidées par les parquets s’est accru de 39%.
La commission entend alors redéfinir le jugement en chambre du conseil dès lors qu’en amont diverses alternatives aux poursuites auront déjà été utilisées.
En effet, si certaines de ces alternatives aux poursuites sont très similaires aux mesures éducatives, elles n’ont pas la même portée, ni la même efficacité que les mesures éducatives prononcées aujourd’hui par le juge des enfants en chambre du conseil
De plus, le jugement en chambre du conseil n’a pas la même solennité que le jugement par le tribunal pour enfants et, dans l’idée de progressivité des prescripteurs de la réponse pénale, la chambre du conseil occupe naturellement sa place entre les alternatives aux poursuites et le jugement par le tribunal des mineurs.
En outre, il faut observer que, malgré la création de l’avertissement final, le parquet ne perd pas son pouvoir d’opportunité des poursuites et peut décider de saisir le juge des mineurs si les circonstances de l’espèce ou la personnalité du mineur le conduisent à ne pas faire usage de la troisième voie pour un primo-délinquant. Dans cette hypothèse, s’agissant de faits peu graves, il serait pertinent de conserver la possibilité d’orienter certaines affaires en chambre du conseil, que ce soit par saisine directe ou après instruction.
Enfin les praticiens de la commission, ainsi que ceux que celle-ci a entendus, ont en grande majorité insisté sur la commodité de cette formation de jugement : les modalités procédurales simplifiées du jugement en chambre du conseil permettent aux juges des enfants d’audiencer et de juger dans un temps plus court un grand nombre de dossiers pénaux dont ils sont saisis.
Certes, le procureur de la République pourra décider de renvoyer le mineur devant une commission chargée du traitement de proximité ou bien ordonner au mineur de respecter un certain nombre d’interdictions ou d’obligations. Il demeure que ces mesures, qui relèvent plus d’un rappel élémentaire à ses obligations de citoyen et à sa place dans la société, n’interviennent que ponctuellement et sans faire l’objet d’un véritable suivi éducatif.
Ainsi, en 2006, 70% des mesures alternatives aux poursuites décidées par les parquets à l’encontre de mineurs ont consisté en un rappel à la loi ou en un avertissement.
Une partie importante des 30% restant est constituée de mesures de réparation. Si, actuellement, rien ne distingue les mesures de réparation décidées par le parquet ou ordonnées par le juge des enfants, la commission tient, dans un objectif de cohérence de la réponse pénale, à différencier les réponses en fonction du prescripteur. Ainsi, la mesure de réparation décidée à titre d’alternative aux poursuites devra se comprendre comme une mesure de médiation-réparation axée sur la victime, alors que la réparation ordonnée par le juge des mineurs s’intégrera dans le suivi éducatif de milieu ouvert (voir infra).
Par ailleurs, la commission a préconisé que le vocable « mesures éducatives » ne puisse plus s’appliquer aux décisions prononcées au pénal par le juge des mineurs ; les anciennes mesures éducatives étant maintenant fondues dans les sanctions éducatives.
Dès lors, au-delà du maintien de la possibilité de juger en chambre du conseil, la commission propose que le juge des mineurs puisse dans ce cadre prononcer toutes les sanctions éducatives.

Proposition 31 : Redéfinition des pouvoirs du juge des mineurs statuant en chambre du conseil.

Les pouvoirs du juge en audience de cabinet sont redéfinis. Il pourra prononcer ce qui relève aujourd’hui des sanctions éducatives.

B. Création d’un juge des mineurs statuant comme juge unique

Si les pouvoirs du juge des mineurs statuant en chambre du conseil augmentent, il demeure que ce dernier ne peut prononcer de peines. La commission s’est donc interrogée sur la possibilité de créer un tribunal des mineurs statuant à juge unique.
Afin de mettre en œuvre une progressivité de la réponse pénale par le biais des formations de jugement, la commission a pensé créer un tribunal des mineurs statuant à juge unique.
Cette formation de jugement serait plus solennelle que la chambre du conseil, notamment en raison de la présence du ministère public et de sa tenue dans une salle d’audience.
La commission s’est interrogée sur la possibilité de limiter les prérogatives du tribunal des mineurs à juge unique, qui pourrait prononcer toutes les peines, à l’exclusion de l’emprisonnement ferme.
Toutefois, tant au regard du principe de l’égalité des citoyens devant la loi qu’à celui de l’impartialité du juge, la commission a estimé qu’il n’était pas possible que l’orientation devant le tribunal des mineurs statuant à juge unique puisse être décidée, comme c’est le cas pour l’orientation en chambre du conseil, par le juge des mineurs, en dehors de l’existence de critères légaux, en fonction de la sanction envisagée.
En effet, il faut se rapporter aux dispositions de procédure pénale de droit commun concernant la possibilité de statuer à juge unique.
Ainsi, pour les majeurs, l’article 398 du code de procédure pénale pose le principe de la collégialité pour le jugement des délits et une exception pour un certain nombre de délits énumérés à l’article 398-1, ces derniers devant être jugés à juge unique, sous réserve que le prévenu ne comparaisse pas en détention provisoire et ne soit pas poursuivi en comparution immédiate.
Cette liste, plusieurs fois complétée, comprend de très nombreux délits, qui présentent a priori une relative simplicité, et qui sont tous punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans.
Elle date d’une loi du 8 février 1995 et prend en compte la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975 censurant une loi de 1975 , laquelle prévoyait l’extension à certains délits de la procédure de juge unique qui existait depuis 1970 pour les délits routiers : le choix de saisine du juge avait été laissé au président du tribunal, de manière discrétionnaire et sans recours, ce qui portait atteinte au principe d’égalité devant la justice, inclus dans le principe d’égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution. Ce principe, ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel, « fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes. »
Les exigences constitutionnelles imposaient donc que ce soit le législateur qui fixe précisément les critères de compétence du juge unique et le législateur a fait le choix de définir l’orientation vers le juge unique par le quantum de la peine encourue.
S’agissant de la procédure pénale applicable aux mineurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 7 avril 1993 , que l’ordonnance du 2 février 1945, en permettant pour les mineurs délinquants, dans un souci éducatif, une dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer successivement, dans une même affaire, les fonctions d’instruction et de jugement, ne méconnaît aucune disposition de la Convention européenne susvisée et qu’une telle dérogation entre dans les prévisions de l’article 14 du Pacte international de New York, relatif aux droits civils et politiques, comme dans celles des règles de Beijing, approuvées par les Nations Unies le 6 septembre 1985, qui reconnaissent la spécificité du droit pénal des mineurs. Si la décision du juge des enfants de saisir le tribunal pour enfants et non de prononcer lui-même une mesure éducative implique qu’une sanction pénale puisse être envisagée à l’égard du mineur, le risque objectif de partialité qui pourrait en résulter est compensé par la présence de deux assesseurs délibérant collégialement en première instance et par la possibilité d’un appel, déféré à une juridiction supérieure composée de magistrats n’ayant pas connu de l’affaire et dont l’un des membres est délégué à la protection de l’enfance.

Il résulte de ces éléments que le renvoi devant le tribunal des mineurs statuant à juge unique est possible, à condition qu’il soit prévu pour certains délits les moins graves. Plutôt que de prévoir une liste de délits comme pour les majeurs, les membres de la commission ont jugé préférable de fixer un seuil d’emprisonnement encouru. Ce seuil a été fixé à cinq ans, conformément à ce qui existe de fait pour les majeurs .
Le mécanisme ainsi présenté respecte les exigences constitutionnelles de 1975 sur le principe d’égalité.
Dans l’hypothèse où la saisine du tribunal des mineurs siégeant à juge unique, compte tenu de la peine de cinq ans ou moins encourue, émane du parquet ou du juge d’instruction, cette solution ne soulève aucune difficulté juridique.
Toutefois, compte tenu de la décision de 1993 de la Cour de cassation, si le renvoi devant le tribunal des mineurs à juge unique est décidé par le juge des mineurs, l’impartialité du magistrat pourrait être contestée. Pour répondre à cette critique, la commission suggère que le renvoi en collégialité soit de droit à la demande du mineur ou de son avocat.
Comme pour les majeurs, si le mineur est renvoyé ou présenté détenu devant le tribunal des mineurs, la formation collégiale restera seule compétente. Comme pour les majeurs également, le tribunal des mineurs siégeant à juge unique pourrait, si la complexité de l’affaire ou si la peine susceptible d’être prononcée le justifient, décider de renvoyer l’affaire en collégialité .
Enfin, la commission, soucieuse d’éviter au juge unique de prononcer des peines planchers, recommande que le mineur en état de récidive légale ne puisse pas être renvoyé devant le tribunal des mineurs à juge unique, la formation collégiale demeurant seule compétente.
La commission propose donc que les délits punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans relèvent du tribunal des mineurs siégeant à juge unique tandis que les délits dont la peine encourue est supérieure à cinq ans relèvent du tribunal des mineurs siégeant en formation collégiale. Le tribunal des mineurs siégeant à juge unique conserve la possibilité de renvoyer l’affaire, d’office ou à la demande des parties ou du ministère public, devant la juridiction collégiale en raison de la complexité des faits ou de la personnalité du mineur. Ce renvoi peut être de droit si le tribunal des mineurs siégeant à juge unique a été saisi par le juge des mineurs.
Si cette solution présente l’inconvénient de multiplier les formations de jugement, cela permet en revanche une présence accrue du parquet aux audiences pénales concernant les mineurs.
En effet, on constate aujourd’hui qu’un certain nombre d’affaires sont orientées en chambre du conseil plutôt que devant le tribunal pour enfants, car les juges des enfants privilégient la rapidité de la réponse pénale à la nature même de la réponse à apporter aux faits.
La commission considère que le tribunal des mineurs statuant à juge unique, tel qu’elle l’a défini, aura vocation à juger une part importante des dossiers, actuellement orientés en chambre du conseil. Le procureur de la République disposera alors de la possibilité de prendre des réquisitions dans des affaires qui aujourd’hui ne lui sont pas soumises et de faire usage plus utilement de son droit d’appel.
En effet, le tribunal des mineurs siégeant à juge unique devrait permettre d’audiencer plus facilement ces affaires que devant le tribunal des mineurs siégeant en collégialité.
D’une part, en l’absence des assesseurs, le tribunal des mineurs statuant à juge unique ne suppose que la réunion du personnel judiciaire habituellement présent dans les palais de justice. Ainsi, les audiences du tribunal des mineurs statuant à juge unique pourront être fixées à un rythme plus soutenu.
D’autre part, un plus grand nombre de dossiers pourra y être audiencé puis qu’il résulte des conditions de saisine de cette formation de jugement que ni les dossiers les plus complexes n’y seront examinés, ni les prévenus détenus jugés. Ainsi, la durée d’examen des affaires à l’audience sera plus courte.

Proposition 32 : Création d’un Tribunal des mineurs à juge unique.

Le tribunal des mineurs siégeant à juge unique sera compétent pour le jugement des délits pour lesquels la peine encourue est inférieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement. Cependant, les mineurs comparaissant en détention provisoire et les mineurs en état de récidive légale devront obligatoirement être poursuivis devant la juridiction collégiale. Le renvoi devant la juridiction collégiale est de droit sur demande du mineur. Le tribunal des mineurs siégeant à juge unique pourra prononcer des sanctions et des peines.

C. Création d’un tribunal correctionnel pour mineurs

La commission s’est longuement interrogée sur l’opportunité de créer une juridiction pour mineurs supplémentaire dans l’objectif d’instaurer un échelon de plus dans la progressivité de la sanction.
Au fil de débats nourris sur cette question, a émergé l’idée que cette formation de jugement pourrait être compétente pour juger des mineurs de 16 à 18 ans multi-récidivistes, mais également qu’elle pourrait constituer une sorte de passerelle entre la justice des mineurs et celle des majeurs, compétente pour juger les jeunes majeurs.

1. Un tribunal correctionnel pour mineurs compétent pour juger les mineurs de plus de 16 ans

Certains membres de la commission ont estimé que le renvoi de mineurs de plus de 16 ans devant un tribunal correctionnel pour mineurs serait la meilleure illustration de l’application en matière processuelle du principe de progressivité. En effet, si la progression des sanctions doit suivre la progression des actes délictueux, il importe aussi que les formations de jugement suivent cette même progression, jusqu’à afficher une plus grande sévérité avec la comparution du mineur devant un tribunal correctionnel, dont la charge symbolique et la solennité apparaissent nécessairement plus fortes.
Le renvoi de mineurs de plus de 16 ans devant cette nouvelle juridiction ne méconnaîtrait pas la place particulière occupée par les mineurs de cet âge dans notre construction juridique. En effet, il a déjà été rappelé que l’excuse de minorité peut être écartée à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur de plus de 16 ans, et qu’elle ne peut être appliquée à ces mêmes mineurs que par décision spécialement motivée lorsqu’ils ont commis un délit de violences volontaires, agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences en grande récidive .
Il paraîtrait donc assez justifié que ces mineurs, qui peuvent se voir infliger des peines suivant le régime applicable aux majeurs, comparaissent également devant une juridiction propre aux majeurs.
D’ailleurs, en matière criminelle, si les mineurs de moins de 16 ans relèvent actuellement du tribunal pour enfants, ceux de plus de 16 ans sont jugés par la cour d’assises des mineurs. Il apparaît donc pertinent, pour les délits les plus graves et sous certaines conditions, de renvoyer les mineurs de plus de 16 ans non pas devant le tribunal des mineurs mais plutôt devant un tribunal correctionnel pour mineurs.
L’instauration d’un tribunal correctionnel pour mineurs doit impérativement respecter le principe constitutionnel de spécialisation des juridictions devant connaître des mineurs, ce qui implique que le tribunal correctionnel dans sa composition de droit commun ne puisse être compétent. Il importe alors que des magistrats spécialisés siègent dans ce tribunal correctionnel pour mineurs.
La commission a pensé à deux hypothèses pour la composition de ce tribunal : soit il sera composé du président du tribunal correctionnel assisté de deux juges des mineurs, soit il sera présidé par le juge des mineurs assisté de deux magistrats professionnels non spécialisés.
Toutefois, de manière pragmatique, afin de faciliter sa réunion, la commission considère que la présence d’un juge des enfants dans la composition, même en tant qu’assesseur, garantirait la spécialisation de cette juridiction. .
De la même façon, et toujours conformément au principe constitutionnel du jugement selon des procédures appropriées aux mineurs, les règles procédurales devant le tribunal correctionnel doivent être adaptées à la spécificité de la matière, en appliquant notamment les principes de publicité restreinte des débats et d’assistance obligatoire de l’avocat.
Des membres de la commission ont estimé que la compétence du tribunal correctionnel pour mineur pourrait être étendue au jugement des majeurs coauteurs des infractions reprochées aux mineurs de plus de 16 ans, ce qui serait alors favorable aux victimes qui n’auraient à comparaître et faire valoir leurs droits qu’à une seule audience.
A ce titre, il convient de rappeler que le critère de la mixité de l’affaire a déjà été prévu par une loi du 9 mars 2004 pour permettre l’application de la garde à vue de quatre jours en matière de criminalité organisée aux mineurs de plus de 16 ans. Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif et a considéré qu’il n’y avait pas rupture d’égalité, la différence de traitement ainsi instituée avec les mineurs de moins de 16 ans ne procédait pas d’une discrimination injustifiée car le législateur avait entendu garantir le bon déroulement de ces enquêtes et protéger les mineurs de tout risque de représailles susceptibles d’émaner des adultes impliqués .
De même, le tribunal correctionnel pour mineurs pourrait être compétent pour les mineurs devenus majeurs à la date du jugement.
En effet, les statistiques du ministère de la justice montrent un accroissement important, dans les dix dernières années, du nombre de jugements rendus par des juridictions pour mineurs alors que le mineur auteur était devenu majeur à la date de l’audience.
Si, en 1997, le pourcentage de mineurs devenus majeurs jugés par les juridictions pour mineurs était de 17,3%, ce taux a augmenté à 33,3 % et 33,5% pour les années 2005 et 2006.
S’il est naturel que les juridictions pour mineurs jugent les délits commis par des mineurs dans leur 18ème année à une date où ceux-ci sont devenus majeurs, la finalité éducative de la réponse pénale est alors forcément amoindrie. Il pourrait alors être signifiant, dans certains cas, notamment si le mineur semble présenter des risques de réitération d’infractions après sa majorité, qu’il comparaisse devant ce tribunal correctionnel pour mineurs.
Lors des débats a été souligné le principe que le recours à cette juridiction devait rester un choix ultime visant à alerter le mineur sur son inscription dans un parcours délinquant et sur les risques forts qu’il encourt d’être confronté, à brève échéance, à la justice des majeurs.
Afin d’inscrire par des dispositions textuelles ce principe de recours ultime au tribunal correctionnel des mineurs, la commission propose que le tribunal correctionnel pour mineurs ne puisse être saisi que de manière facultative et par ordonnance de renvoi du juge des enfants ou du juge d’instruction.
En effet, des membres de la commission ont estimé que la saisine par un juge et non par le parquet constituait la garantie que le renvoi devant cette nouvelle formation de jugement soit facultatif.
Il importe de souligner que cette proposition de création d’un tribunal correctionnel pour mineurs a suscité de longs débats au sein de la commission. Certains membres ont porté les critiques suivantes.
En premier lieu, certains membres ont estimé que la création d’une nouvelle formation de jugement était de nature à rendre confuse l’action de la justice puisque les mineurs pourraient être jugés par quatre juridictions différentes. D’autres ont indiqué que le caractère dissuasif de cette juridiction risquait de s’émousser dès lors que les mineurs auront intégré l’idée que ce tribunal n’est pas en mesure de prononcer d’autres sanctions ou peines que le tribunal pour enfants.
Il a été relevé, en second lieu, que la création d’une telle juridiction poserait d’importantes difficultés d’organisation au sein des tribunaux. En effet, la compétence du tribunal correctionnel pour mineurs telle que proposée demeure restrictive : ce tribunal ne sera compétent que pour un nombre réduit de mineurs ou de jeunes majeurs et ne pourra se réunir fréquemment et régulièrement au risque donc de rallonger les délais de jugement. De plus, cette nouvelle formation de jugement devra mobiliser spécifiquement trois magistrats du siège, un représentant du ministère public, un greffier et un huissier audiencier.
Les membres de la commission opposés à cette innovation ont souligné par ailleurs que l’instauration d’un tribunal correctionnel pour mineurs était de nature à déconsidérer le rôle des assesseurs des tribunaux des mineurs et ce, alors même que l’échevinage n’avait jamais été remis en cause et était, au contraire, perçu comme bénéfique, car permettant à la justice des mineurs de bénéficier de la compétence et de l’expérience de citoyens en matière de connaissance de l’enfant ou de l’adolescent.
Enfin, certains membres de la commission ont tenu à souligner que les tribunaux pour enfants ne manquaient pas de sévérité et qu’ils disposaient déjà, en raison notamment des lois sur la récidive, des moyens juridiques de prononcer des peines d’emprisonnement sans sursis pour les mineurs commettant les actes les plus graves. En conséquence, le renvoi devant un tribunal correctionnel pour mineurs leur apparaissait inutile.

2. Un tribunal correctionnel pour mineurs compétent pour juger les jeunes majeurs

La commission s’est interrogée sur la possibilité d’étendre la saisine du tribunal correctionnel pour mineurs aux infractions commises par les jeunes majeurs au cours de l’année suivant leur majorité.
En effet, il a souvent été rappelé devant la commission, tant par les personnes auditionnées que par des membres du groupe, que le passage, à dix-huit ans, d’une justice des mineurs attentive à la personnalité du mineur et à la dimension éducative de la réponse pénale à une justice des majeurs saisie plus souvent dans l’urgence et davantage soucieuse de l’ordre public pouvait s’avérer brutal, les tribunaux correctionnels pouvant d’ailleurs, en raison de l’existence de condamnations prononcées antérieurement par les juridictions pour mineurs, condamner ces jeunes majeurs à de lourdes peines.
De même, il a été observé que les jeunes majeurs présentaient souvent des problématiques proches de celles des mineurs, le passage à l’âge légal de la majorité civile et pénale, fixé à dix-huit ans, n’emportant pas toujours une évolution fondamentale en matière de maturité et de responsabilité personnelle.
Aussi, des membres de la commission, pour atténuer la césure des dix-huit ans et souligner la progressivité des formations de jugement, ont proposé que le tribunal correctionnel puisse être compétent pour les jeunes majeurs ayant commis une infraction avant la fin de leur dix-neuvième année, le choix de la saisine incombant alors au parquet ou au juge d’instruction.
Cette double compétence, d’une part pour des mineurs qui, par leur activité délinquante, montrent qu’ils ne relèvent plus tout à fait des juridictions pour mineurs, et d’autre part pour des jeunes majeurs, qui n’ont peut être pas encore totalement intégré ce statut, permettrait aussi d’assurer une forme de transition entre la justice des mineurs et celle des adultes.

Proposition 33 : Création d’un tribunal correctionnel pour mineurs spécialement composé.

Composé d’au moins un juge des mineurs, le tribunal correctionnel pour mineurs sera compétent :
 pour les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs poursuivis avec des majeurs et les mineurs de 16 à 18 ans en état de nouvelle récidive. Il ne pourra alors être saisi que par le juge des mineurs ou le juge d’instruction.
 pour les infractions commises par des jeunes majeurs au cours de l’année suivant leur majorité. Il sera dans cette hypothèse saisi par le juge d’instruction ou par le parquet.
Il importe de souligner que cette proposition de création d’un tribunal correctionnel pour mineurs, disposant des deux compétences ci-dessus développées, a suscité de longs débats au sein de la commission.
A l’issue des débats de la commission, un vote a permis de départager les membres de la commission, la proposition de création du tribunal correctionnel pour mineurs emportant la majorité à une voix près.

D. Maintien de la procédure criminelle

La commission a estimé que la justice criminelle des mineurs ne nécessitait pas de réforme fondamentale. Il a cependant été noté qu’il était regrettable qu’un mineur commettant des crimes avant et après son seizième anniversaire, hypothèses fréquentes dans les dossiers de viols intrafamiliaux commis sur une logue période, soient jugés par le tribunal pour enfants pour les premiers, et par la cour d’assise pour les seconds. A cet égard, la commission a proposé de juger ensemble ces faits devant la seule cour d’assises des mineurs (voir supra).
Les seules réserves apportées contre la procédure criminelle applicable aux mineurs ont porté sur la nécessaire disjonction des crimes commis par un même mineur avant et après l’âge de seize ans. A cette fin, la commission a formulé la proposition 26 (voir supra).

SECTION 2. LA COHERENCE DES SANCTIONS.

La cohérence des procédures est un préalable essentiel à la bonne compréhension du dispositif pénal. Cependant, ce qui est immédiatement perceptible par le mineur et par l’ensemble de la société, c’est encore davantage la cohérence des sanctions et in fine de la sanction effectivement prononcée.
Aussi, la commission a engagé un travail de fond tendant à une refondation globale du panel des réponses pénales. Cette réflexion s’est articulée autour d’un double souci de lisibilité et de progressivité. Elle a notamment été marquée par la volonté permanente de proposer des sanctions adaptées aux spécificités des mineurs permettant la prise en considération de la réalité du parcours personnel et judiciaire de chacun.
En outre, par des propositions tendant à la diversification des réponses envisageables, la commission a également cherché à traduire concrètement le principe du caractère exceptionnel de l’incarcération d’un mineur.
Ainsi, avant de proposer l’inscription dans le code d’une liste exhaustive et repensée des sanctions applicables et d’envisager une gradation plus nette de leur prononcé, la commission a souhaité définir un certain nombre d’orientations préalables fixant plus clairement les règles qui doivent présider à leur application.

I. Orientations préalables

A. Fusion des mesures et des sanctions éducatives en matière pénale

La notion d’éducation est commune à l’ensemble des réponses pénales apportées au mineur et ne se réduit pas à la seule catégorie de ce qui est habituellement dénommé mesures éducatives.
L’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 cite les mesures qui peuvent être prononcées par les juridictions ayant à connaître de mineurs. Sont ainsi évoquées des mesures « de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation ». Le terme de mesures éducatives n’est pas employé même si l’ordonnance accorde clairement à ces mesures une fonction d’éducation.
Le terme de « mesures éducatives » est donc une dénomination générique qui englobe un certain nombre de réponses pénales, à caractère instantané comme l’admonestation et la remise à parents ou qui supposent un suivi comme la mesure de réparation et la mesure de liberté surveillée.
Avant l’introduction des sanctions éducatives par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, l’arsenal de réponses pénales en matière de jugement reposait sur ces mesures dites « éducatives », d’une part, et les peines, de l’autre.
Pour autant, la dimension éducative transcende cette classification comme le rappelle l’UNASEA lors de son audition et dans sa contribution écrite pour qui chaque sanction doit comporter une dimension éducative, l’objectif prioritaire étant la réinsertion du mineur.
En effet, quel que soit le cadre juridique dans lequel un mineur est pris en charge, le principe de primauté de l’éducatif commande que l’éducation prime sur la sanction, sans que cette dimension ne puisse être pour autant être écartée. Celle-ci légitime l’action pénale du parquet et du juge saisi par ce dernier.
Les politiques successives ont eu pour objectif d’apporter une réponse à tout acte de délinquance commis par un mineur. Il ne s’agit pas seulement de sanctionner un acte afin de protéger la société de cette agression, mais également de reconnaître le mineur en tant qu’auteur de cet acte.
Le professeur Philippe Jeammet , membre de la commission, explique que « ce n’est pas seulement par rapport à la société mais aussi par rapport au respect qu’on lui doit que l’on n’accepte pas qu’un enfant ou un adolescent ait un comportement jugé inacceptable ». Il ajoute que « les différents facteurs qui peuvent rendre compréhensible le comportement vont influencer la nature de sa réponse, mais ne doivent pas rendre plus acceptable pour autant ce comportement par respect pour la dignité et la valeur de l’auteur ». Il en déduit qu’il « est essentiel d’expliquer clairement à l’intéressé les raisons pour lesquelles le comportement n’est pas acceptable ». Il conclut par cette phrase « sanctionner n’est pas humilier », car il ajoute, en effet, qu’une fois la limite clairement posée, vient le temps de l’ouverture des réponses adaptées, supposant alors la prise en compte des « facteurs causaux ou du moins favorisants de ce comportement » et l’établissement d’une « hiérarchisation des réponses de la société ».
Le terme de sanction éducative traduit ce double objectif : la sanction a pour objet de reconnaître le mineur dans son acte, mais elle ne peut être qu’éducative parce qu’il a une personnalité en construction.
L’utilisation du terme « mesure » dans de nombreux cadres juridiques pourtant distincts associée à l’introduction des sanctions éducatives est générateur de confusion.
En effet, le terme de mesure se retrouve pour les alternatives aux poursuites et les décisions pénales prises par les juridictions avant jugement et au moment du jugement. Il est largement utilisé également en matière d’assistance éducative.
Par ailleurs, l’introduction des sanctions éducatives dans l’arsenal des réponses pénales à disposition des formations de jugement, entre les mesures éducatives et les peines, a nui à la clarté du dispositif selon certains professionnels, dans la mesure où elles introduisent une catégorie supplémentaire entre les mesures éducatives et les peines.
Ainsi, la fédération nationale des assesseurs près du tribunal pour enfants a dénoncé lors de son audition par la commission la confusion générée par la profusion des sanctions actuellement applicables, certaines étant difficilement adaptées à la personnalité des mineurs (stage de formation civique notamment …).

Par ailleurs, la faiblesse du nombre de sanctions éducatives prononcées s’expliquerait par le fait qu’il serait difficile d’en assurer la mise en place et le suivi. Un membre de la commission a suggéré qu’elles puissent être « prononcées par le juge des enfants » à l’instar des mesures éducatives. L’UNIOPSS a indiqué que les associations étaient très interrogatives sur la catégorie des sanctions éducatives .
Par conséquent, la commission poursuivant deux objectifs, celui de clarifier la liste des réponses pénales d’une part, et celui d’affirmer que celles-ci, quelle que soit leur nature, doivent comporter à la fois un caractère de sanction et d’éducation, a débattu sur l’opportunité de supprimer l’expression de mesures éducatives.
Conformément aux préconisations qu’elle a adoptées au rang des clarifications formelles, elle a fait le choix d’un classement des réponses pénales en deux catégories : sanctions éducatives et peines.
Se référant à la signification de l’origine latine du mot sanction (voir supra), ainsi qu’à sa volonté précédemment évoquée d’afficher clairement que la réponse à apporter à un acte transgressif doit être une sanction, même si celle-ci poursuit un objectif d’éducation, la commission a retenu l’expression de « sanction éducative » plutôt que celle de « mesure éducative ».
Joindre les réponses pénales de cette catégorie à celle des sanctions éducatives a été perçu par une majorité de membres de la commission comme étant un vecteur de clarification. Certains membres se sont montrés plus réservés, expliquant leur attachement à la notion de mesure éducative qui transcrit, pour eux, le mieux le principe de primauté de l’éducatif.

Rappel de la proposition 3 : une large majorité s’est prononcée en faveur de la suppression du terme de mesure éducative au profit de la dénomination « sanction éducative ».
Le dispositif de réponses pénales prononcées par les juridictions comprendrait alors les sanctions éducatives et les peines.
B. Le cumul possible des sanctions éducatives et des peines
L’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 dispose que :
« Le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation qui semblent appropriées. »
« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l’exigent, soit prononcer une sanction éducative à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l’article 151, soit prononcer une peine à l’encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l’atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9. »
La commission a ouvert ses débats en relevant tout d’abord que l’article 2 de l’ordonnance de 1945 ne pose pas clairement une interdiction de cumul entre une mesure éducative et une peine. Il lui est apparu que l’interprétation de cet article provenait de ce que les lois postérieures avaient clairement affirmé les cas de cumul possibles.
En effet, deux lois successives ont introduit des précisions importantes en matière de cumul de mesures éducatives et de peines. Elles ont précisé que :
  la liberté surveillée peut être prononcée par le tribunal pour enfants comme mesure accessoire à une peine (article 19) ;
  une mesure éducative de remise à parent, de liberté surveillée ou de placement peut se cumuler avec un sursis avec mise à l’épreuve ou un sursis assorti de l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général, conformément à l’art. 20-10 modifié de l’ordonnance du 2 février 1945.
La possibilité de cumuler une mesure éducative et un sursis avec mise à l’épreuve a été introduite par la loi du 9 septembre 2002. Le tribunal pour enfants peut, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, prononcer dans une même décision une peine d’emprisonnement assortie du sursis avec mise à l’épreuve, et une remise à parents, une liberté surveillée ou un placement, mais pas une mesure de réparation ou de mise sous protection judiciaire Il n’est plus contraint de devoir choisir l’une ou l’autre de ces réponses pour un même dossier.
Il peut même faire de cette mesure éducative une obligation particulière de la mise à l’épreuve, et permettre ainsi de sanctionner ultérieurement l’absence d’adhésion du mineur à la mesure éducative prononcée. Ainsi, il peut assortir le sursis avec mise à l’épreuve d’un placement (article 20-9 alinéa 2) mais n’est pas tenu de faire de ce placement une obligation de la mise à l’épreuve (article 20-9 alinéa 3).
Ainsi, il convient de distinguer plusieurs hypothèses de cumul :
 la possibilité de prononcer un sursis avec mise à l’épreuve et d’assortir cette décision d’un placement, dans un même jugement. En ce cas, les deux mesures seront distinctes et autonomes quant à leur durée et leur déroulement, sauf décision contraire du juge des enfants chargé de l’application des peines (article 20-10 al.1) ;
 la possibilité, pour la juridiction qui a assorti le sursis avec mise à l’épreuve d’un placement, de faire de ce dernier une obligation particulière du premier (article 20-10 al.2) ; en ce cas, en se référant aux mesures de contrôle de l’article 132-44 du code pénal et aux obligations particulières de l’article 132-45, le tribunal pour enfants donne au placement en établissement éducatif un caractère contraignant, en utilisant notamment l’obligation particulière d’ « établir sa résidence en un lieu déterminé ».
En outre, hors le cas d’un placement en centre éducatif fermé, le juge des enfants chargé de l’application des peines peut ultérieurement faire du placement une obligation de la mise à l’épreuve, comme il pourra modifier un placement, voire en donner mainlevée, alors que celui-ci était une obligation initiale de la mise à l’épreuve (articles 20-10 al. 3 de l’ordonnance du 2 février 1945 et 712-8 du CPP).
S’agissant du placement en centre éducatif fermé obligatoirement assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve lors de la phase jugement, il peut également être décidé dans les deux hypothèses : cumulativement avec un sursis avec mise à l’épreuve, ou comme obligation particulière de celui-ci.
Toutefois, il est apparu plus cohérent avec la logique du placement en centre éducatif fermé de faire du respect des conditions de ce placement une obligation particulière du sursis avec mise à l’épreuve.
A la différence du placement en centre éducatif fermé intervenant dans le cadre d’un contrôle judiciaire, aucune limitation de durée autre que celle de la mise à l’épreuve n’est prévue pour un placement en centre éducatif fermé décidé par jugement. Une durée moindre pour le placement peut incontestablement présenter l’avantage de permettre une évaluation régulière de la situation du mineur qui peut, à, court ou moyen terme, justifier d’une prise en charge moins contraignante.
Ce cumul s’étend depuis le 1er janvier 2005 au sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général.
Au regard de ces précédents, la commission a jugé utile de généraliser la possibilité de cumuler sanctions éducatives et peines.
Lorsqu’elle a évoqué cette question, la commission a tenu à réaffirmer au préalable que ce débat ne remettait en cause, en aucune manière, le caractère subsidiaire de la peine affirmé dans les principes généraux du droit pénal des mineurs. En effet, une telle interprétation présenterait l’inconvénient de mettre à mal le principe de primauté de l’éducatif et d’entraver la déclinaison du principe de progressivité, sinon de la cohérence, de la réponse pénale.
Il ne s’agit donc pas de prévoir un « doublement » de la sanction éducative par une peine, mais principalement de permettre à une juridiction pour mineurs à qui il a semblé nécessaire de prononcer une peine, d’y joindre une sanction éducative, ce qui n’est pas actuellement toujours possible.

Proposition 34 : Possibilité de cumuler, dans toutes les hypothèses, les sanctions éducatives et les peines.

C. Nécessaire adaptation des règles concernant les sanctions des mineurs

La commission a soulevé, à plusieurs reprises au cours de ses travaux, la nécessité d’adapter les règles concernant les sanctions des mineurs en raison de l’approche particulière de la temporalité par ce public. Les professionnels de l’enfance et la doctrine s’accordent, en effet pour dire que le temps est perçu différemment entre un enfant et un adulte.
Par exemple, Messieurs Bailleau, Leconte et Cartuyels, évoquent, dans leur étude sur la Justice pénale des mineurs en Europe , l’idée que la temporalité est différente entre le mineur et le majeur. Le rapport au temps du mineur n’est pas le même que celui du majeur ce qui entraîne une nécessaire modification de la durée de la peine ou de la sanction qui doit être adaptée à l’âge de l’enfant.
De même, Chantal Humbert observe que les enfants et adolescents fragiles ont une difficulté à réaliser un projet, à le mettre en œuvre en raison d’un trouble de la temporalité puisqu’ils ont du mal à se situer par rapport au temps. Il est nécessaire qu’ils puissent se projeter dans le moule du temps social pour apprendre à y placer des évènements. Cela passe par la fixation de dates dans des délais rapprochés puisque l’adolescent a du mal à se projeter dans un futur lointain.
De ces constats universitaires comme de nombreuses observations de terrain, la commission a tiré un certain nombre de conséquences concernant les sanctions qui sont applicables aux mineurs notamment en termes de délai de mise à l’épreuve, d’exécution des sanctions et d’aménagement des peines.

1. Raccourcissement du délai d’épreuve pour le sursis avec mise à l’épreuve et le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général.

Actuellement, la durée de la mise à l’épreuve pour un mineur est identique pour les mineurs et les majeurs, à savoir entre douze mois et trois ans, selon les dispositions prévues par l’article 132-42 du code pénal. Le délai court à compter du caractère exécutoire de la condamnation, soit dès le prononcé si l’exécution provisoire a été ordonnée ou après l’expiration des délais de recours si elle ne l’a pas été.
Ce délai est commun au sursis avec mise à l’épreuve et au sursis avec l’obligation particulière d’accomplir un travail d’intérêt général, lequel est possible uniquement pour les mineurs de 16 à 18 ans.
La juridiction peut décider que les obligations imposées au condamné perdureront au-delà de l’accomplissement du travail d’intérêt général dans un délai qui ne peut excéder 12 mois (article 132-54 al 2 du code pénal issu de la loi du 9 mars 2004, entré en vigueur le 31 décembre 2006).
Dans tous les cas, ce délai d’exécution est suspendu de droit, pendant le temps où le condamné est incarcéré, conformément aux dispositions des articles 131-22 et 132-43 du code pénal. De manière facultative, il peut également être provisoirement suspendu pour motif grave d’ordre médical, familial, professionnel ou social (articles 131-22 et 132-54 du code pénal).
Il est apparu nécessaire à la commission d’adapter plus précisément les délais de l’épreuve pour le sursis avec mise à l’épreuve, et le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, au public des mineurs. En particulier, il lui est apparu qu’une mise à l’épreuve pendant trois ans n’était pas adaptée. En effet, ce délai a été jugé beaucoup trop long par plusieurs membres de la commission, eu égard à l’évolution d’un mineur qui peut être rapide notamment en terme de maturité.
Pour autant, la nécessité d’avoir un temps d’épreuve suffisamment long a également été évoquée. Cette période a, en effet, été jugée propice à un travail éducatif nécessitant une construction dans la durée ainsi que l’instauration d’une relation entre le mineur et l’éducateur désigné dans le cadre du mandat judicaire. La modification de comportement, que les obligations mises à la charge du mineur peuvent entraîner, suppose un temps suffisant non seulement pour qu’elle soit effective mais également pour qu’elle s’inscrive dans la durée.
La commission a estimé que le point d’équilibre entre ces deux préoccupations pouvait se situer sur une durée maximale de mise à l’épreuve de dix-huit mois, le juge des mineurs en sa qualité de juge d’application des peines disposant de la possibilité d’aménager ce délai d’épreuve dans cette limite. Il avait également été envisagé de fixer une durée de l’épreuve à un an. Cette solution a finalement été écartée car elle ne permettrait pas une intervention éducative suffisante.

Proposition 35 : Raccourcissement du délai d’épreuve du sursis avec mise à l’épreuve à un maximun de dix-huit mois.

2. Encadrement renforcé de l’exécution des sanctions.

Dans le cadre de sa réflexion, la commission s’est interrogée sur la pertinence d’un encadrement plus précis de la durée des mesures et sur l’opportunité pour le juge des mineurs de mieux contrôler le déroulement du suivi d’une sanction. Elle s’est nourrie des débats qui ont eu lieu au moment de l’adoption de la loi du 6 janvier 1986 qui a considérablement rénové la procédure d’assistance éducative.
Aux termes de cette loi, le juge doit fixer une échéance pour toutes les mesures d’assistance éducative qu’il ordonne. Par ailleurs, le législateur impose aux magistrats une révision des situations dans un délai maximum de deux ans délai lorsque ce dernier n’a pas lui-même prévu de délais plus courts .
En outre, lorsque le juge ordonne des mesures provisoires, il doit statuer dans un délai de six mois, prorogeable une fois par décision motivée .
Cette volonté du législateur procédait d’un constat selon lequel les décisions prises à l’égard d’un mineur revêtaient une importance telle que le magistrat qui était chargé d’en suivre l’exécution devait pouvoir s’assurer de leur bonne exécution dans l’intérêt du mineur. En effet, étant gardien des libertés individuelles aux termes de l’article 66 de la Constitution, sa fonction consiste à s’assurer de manière régulière qu’une décision judiciaire reste nécessaire et que les droits des parties sont respectés.
Par ailleurs, la révision régulière par le juge de la situation du mineur permet à celui-ci de percevoir l’intérêt d’adultes à son égard, ce qui est un élément important de structuration pour un adolescent.
Or, la commission a relevé qu’en matière pénale, aucun délai maximal n’était prévu, ce qui peut paraître très paradoxal dans un domaine où le principe de légalité de la sanction devrait conduire à se montrer beaucoup plus exigeant. Cela permet d’observer que l’ordonnance du 2 février 1945, avec les meilleures intentions, a parfois prévu des solutions bien peu protectrices des intérêts du mineur, sous couvert d’assurer sa protection.
Ainsi, les dispositions relatives aux mesures éducatives prévues aux articles 8, 15 et 16 de l’ordonnance du 2 février 1945 ne précisent pas de délai maximum au terme duquel les mesures prononcées, pour celles qui nécessitent un suivi, viendraient à échéance. Les articles 12-1 et 26 relatifs au régime applicable respectivement à la réparation et à la liberté surveillée n’apportent pas de précisions à ce sujet.
L’article 28 de l’ordonnance indique simplement que le juge des enfants peut « soit d’office, soit à la requête du ministère public, du mineur, de ses parents, de son tuteur ou de la personne qui en a la garde, soit sur le rapport du délégué à la liberté surveillée, statuer sur tous les incidents, instances de modification de placement ou de garde, demandes de remise de garde ». Celui-ci peut alors « ordonner toutes mesures de protection ou de surveillance utiles, rapporter ou modifier les mesures prises ».
Les dispositions de l’article 19 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoient qu’un mineur peut être placé sous le régime de la liberté surveillée jusqu’à sa majorité, sans pour autant définir une durée plus précise.
Seules les dispositions relatives à la mise sous protection judiciaire de l’article 16 bis portent indication d’une durée maximale pour cette mesure , mais il est vrai que celle-ci peut se prolonger au-delà de la majorité de la personne.
Le constat de cette situation assez surprenante au regard de la protection du mineur et de son nécessaire suivi a conduit la commission à souligner la nécessité d’encadrer davantage l’exécution des sanctions éducatives.
Elle a estimé que, comme pour les mesures prononcées en assistance éducative, le magistrat devait effectuer un suivi régulier des sanctions éducatives prononcées dans un cadre pénal. Elle a également considéré que celles-ci ne pouvaient perdurer trop longtemps sans risquer de perdre de leur sens, voire de stigmatiser un mineur aux yeux de la société .
Ce suivi doit s’opérer par le biais d’une révision formelle de la situation individuelle d’un mineur tous les 6 mois. Ce délai est apparu adapté à la temporalité particulière aux mineurs et être en cohérence avec les règles de procédure proposées par ailleurs par la commission.

Proposition 55 : Principe du réexamen tous les six mois de la situation d’un mineur pour lequel une procédure pénale est en cours.

3. Recours plus ouvert aux aménagements de peines.

Dans la perspective ouverte par le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs établi par Messieurs Schosteck et Carle , la commission s’est interrogée sur la possibilité de favoriser les aménagements des peines prononcées à l’égard de mineurs. L’idée développée par ce rapport consistait à inventer des parcours éducatifs en trouvant un point d’équilibre entre la contrainte et la sanction. A ce titre, il préconisait notamment de permettre une sortie totale ou partielle des établissements fermés dès que le comportement du mineur condamné le permettrait.
Préalablement et antérieurement aux lois du 9 septembre 2002 et du 9 mars 2004 dites Perben 1 et 2, le rapport Lazerges - Balduick relatif à la délinquance des mineurs avait préconisé un renforcement des mesures d’aménagement de peines, en particulier :
  Par le développement de la semi-liberté avec prise en charge en centre de jour ;
  Par le recours à l’exécution de la peine sous le régime de la surveillance électronique ;
  Par la saisine obligatoire du juge des enfants par le parquet ou le juge d’application des peines, pour avis préalablement donné à l’exécution d’une peine inférieure à un an.
La commission a également examiné avec attention, notamment sur ce point, le récent rapport parlementaire établi par Monsieur le député Jean-Luc Warsmann et Madame la députée Michèle Tabarot intitulée « Pragmatisme et résultats concrets : pour un coup de jeune à la justice des mineurs » .
Ce rapport mentionne un certain nombre de progrès dans la prise en charge effective des mineurs délinquants, notamment l’amélioration de plusieurs délais de mise en œuvre des décisions des juridictions, délais qui demeurent cependant trop longs.
Toutefois il pointe certaines faiblesses. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer :
 la faiblesse des aménagements de peines, moins de 2 % des mineurs en bénéficiant actuellement,
 la manque d’offre d’aménagements de peine,
 l’existence d’un nombre trop limité d’internats éducatifs,
 le nombre insuffisant de familles accueillantes,
 l’absence de systématisation des dispositifs de sorties d’incarcération ou de placements.
Afin d’accompagner la réinsertion du mineur, le rapport préconise d’améliorer les conditions de sortie des dispositifs en les prévoyant dès le placement ou l’incarcération afin d’en anticiper la mise en œuvre dans un parcours éducatif de moyen terme. Le rapport suggère que les mineurs fassent l’objet de prises en charge de transition graduées en fonction de l’établissement dont ils proviennent (établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) ou quartiers mineurs, centre éducatif fermé ou renforcé. Pour les mineurs sortant de dispositifs d’incarcération, le rapport préconise des éloignements dans des établissements cœrcitifs, et des placements en foyer, famille d’accueil ou en internat pour ceux qui terminent un placement en centre éducatif fermé ou renforcé .
La commission a souhaité souligner l’importance des aménagements de peines pour les mineurs, en cohérence avec le principe du caractère exceptionnel des peines privatives de liberté (voir supra).
Elle s’est intéressée au problème des sorties « sèches » de détention et de placement en centre éducatif fermé. Il a notamment été acté d’imposer, sur le modèle canadien, que toute peine d’emprisonnement supérieure à un an soit par principe subie pour son dernier tiers de manière aménagée sauf motivation spéciale. Elle a considéré que cette systématisation était de nature à favoriser la réinsertion d’un mineur, et partant, de lutter contre la réitération.
Un membre a indiqué que ce travail d’anticipation est déjà mis en œuvre à l’occasion des sorties de centre éducatif fermé par le biais d’une mesure de milieu ouvert qui est souvent ordonnée parallèlement à la mesure de placement.

La commission a néanmoins poursuivi sa réflexion sur le principe d’une systématisation, au-delà de ce qui existe en pratique déjà actuellement.
S’agissant des aménagements des courtes peines d’emprisonnement, le problème du manque de places de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, de manière générale, mais d’une façon encore plus cruciale pour les mineurs, a été souligné.
La commission s’est interrogée sur les limitations qu’il serait peut-être opportun d’introduire à ce principe d’aménagement systématique. En effet, certains membres ont fait valoir que si pour des mineurs une décision d’incarcération apparaît comme un ultime recours, l’obligation d’aménagement peut sembler paradoxale.
Par ailleurs, évoquant la récente compétence du juge des enfants en matière d’application des peines, un membre souligne l’ambiguïté de son rôle lorsqu’il aura présidé une formation ayant prononcé une peine d’emprisonnement qu’il devra systématiquement aménager ab initio ou par la suite. D’autres membres ont considéré que, de ce point de vue, la situation du juge des enfants ne diffère pas véritablement de celle du juge d’application des peines faisant partie d’une composition de tribunal correctionnel, et recevant pour mission de favoriser les aménagements de peines ab initio.
Il a par ailleurs été suggéré que les seuils plus sévères d’accessibilité aux différentes mesures d’aménagement prévus pour les condamnations en état de récidive légale (par exemple en matière de libération conditionnelle ) ne soient plus applicables aux mineurs.
Pour éviter le renouvellement systématique des demandes, le juge des mineurs ne sera tenu d’examiner une nouvelle requête qu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de sa précédente décision.

Proposition 38 : Aménagement obligatoire des peines d’emprisonnement quand le reliquat de peine est inférieur à un an.

Il ne sera possible de déroger au principe que par décision motivée. Quand le reliquat de peine sera supérieur à un an, l’aménagement n’est obligatoire qu’à compter de l’exécution des deux tiers de la peine et c’est une faculté à tout moment.
La commission préconise l’attribution de moyens financiers supplémentaires destinés à renforcer les structures de prise en charge des mineurs dont la peine a été aménagée (places de semi liberté, placement à l’extérieur…)
De manière plus précise :

1) concernant les aménagements de peines ab initio, la commission se reporte au projet de loi pénitentiaire dans ses articles 32 et 33 qui affirme clairement que l’emprisonnement ferme ne doit être prononcé qu’en cas de nécessité, lorsque toute autre sanction serait inadéquate, et qu’il doit si possible être aménagé. Par ailleurs, il étend de plusieurs façons ces possibilités d’aménagement ab initio, élargit les critères de recours à ces mesures par la référence à l’existence de tout projet sérieux d’insertion ou de réinsertion et porte de un à deux ans la durée des peines pouvant faire l’objet de ces mesures.

2) concernant l’aménagement de la fin de peine d’emprisonnement, la commission préconise le principe de l’aménagement obligatoire des peines d’emprisonnement quand le reliquat de peine est inférieur à un an. Il n’est possible de déroger à ce principe que par décision spécialement motivée. Quand la peine ou le reliquat de peine est supérieur à un an, l’aménagement n’est obligatoire qu’à compter de l’exécution des deux tiers de la peine sauf décision spécialement motivée. En revanche, c’est une faculté à tout moment.

D. La diversification des sanctions

Soucieuse de voir une mise en œuvre pratique de ses préconisations en termes de principes généraux du droit pénal des mineurs, la commission s’est attachée à réfléchir aux moyens de répondre de la manière la plus adaptée possible aux actes de délinquance. S’inspirant largement du droit comparé, elle a souhaité introduire des innovations dans la palette de réponses pénales, d’une part, pour permettre aux juridictions de ne recourir que de manière exceptionnelle à l’incarcération, en favorisant les sanctions alternatives à celle-ci, et, d’autre part, en proposant une nouvelle modalité d’incarcération.

1. Favoriser les sanctions alternatives à l’incarcération.

Tirant les conséquences des principes directeurs et fondamentaux de la justice pénale des mineurs exposés précédemment, la commission a réfléchi aux moyens de diversifier « l’offre » des sanctions à disposition des juridictions de jugement.
Ainsi, elle s’est orientée vers la création de nouvelles sanctions éducatives, comme le placement de fin de semaine, s’inspirant de l’emprisonnement de fin de semaine qui existe en Allemagne. En effet, est prévu dans ce pays le système des « admonestations - arrêt » qui sont des « incarcérations » en maison d’arrêt pour une fin de semaine, limitées à quatre semaines consécutives. Ces sanctions ne sont pas inscrites au casier judiciaire.
La commission a considéré que cet emprisonnement de fin de semaine pouvait être adapté sous la forme d’un placement séquentiel de fin de semaine qui conserverait alors un caractère de sanction éducative. Cette sanction pourrait être adaptée aux mineurs scolarisés mais livrés à eux-mêmes les fins de semaine.
La commission a aussi envisagé que soit créée une peine de placement sous surveillance électronique comme peine principale pour des mineurs, lequel n’est actuellement possible que dans le cadre de l’aménagement des peines.
Enfin, en s’inspirant du système italien, elle a évoqué la création d’une peine de confiscation d’un objet sans lien avec l’infraction commise, mais ayant un intérêt pour le mineur (console de jeux, téléphone portable, scooter…).

Proposition 39 : Diversification des réponses visant à renforcer le caractère exceptionnel de l’incarcération.

La commission a préconisé d’instaurer :
 le principe du placement séquentiel comme sanction éducative ;
 le principe d’une peine principale de placement sous surveillance électronique ;
 la création d’une peine de confiscation d’un objet sans lien avec l’infraction commise appartenant au mineur.

2. Adoption d’une nouvelle peine d’incarcération.

Par ailleurs, la commission ayant rappelé précédemment la nécessité de renforcer la cohérence de la réponse pénale, en introduisant une certaine progressivité dans le respect du libre choix du magistrat, il lui est apparu intéressant de s’attarder sur le système allemand précédemment évoqué. Elle a acté qu’outre les placements séquentiels, il pouvait également inspirer la création d’un emprisonnement de fin de semaine. Cette peine, qui serait de préférence exécutée dans un établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), pourrait être utilisée à titre de dernier recours avant une incarcération plus longue. Respectant le temps scolaire, elle permettrait peut-être de dissuader certains mineurs, dont le parcours commencerait à s’inscrire dans une spirale de délinquance, de continuer dans cette voie. Elle ne serait prévue que pour quatre fins de semaine successives au maximum.

Proposition 40 : Création d’une peine d’emprisonnement de fin de semaine.

Le mineur peut être incarcéré quatre fins de semaine successives.

II. Elaboration d’une liste simplifiée des sanctions éducatives et des peines

Afin d’élaborer une liste rénovée de sanctions éducatives et de peines applicables aux mineurs, la commission a réalisé un état des lieux précis des dispositions existantes (voir annexe) et a recueilli le sentiment de nombreux professionnels sur celui-ci. Lors de ses travaux, elle s’est également référée à l’étude réalisée par le service de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse déjà plusieurs fois évoquée.
Lors de l’élaboration de ses propositions, la commission a été guidée par le respect des principes adoptés en premier lieu et s’est attachée à « raisonner davantage en termes de parcours personnalisé du mineur » et à permettre une gradation des réponses judiciaires compréhensibles par les mineurs.

A. Etat des lieux

1. Complexité du cadre juridique actuel

L’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que les juridictions pour mineurs peuvent prononcer des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation ainsi que des sanctions éducatives et des peines, lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l’exigent.
La commission a relevé que l’empilement successif de textes modificatifs a entraîné un manque de lisibilité nuisant à la compréhension du dispositif et à la compréhension par les mineurs de la cohérence des décisions judiciaires.

Ainsi, en matière pré-sentencielle, c’est-à-dire avant jugement sur le fond, l’article 9 prévoit que le juge d’instruction procède selon les règles du Code de procédure pénale et peut prononcer des mesures d’investigation prévues par la loi ; celles-ci sont déclinées par circulaires :
 l’audition du mineur sur sa situation familiale ou personnelle (article 8 de l’ordonnance) ;
 le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) ;
 l’enquête sociale ;
 l’investigation d’orientation éducative (IOE).
L’article 10 fixe les modalités particulières de la procédure d’information devant le juge des enfants et le juge d’instruction (avis des représentants légaux, assistance d’un avocat) et les différentes mesures de placement qui peuvent être prononcées à titre provisoire :
 confier le mineur à ses parents, son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;
 le confier à un centre d’accueil, à une section publique ou privée habilitée, au service de l’assistance à l’enfance, ou à un établissement hospitalier, à un établissement ou à une institution d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, de l’Etat ou d’une administration publique, ou encore dans un centre d’observation institué ou agréé par le ministère de la justice.

Les articles 10-2 et 11 définissent les modalités du placement sous contrôle judiciaire, et du placement en détention provisoire.

En matière de jugement, l’article 8 fixe la liste des mesures qui peuvent être prononcées par jugement en chambre du conseil :
 une dispense de peine ;
 une admonestation ;
 une remise à parents, au tuteur, à la personne qui en a la garde ou à une personne digne de confiance ;
 une mise sous protection judiciaire ;
 un placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle habilité ;
 un placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;
 une remise au service de l’assistance à l’enfance ;
 un placement dans un internat approprié à des délinquants d’âge scolaire ;
 un placement dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective ;
 une mesure d’activité de jour définie à l’article 16 ter.

L’article 15 fixe les mesures éducatives qui peuvent être prononcées par le tribunal pour enfants pour les mineurs de moins de 13 ans :
 une remise à parents, au tuteur, à la personne qui en a la garde ou à une personne digne de confiance ;
 un placement dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle habilité ;
 un placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;
 une remise au service de l’assistance à l’enfance ;
 un placement dans un internat approprié à des délinquants d’âge scolaire, dans une institution publique d’éducation surveillée ou d’éducation corrective ;
 une mesure d’activité de jour.

L’article 16 précise les mesures qui peuvent être prononcées par le tribunal pour enfants pour les mineurs de plus de 13 ans :
 une remise à parents, au tuteur, à la personne qui en a la garde ou à une personne digne de confiance ;
 un placement dans un établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnelle ;
 un placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique ;
 un placement dans une institution publique ou privée d’éducation surveillée ou d’éducation corrective ;
 un avertissement solennel ;
 une mesure d’activité de jour.

L’article 12-1 détermine le régime applicable à la mesure de réparation.

L’article 26 fixe les modalités d’exercice de la liberté surveillée : avis donné au mineur, aux représentants légaux et personnes ayant la garde, rapports du délégué à la liberté surveillée, condamnation encourue par les parents en cas d’incident à la liberté surveillée révélant un défaut de surveillance caractérisé.

L’article 15-1 donne la liste des sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l’encontre d’un mineur de 10 ans au moins :
 la confiscation d’un objet ;
 l’interdiction de paraître en certains lieux ;
 l’interdiction de rencontrer les victimes ;
 l’interdiction de rencontrer les co-auteurs ;
 une mesure d’aide ou de réparation ;
 l’obligation de suivre un stage de formation civique ;
 une mesure de placement de trois mois maximum, dans un établissement permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social, portant sur les faits commis ;
 l’exécution de travaux scolaires ;
 un avertissement solennel ;
 un placement dans un internat scolaire.

L’article 16 bis indique que le tribunal et la cour d’assises pourront prononcer la mise sous protection judiciaire pour une durée de cinq ans au plus.
L’article 16 ter définit la mesure d’activité de jour.

L’article 19 rappelle que les mesures prévues aux articles 15 et 16 et les peines pourront toujours être accompagnées d’une mesure de liberté surveillée jusqu’à la majorité.

L’article 20-3 dispose que le principe de l’article 20-2 est applicable aux amendes, c’est-à-dire qu’un mineur de plus de 13 ans ne peut être condamné à une amende dont le montant serait supérieur à la moitié de l’amende encourue ou excédant 7500 euros.

L’article 20-4-1 indique que le stage de citoyenneté prévu par l’article 131-5-1 du code pénal est applicable aux mineurs ; l’article 20-5, que le travail d’intérêt général prévu par les articles 131-8 et 131-22 à 24 est applicable aux mineurs et que le sursis assorti de l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général prévu par les articles 132-54 à 57 l’est également.

L’article 20-10 permet le cumul du sursis avec mise à l’épreuve ou du sursis assorti d’une obligation d’accomplir un travail d’intérêt général avec une mesure éducative de liberté surveillée, de remise à parents ou de placement y compris dans un centre éducatif fermé.

L’article 20-4 précise les peines et peines complémentaires inapplicables aux mineurs.
L’article 20-7 prévoit les dispositions relatives à la dispense de peine et à l’ajournement. L’article 33 prévoit les dispositions particulières relatives aux centres éducatifs fermés.

Cet état des lieux démontre la complexité en termes de lisibilité de l’éventail des réponses judiciaires pénales applicables aux mineurs.
Il apparaît notamment qu’un certain nombre de réponses pénales peuvent être sous les mêmes dénominations décidées à tous les stades de la procédure par différents intervenants.
Ainsi, on constate que la mesure de réparation peut être ordonnée dans le cadre des textes spéciaux applicables aux mineurs mais la notion de réparation figure également dans plusieurs textes généraux du code pénal applicables, le cas échéant, aux mineurs.

L’article 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que la mesure de réparation peut être ordonnée tant par le procureur de la République comme mesure alternative que par le magistrat instructeur (juge des enfants ou juge d’instruction) à titre provisoire ou par la juridiction de jugement à titre de mesure définitive. La mesure de réparation peut également être prononcée dans le cadre d’un ajournement.
Aux termes de l’article 15-1 de l’ordonnance la mesure de réparation est également une sanction éducative.
L’article 7-2 de la loi du 5 mars 2007 renvoie aux dispositions générales de l’article 41-2 du code procédure pénale qui visent la possibilité d’ordonner une activité de réparation lorsque la victime est identifiée et sauf si l’auteur justifie de l’indemnisation.
Aux termes de l’article 41-1, le procureur de la République peut demander à l’auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci.
La transaction proposée par le maire au procureur de la République pour les infractions que les agents de la police municipale sont habilités à constater par procès-verbal et qui sont commises au préjudice de la commune au titre de l’un de ses biens, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement : l’objet de la transaction peut être la réparation du dommage dont la commune est victime (article 44-1 du CPP)
La sanction réparation différente de la mesure de réparation puisque c’est une peine alternative à l’emprisonnement qui consiste dans l’obligation pour le condamné de procéder dans le délai et selon les modalités fixées par la juridiction à l’indemnisation du préjudice de la victime. Avec l’accord de la victime et du prévenu, elle peut cependant être exécutée en nature et se rapproche en termes de contenu de la mesure de réparation directe.
Par ailleurs, on constate en pratique que certaines mesures de réparation consistent en l’exécution d’un stage de formation civique (sanction éducative) qui ne diffère pas nécessairement du stage de citoyenneté prévu à titre de peine et d’alternative aux poursuites…

De même, le stage de citoyenneté, créé par la loi d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 (LAJEC), le stage de citoyenneté peut être prononcé comme mesure alternative aux poursuites (art 41-1-2 du CPP) et dans le cadre de la composition pénale (article 41-2 13° du code de procédure pénale) ou comme peine alternative à l’emprisonnement (article 131-5-1 du code pénal et article 20-4 de l’ordonnance du 2 février 1945). Il figure également au nombre des obligations du sursis avec mise à l’épreuve (article 132-45 18° du code pénal).

La mesure d’activité de jour, récemment instaurée, peut être prononcée à plusieurs stades de la procédure. Elle peut tout d’abord l’être dans le cadre de la procédure de composition pénale (réponse spécifique aux mineurs prévue par l’article 7-2 de l’ordonnance de 1945). Elle peut ensuite l’être au titre des mesures éducatives provisoires prononcées par le juge des enfants pendant l’instruction du dossier (article 8 alinéa 5 de l’ordonnance de 1945). Elle peut enfin l’être au titre des mesures éducatives prononcées par le juge des enfants en chambre du conseil (article 8-7°) et par le tribunal pour enfants (articles 15 et 16 de l’ordonnance de 1945).
Ces quelques exemples démontrent sans ambiguïté l’impossibilité de comprendre un tel enchevêtrement des sanctions.

2. Regard des professionnels sur le système actuel

Plusieurs membres de la commission ont souligné, à plusieurs reprises au cours des travaux, que si la palette des réponses était suffisamment diversifiée, un manque de cohérence entre l’objectif d’une mesure et sa réalisation pouvait être observé ou qu’une meilleure articulation entre les mesures devait être recherchée.
Au cours de son audition, le syndicat de la magistrature a dénoncé l’accélération et l’intensification de la réponse pénale, focalisée sur l’acte au détriment de l’analyse globale de la situation et du parcours du mineur […]. Le syndicat force ouvrière magistrats a suggéré d’insérer les sanctions éducatives dans un projet éducatif global pour le mineur.
De même, l’UNASEA a insisté sur la nécessité de personnaliser la réponse en adoptant un projet individualisé avec une évaluation régulière tout au long du parcours judiciaire du mineur afin de lui garantir les meilleures chances de succès de réinsertion. Cette union d’associations a noté, à cet égard, que cette proposition rejoignait les préoccupations que le législateur avait eu lors de l’adoption de la loi du 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale .
Le syndicat UNSA-PJJ a indiqué qu’il souhaitait une réflexion sur le contrôle judiciaire qui est une mesure révocable à caractère éducatif .
L’union nationale des associations familiales a souligné la nécessité d’avoir une bonne connaissance de la personnalité du mineur ainsi que de son environnement familial et a regretté le faible recours, constaté par les professionnels, à certaines mesures d’investigations en matière pénale .

3. Perception par les mineurs.

L’étude précitée menée en 2007 et début 2008, par le service de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse (voir supra), a permis d’avoir un éclairage sur cette perception. Réalisée à partir de fiches de parcours judiciaire et d’entretiens de 331 mineurs sur les régions d’Alsace, d’Ile de France, du Centre, du Nord-Pas de Calais, de Normandie, de Rhône-Alpes, de Bretagne, de Picardie et de Provence Alpes Côte-d’Azur, elle démontre que l’appréciation de la sévérité des mesures, des sanctions et des peines s’extrait largement du cadre juridique dans lequel celles-ci sont prononcées et s’attache plus fondamentalement au contenu de la réponse.
Ainsi, « ce qui fait réellement peine » pour eux résulte de :
 la séparation qu’ils ont à subir d’avec leur famille, puis d’avec leurs amis ou les fréquentations de quartier,
 la culpabilité liée à la souffrance causée de leur fait à leurs proches,
 l’accomplissement obligatoire d’efforts quotidiens dans un temps donné .
Ils repèrent aisément les exigences spécifiques pesant sur eux dans le cadre de mesures de milieu ouvert, comme la réparation et le travail d’intérêt général ou dans le cadre d’un placement. Paradoxalement, d’autres réponses comme le contrôle judiciaire sont ressenties comme « moins dures », alors que le cadre est plus contraignant d’un point de vue juridique.
Cette relation entre ce qui est demandé au mineur en termes d’activités ou d’obligations de faire et la sévérité de la sanction se retrouve dans le lieu d’incarcération. En définitive, ce qui est plus « durement » vécu par eux est l’incarcération en établissement pour mineurs plutôt qu’en quartiers mineurs d’une maison d’arrêt en raison des contraintes auxquelles ils sont soumis dans ce type d’établissement. Le rapport indique même que pour certains d’entre eux, l’enferment est vécu moins « durement » que le placement en centre éducatif fermé ou en centre éducatif renforcé parce qu’ils sont soumis à des règles moins strictes que dans ces établissements de placement.
Ainsi, du point de vue des mineurs condamnés, la sanction est perçue davantage en liaison avec le contenu de la réponse qu’avec le cadre juridique de la sanction lui-même : un placement prononcé au titre d’une mesure éducative peut être davantage ressenti comme une « peine » qu’un travail d’intérêt général ou qu’un sursis simple.
Relevons enfin que l’intervention de l’éducateur, repérée comme contraignante, met celui-ci à une place centrale : il est cité comme étant la personne la plus importante, après les parents, pour les mineurs dans le cours d’une procédure pénale .
La lettre de mission fixe à la commission un objectif de responsabilisation croissante des mineurs, notamment par le biais d’une « sanction adéquate, graduée et compréhensible par tous », entendue par les mineurs eux-mêmes.
Si l’arsenal des réponses ne peut être construit uniquement en se fondant sur la perception qu’en ont les mineurs car il doit également être facilement utilisable par les professionnels, il n’en demeure pas moins qu’une réponse pénale comprise a davantage de chances d’être efficace. En ce sens, il est apparu important à la commission de s’attacher, lors de ses débats sur la classification des réponses pénales prononcées par la juridiction de jugement, à bien distinguer ce qui relèverait des sanctions et peines qui s’effectueraient en milieu ouvert de celles qui entraîneraient un éloignement du mineur de son milieu dit « naturel », aux côtés des réponses d’investigations, dont l’objectif est spécifique et des réponses en terme d’incarcération.

De même, elle s’est attachée à faire des propositions visant à adapter davantage les réponses à l’évolution de la personnalité et des comportements des mineurs, ainsi que lorsque cela est inévitable, aux exigences de sécurité publique.

Proposition 41 : Elaboration d’une liste exhaustive et simplifiée des sanctions éducatives et des peines.

Le nouveau code intègre une liste exhaustive des peines et sanctions applicables aux mineurs, il fait apparaître une classification en groupes d’alternatives aux poursuites, sanctions et peines. Il définit clairement les mesures provisoires et probatoires.

B. Principe de distinction entre alternatives aux poursuites et sanctions éducatives.

Les réformes successives de l’ordonnance du 2 février 1945 l’ont rendue particulièrement peu lisible tant pour les professionnels que pour les mineurs.
Ainsi, il apparaît que plusieurs réponses pénales peuvent être, sous les mêmes dénominations, décidées à tous les stades de la procédure par différents intervenants et notamment par le procureur de la République comme alternatives aux poursuites et par le juge des mineurs comme réponse finale au stade du jugement.
C’est notamment le cas de la mesure de réparation et des stages citoyenneté-formation civique.
La nécessité de distinguer entre les mesures prises par le siège et celles relevant du parquet a été rappelée par plusieurs membres de la commission, la question de l’identification des acteurs et de leur compétence étant essentielle pour le mineur.
Celle-ci doit en effet lui permettre de mieux percevoir la progressivité des réponses dans un système où leur articulation est repensée notamment par l’introduction d’un avertissement final mettant un terme aux alternatives aux poursuites (voir infra).
Evoquant des difficultés d’articulation entre les magistrats du siège et du parquet, l’UNIOPSS a d’ailleurs proposé une clarification radicale du dispositif prévoyant que chaque mesure ne puisse être ordonnée que dans un cadre unique .
Plusieurs membres ont souligné qu’au-delà d’un problème de terminologie se posait une question de fond et de contenu lors du passage de l’intervention du parquet à celle du siège.
Le critère d’une contrainte exercée par un juge garant des libertés individuelles a notamment été évoqué. L’intensité du suivi éducatif a également été retenue comme un critère opérationnel de distinction.
Ainsi, il a été souligné que la prise en charge éducative ne pouvait et ne devait pas être la même dans le cadre d’une alternative et dans celui de la décision d’un juge. En effet, contrairement au juge du siège, le magistrat du parquet qui choisit de mettre en œuvre une alternative ne dispose que de renseignements de personnalité sommaires. Il est donc logique que la mesure effectivement mise en œuvre ait un contenu éducatif plus léger sauf à prendre le risque qu’il soit manifestement inadapté à la situation du mineur.
En outre, la recherche d’une allocation optimale des moyens humains et financiers invite à réserver les accompagnements les plus denses aux situations les plus complexes. Il serait ainsi inefficace voire contre-productif de déclencher un suivi lourd dès la commission d’une première infraction qui ne révèle pas nécessairement de problématique particulière.
Cependant, la commission a souhaité que cette clarification ne s’accompagne pas de la disparition à certains stades de la procédure des apports de quelques mesures particulièrement riches.
En effet, les personnes auditionnées s’accordent pour affirmer que la mesure de réparation par exemple peut s’avérer intéressante dans différents cadres et notamment dans celui des alternatives aux poursuites. En effet cette mesure qui concerne chaque année vingt mille mineurs, la moitié des mesures étant décidées par le parquet et l’autre par le siège, apparaît particulièrement adaptée en termes de prévention de la récidive. Une étude de la protection judiciaire de la jeunesse montre que le taux de réitération est inférieur après le prononcé d’une réparation à celui qui prévaut après le prononcé d’une liberté surveillée .
La commission a donc proposé la fixation d’une liste exhaustive d’alternatives (voir infra) dont les appellations et les contenus éducatifs seraient différents de ceux des sanctions prononcées par le juge mais qui continueraient d’intégrer les apports principaux de celles-ci.
C’est dans cette perspective que la commission a repensé les contours de la médiation-réparation (voir infra). Cette nouvelle alternative aurait ainsi vocation à préserver à ce stade de la procédure les apports de la justice restaurative tout en n’impliquant pas le déploiement d’un accompagnement éducatif complet.
L’intervention du service mandaté, même limitée, devrait cependant être suffisante pour orienter le cas échéant les mineurs dont la situation personnelle est préoccupante vers une mesure de protection.

42° : Différenciation des appellations et des contenus des réponses pénales selon le prescripteur

La dénomination et le contenu des réponses pénales sont différenciés selon qu’elles émanent du parquet ou des juridictions de jugement. Ainsi, la mesure de réparation est maintenue dans le cadre des alternatives mais sous la forme d’une médiation-réparation qui est directement axée sur la victime.

C. Distinction des mesures prises dans un cadre pré-sentenciel et post-sentenciel

Pour des commodités de présentation, la commission a choisi de présenter ses propositions en distinguant celles possibles en amont du jugement (pré-sentencielles), qu’elles soient provisoires (après mise en examen) ou probatoires (après déclaration de culpabilité) , et celles prononcées par jugement (post sentencielles).

1. Les mesures pré-sentencielles.

Les préconisations adoptées par la commission déclinent les principes directeurs qu’elle a proposés, notamment en matière procédurale, et en particulier celle qui est faite sur la césure de la procédure (voir infra). Parmi eux figure l’indispensable connaissance de la personnalité d’un mineur. A cette fin, la commission propose le maintien de mesures d’investigation tout en précisant leur finalité. Puis elle dresse une liste de réponses à disposition du juge dans ce cadre.

a. Les mesures d’investigation.

La commission s’est attachée à définir la finalité de chacune d’elles, dans le cadre défini par les innovations procédurales qu’elle propose.
Ainsi, elle a identifié les mesures suivantes :

□ Une investigation rapide, de type recueil de renseignements socio-judiciaires actuellement réalisée par les unités éducatives auprès du tribunal, qui aurait pour objet d’actualiser le dossier de personnalité déjà existant ou des compléments spécifiques lorsqu’un acte pose une question particulière, par exemple sur la scolarisation actuelle du mineur ; elle pourrait être réalisé par un éducateur dans des délais très brefs ;

□ Une mesure d’investigation plus poussée pluridisciplinaire, du type de l’investigation d’orientation éducative actuelle, dont l’objet serait de proposer au magistrat une analyse complète de la situation personnelle du mineur dans son cadre de vie (relations avec ses parents, son entourage, etc.).
D’abord mise en place dans les services du secteur associatif habilité par la circulaire du 15 février 1991, la généralisation de cette mesure a été formalisée aux services du secteur public par la circulaire du 18 décembre 1996. Elle vise à apporter des renseignements sur la personnalité et la situation d’un mineur, d’évaluer les difficultés rencontrées par le mineur et sa famille ainsi que leurs potentialités d’évolution et de déterminer s’il y a lieu de prononcer une mesure éducative. A disposition du magistrat aussi bien en matière civile que pénale, elle vise, plus spécifiquement en matière pénale, à « parvenir à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriées à sa rééducation », conformément aux prescriptions de l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945.
Dans le cadre de la procédure pénale rénovée proposée par la commission, ces investigations seraient réalisées dans un délai de 3 mois, prorogeable une fois, sans dépasser une durée totale de 6 mois.

□ Les expertises médico-psychologiques et psychiatriques.
Elles seraient également réalisées dans un délai de 3 mois, prorogeable une fois, sans dépasser une durée totale de 6 mois, afin de respecter les préconisations faites en matière procédurale.

b. Les décisions qui peuvent être prononcées en matière pré-sententielle.

Concomitamment ou à la suite de ces mesures d’investigations proprement dites, un suivi éducatif pourrait être prononcé par le magistrat instructeur (juge des enfants ou juge d’instruction). Actuellement, ce dernier peut prononcer une mesure de liberté surveillée pré-sententielle, une mesure de réparation ou d’activité de jour avant jugement.

Consciente des phénomènes d’empilement des mesures qui nuisent à la lisibilité d’un parcours de mineur ainsi qu’au sens de la réponse pénale, la commission a réfléchi à une proposition qui serait de nature à remédier à cette difficulté majeure.

Les mesures actuelles seraient regroupées en un suivi éducatif de milieu ouvert. Selon qu’il serait prononcé à titre provisoire, après une mise en examen, ou à titre probatoire, après une déclaration de culpabilité, il s’intitulerait « suivi éducatif provisoire ou probatoire » (SEPMO). Pour autant, la particularité de chacune des mesures actuellement applicables serait préservée par les obligations particulières qui seraient rattachées à ce suivi. Cette condition est apparue indispensable aux yeux des membres de la commission, en particulier pour la mesure de réparation qui apparaît comme une mesure efficace, de l’avis de toutes les personnes auditionnées.

En effet, le magistrat qui le prononcerait aurait la faculté d’y associer une ou plusieurs obligations spécifiques parmi les suivantes :
 une obligation de faire ou de réparer (qui correspondrait à l’actuelle mesure de réparation), l’objectif étant de « ne pas rester dans la parole ou les intentions qui n’engagent pas vraiment le mineur, mais lui demander de poser des actes concrets, traduisant une volonté d’amendement personnel et /ou de réparation suite à un acte transgressif de la loi » comme l’a explicité un membre de la commission :
 d’effectuer une activité de jour correspondant à l’actuelle mesure prévue par l’article 16-ter de l’ordonnance ;
 d’accomplir un stage de formation civique ou de citoyenneté ;
 de suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle ;
 de se soumettre à des mesures d’examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication.

Par conséquent, un mineur qui ferait l’objet d’un suivi éducatif probatoire, par exemple, pourrait se voir soumis seulement à une obligation particulière de réparer son acte. Cela correspondrait en tous points à l’actuelle réparation, et dans ce cas, l’intensité de l’accompagnement éducatif ne serait pas nécessairement importante. Pour autant, la commission a souhaité marquer une distinction avec la mesure de médiation-réparation ordonnée par le parquet pour laquelle l’accompagnement éducatif n’est pas obligatoire.

Le suivi serait confié aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, même si pour certaines obligations, la mise en œuvre de l’activité elle-même pourrait être réalisée par des services, établissements ou personnes extérieurs .

Pour autant, et c’est en cela que réside l’innovation proposée par la commission, le magistrat saisi postérieurement d’autres dossiers que celui dans lequel il aurait déjà prononcé un tel suivi, devrait s’y reporter et aurait la possibilité d’en adapter le contenu en fonction de la nature des nouveaux faits et de l’évolution du mineur.

L’instauration de ce suivi éducatif unique mais à géométrie variable permettrait d’éviter un empilement de mesures successives dont la portée et le sens se diluent pour les mineurs réitérants. Il permettrait de concilier les préoccupations légitimes de réponse systématique à chaque acte transgressif à celle d’une adaptation de ces réponses à l’évolution du comportement du mineur.

Ce suivi éducatif comprendrait, éventuellement, en surplus, des mesures de sûreté ou de surveillance en milieu ouvert.

Celles-ci auraient pour objet principal de s’assurer du maintien à disposition de la justice du mineur et de permettre à l’instruction de se dérouler dans de bonnes conditions.

Elles pourraient notamment consister en des interdictions de rencontrer certaines personnes ou de se rendre dans certains lieux.

Ces interdictions n’auraient pas de contenu éducatif. Leur suivi serait confié, par conséquent, aux services de police ou de gendarmerie qui alerteraient le juge en cas d’irrespect.
Etant prononcées en complément d’un suivi éducatif provisoire en milieu ouvert, leur irrespect ne pourrait pas être sanctionné, comme lors d’un contrôle judiciaire, par une incarcération. Toutefois, il sera bien sûr pris en compte par la juridiction de jugement lors du prononcé de la sanction.

Proposition 44 : Instauration d’une catégorie unique de suivi éducatif en milieu ouvert.

L’ensemble des mesures actuelles de milieu ouvert (mesure de liberté surveillée, de protection judiciaire, d’activité de jour, de réparation…) sera fondu dans un suivi en milieu ouvert unique. Ce suivi pourra intégrer des obligations de faire (réparation ou activités de jour) ainsi que des mesures d’assistance et de surveillance qui seront décidées par le magistrat.

Le contrôle judiciaire serait maintenu en recentrant les obligations sur celles qui sont spécifiques au public des mineurs. En effet, toujours dans un souci de rendre le dispositif de réponse pénale aux actes de délinquance commis par des mineurs plus lisible et compréhensible, la commission a fait le choix de ne retenir que les obligations qui lui semblaient les plus appropriées compte tenu de l’état de minorité de l’auteur. Elle a donc pris le parti de ne retenir que certaines obligations en écartant celles qui ne seraient applicables qu’à des situations très particulières et trop peu nombreuses pour être significatives. Ainsi en est-il du cautionnement pour un mineur qui percevrait un salaire.
La commission a donc retenu les obligations suivantes :
1° Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ;
2° Ne s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;
3° Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ;
4° Informer le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;
5° Se présenter périodiquement aux services, associations habilitées ou autorités désignés par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention qui sont tenus d’observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;
7° Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l’identité, et notamment le passeport, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
8° S’abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis de conduire pour l’exercice de son activité professionnelle ;
9° S’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge des enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit.
Comme pour les mesures de sûreté ou de surveillance, le magistrat mandaterait les services compétents pour le contrôle du respect de ces obligations. Il désignerait les services de la protection judiciaire de la jeunesse uniquement pour celles qui auraient un contenu éducatif.
S’agissant du contrôle judiciaire spécifiquement pour les mineurs de 12-14 ans, la commission s’est interrogée sur la possibilité de placement en centre éducatif fermé en cas de violation des obligations du contrôle judiciaire, puisqu’ils ne peuvent faire l’objet d’une détention provisoire en matière délictuelle. Elle a rappelé que le droit actuellement applicable aux mineurs prévoit des cas de contrôle judiciaire dont le non respect n’est pas sanctionné par la détention provisoire, notamment quand il est prévu pour des délits non punis d’emprisonnement.

Afin néanmoins de bien dissocier les centres éducatifs fermés dont la finalité ne se réduit pas à sanctionner des mineurs qui n’auraient pas respecté des obligations, la commission s’est accordée sur la possibilité de différencier les centres éducatifs fermés selon l’utilisation que l’on souhaite en faire. Pour ce public spécifique, elle préconise la création de centres qui n’auraient pas la même dénomination mais qui en auraient l’organisation et les moyens.

Par ailleurs, un placement provisoire ou probatoire en établissement éducatif pourrait être ordonné lorsque celui-ci apparaîtrait indiqué compte tenu des circonstances et de la personnalité du mineur.

Il serait sanctionné de manière variable selon que le magistrat souhaite l’ordonner uniquement à titre de suivi éducatif et de probation ou au titre d’une obligation d’un contrôle judiciaire.
Dans tous les cas, le juge serait informé de son irrespect par le service gardien. Dans l’hypothèse d’un contrôle judiciaire, les services de police ou de gendarmerie auraient également cette obligation.

Enfin, la détention provisoire, exclusivement réservée à la phase pré-sentencielle comme le contrôle judicaire, pourrait être prononcée ab initio ou décidée par le juge en cas d’irrespect d’une mesure de sûreté prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Son caractère exceptionnel serait réaffirmé puisqu’elle ne serait possible qu’à partir de 14 ans en matière délictuelle, et de 12 ans pour les crimes.

Après une mise en examen ou à l’issue de la phase probatoire, le mineur est renvoyé devant une juridiction de jugement qui statue sur une éventuelle sanction pénale.

2. Les sanctions post-sentencielles

Conformément à ce qu’elle a arrêté au titre des principes applicables au droit pénal des mineurs, la commission distingue les sanctions éducatives et les peines.

a. Les sanctions éducatives.

1/ la possibilité d’une dispense de sanction ou de peine.

Le mineur a fait l’objet d’une mesure provisoire ou probatoire qu’il a parfaitement respectée. La juridiction constate qu’il s’est réinséré, qu’il a réparé le dommage et que la réitération constitue un risque très faible. Le trouble à l’ordre public a cessé. La formation de jugement qui a déjà prononcé la culpabilité du mineur peut s’en tenir à une dispense de sanction ou de peine.

En tout état de cause, la commission propose que la dispense de sanction puisse être prononcée par toutes les juridictions de jugement.

2/ La nouvelle appellation de certaines sanctions.

 l’avertissement judiciaire
Dans une perspective de simplification des textes applicables aux mineurs, la commission s’est interrogée sur la nécessité de maintenir la distinction entre la mesure éducative consistant en une admonestation et l’avertissement solennel introduit au titre des sanctions éducatives pour les mineurs de plus de 10 ans (et des mesures éducatives pour les mineurs de plus de 13 ans). Hormis les différents régimes juridiques applicables, la commission n’a pas noté de différence majeure en termes de contenu de la réponse.

Ainsi elle propose de fusionner ces deux mesures.
Enfin, elle a considéré, dans le cadre de sa réflexion générale sur les modifications terminologiques, que le terme d’avertissement judiciaire correspondait davantage au contenu de la réponse. Il s’agit d’un avertissement prononcé par une juridiction, contrairement à l’avertissement final délivré par le procureur de la République.

Le juge pourrait donc sanctionner un mineur par un avertissement judiciaire, destiné à lui rappeler le cadre de la loi et à l’avertir de ce qu’il pourrait encourir. Cet avertissement aurait notamment du sens dans les cas où le parquet n’aurait pas été amené à prononcer un avertissement final, ayant directement orienté la procédure vers le juge en raison des circonstances de l’acte commis ou de la personnalité du mineur.

La commission retient la fusion de l’admonestation et de l’avertissement solennel en une sanction unique dont le sens est comparable, dénommée avertissement judiciaire.

 la remise judiciaire à gardien et aux personnes qui en ont la garde
La commission s’est interrogée sur l’utilité du maintien de la remise à parents.
Pour certains membres de la commission, cette notion apparaît désuète et semble plutôt sanctionner les parents, alors que la condamnation à des dommages et intérêts au profit de la partie civile agit bien plus en termes de responsabilisation des parents. En outre, aujourd’hui, la saisine du juge des enfants intervient fréquemment après plusieurs mesures alternatives ou en cas d’infraction grave. Dans ces cas-là, la remise à parents paraît inutile.

Selon d’autres membres de la commission, la remise à parents garde son utilité pour sensibiliser le mineur et ses parents sur leur responsabilité.

Dans l’hypothèse où les titulaires de l’autorité parentale et/ou la personne qui a la garde du mineur sont présents à l’audience, que la mesure d’investigation sur la personnalité du mineur a fait état des qualités d’éducation de ces derniers, le juge pourrait recourir à cette sanction qui permet de restaurer les titulaires de l’autorité parentale dans leur exercice et du gardien dans sa fonction auprès du mineur. En explicitant clairement l’objectif de cette sanction, elle serait prononcée dans des hypothèses particulières. Elle constituerait un moyen supplémentaire de responsabiliser les adultes ayant la responsabilité de l’éducation du mineur (voir supra).

Le principe de la remise à parent et/ou à la personne ayant la garde du mineur est conservé. Mais la commission modifie son intitulé, elle devient une remise judiciaire à parents ou à gardien. Elle propose qu’elle ne puisse être prononcée qu’à la condition de leur présence à l’audience (voir supra).

3/ La redéfinition de certaines sanctions éducatives.

 le suivi éducatif en milieu ouvert
Conçu de la même manière que le suivi éducatif provisoire ou probatoire (voir infra), le suivi éducatif est une sanction éducative à géométrie variable dont le caractère générique permet de concilier les impératifs liés à la procédure pénale et la volonté de la commission de s’attacher davantage à la notion de parcours d’un mineur.

Il s’agit d’éviter l’empilement de sanctions éducatives de même nature dans différentes procédures, rendant le suivi du mineur difficilement lisible.
Cette nouvelle sanction éducative, une fois prononcée dans une première procédure, pourrait évoluer au fil d’éventuelles autres condamnations à ce même type de réponses pénales, la juridiction explicitant la modification qu’elle entend apporter au suivi originaire.

Dans le cas où un suivi éducatif aura été prononcé dans un cadre avant jugement ou probatoire, la commission considère que la juridiction de jugement peut décider de poursuivre ce suivi éducatif dans un cadre post-sentenciel. L’intensité du suivi éducatif dépendra du nombre d’obligations qui seront mises à la charge du mineur ou des indications apportées par le magistrat dans sa décision.
La commission, qui avait envisagé de proposer une sanction éducative consistant en un suivi éducatif de milieu ouvert renforcé a finalement opté pour une solution où la question de l’intensité du suivi du mineur relève plus des situations individuelles que d’un cadre prédéfini.

Proposition 44 (suite) : Comme dans le cadre du suivi éducatif provisoire ou probatoire, le suivi éducatif prononcé au titre d’une sanction éducative pourrait être assorti d’une ou plusieurs obligations à contenu éducatif qui seraient définies dans le code et auxquelles la formation de jugement pourrait recourir dans sa décision.

 le placement en établissement éducatif
La commission s’est attachée à définir les différents objectifs de cette décision pénale de la manière suivante. Sur proposition de l’un de ses membres, elle a retenu qu’une diversité de situations pouvait donner lieu au prononcé de cette sanction éducative.

Tout d’abord, un placement peut avoir pour objectif d’éloigner le mineur d’un environnement relationnel dangereux (quartier, fréquentation), de nature à favoriser le passage à l’acte. Par ailleurs, il pourrait être prononcé par une formation de jugement qui aurait constaté l’impossibilité de rétablir un fonctionnement satisfaisant en milieu familial. Il serait alors le moyen d’offrir au mineur un cadre éducatif lui permettant de mettre fin à des conduites délinquantes et de préparer son avenir personnel et professionnel dans des conditions satisfaisantes. Ensuite, il pourrait être indiqué pour, mettre en place des moyens appropriés de règlement de difficultés (problèmes psychiatriques, psychologiques graves, besoins de formation professionnelle). Enfin, il permettrait, dans certains cas, d’éloigner avec efficacité l’auteur de faits graves des victimes de son acte.

La commission a maintenu la possibilité pour le juge des mineurs de prononcer en chambre du conseil un placement en établissement éducatif. Elle s’est interrogée sur la possibilité du placement en centre éducatif fermé. Constatant que le placement dans ce type d’établissement est actuellement lié à la possibilité d’incarcérer le mineur en cas de non-respect de celui-ci, il lui est apparu impossible qu’une juridiction incompétente pour prononcer une incarcération puisse prendre une telle décision.

Elle préconise, néanmoins, que l’organisation des établissements éducatifs au sein de la protection judiciaire de la jeunesse permette de disposer de structures qui, sans être des centres éducatifs fermés, s’avèrent « contenantes » et que le juge des mineurs puisse prononcer un placement en internat éducatif, ainsi qu’en établissement médico-éducatif.

4/ La durée des sanctions éducatives.

S’agissant de la durée maximale des sanctions éducatives, la commission a longuement débattue. En effet, soucieuse d’instaurer un certain rythme tout au long de la procédure pénale conduite à l’égard d’un mineur afin de rendre la justice dans des délais raisonnables et surtout, de s’assurer de l’effectivité du suivi des sanctions prononcées, elle s’est d’abord orientée vers une durée de principe de six mois, renouvelable une fois. Cela avait pour intérêt également la cohérence avec l’ensemble de la procédure rénovée qui est scandée sur ce rythme de six mois.

Pour autant, la durée maximale de six mois a semblé courte à un grand nombre de membres de la commission, et ce quand bien même le suivi interviendrait à la suite d’une décision précédente de suivi ou de placement provisoire ou probatoire et aurait in fine une durée effective d’une année.

Soucieuse néanmoins d’assortir les sanctions éducatives d’une durée déterminée, conformément aux principes adoptés (voir supra), elle a décidé que la durée maximale des sanctions éducatives pourrait être fixée à un an.

Proposition 37 : Fixation de la durée maximale de chaque sanction éducative à un an.

La sanction prononcée dans un cadre pénal doit avoir un terme. La durée de chaque sanction éducative prononcée à l’égard d’un mineur dans une même procédure ne peut pas excéder un an.

5/ La suppression de certaines mesures : la question de la mise sous protection judiciaire

Par ailleurs, la commission s’est interrogée sur le maintien des dispositions de l’article 16 bis relatives à la mise sous protection judiciaire. Comme le rappellent dans leur ouvrage Monsieur Bonfils et Madame Gouttenoire, cette mesure a été créée par une loi du 11 juillet 1975 peu après l’abaissement de la majorité de 21 à 18 ans. Réservée à l’origine aux mineurs de plus de 16 ans, elle a été étendue à l’ensemble des mineurs par la loi du 1er juillet 1996 . D’une durée maximale de 5 ans, elle peut être prononcée par la juridiction de jugement jusqu’à 23 ans. Mesure évolutive, elle permet de s’adapter à la situation familiale du mineur sans pour autant créer de ruptures dans son suivi. Des mesures de milieu ouvert ou de placement peuvent être prononcées et révisées dans ce cadre.

Il est apparu à la commission que la création d’un suivi éducatif unique et le maintien des mesures de placement, avec l’instauration de la possibilité de recourir à la notion de mandat de placement permettaient de répondre à la préoccupation de diminuer le nombre de ruptures dans le parcours judiciaire et éducatif d’un mineur.

Par ailleurs, elle a relevé que cette mesure s’adaptait mal à sa volonté d’instaurer des délais aux sanctions éducatives à l’instar de ce qui a été introduit en assistance éducative par une loi du 6 janvier 1986 . Par conséquent, elle a préconisé son abrogation. Elle a cependant souhaité compenser certains effets de cette suppression en ouvrant une possibilité de prorogation des mesures de placement et de milieu ouvert pendant un an au-delà de la majorité.

Proposition 45 : Possibilité de prolonger les mesures de placement et de milieu ouvert pendant un an au-delà de la majorité.

Afin de compenser les effets de la disparition de la mise sous protection judiciaire, les mesures éducative en milieu ouvert ou fermé pourront se poursuivre pendant une année après la majorité.

b. Les peines

Poursuivant l’objectif de ne retenir que les réponses pénales particulièrement adaptées aux mineurs, la commission adopte le principe de maintenir les interdictions de prononcer certaines peines contre des mineurs, tel que cela est aujourd’hui prévu dans l’ordonnance du 2 février 1945. Elle préconise par conséquent le maintien des dispositions des articles 20-4, 20-6 et 20-7 de l’ordonnance du 2 février 1945 (interdiction du territoire, peines de jour-amende, interdiction des droits civiques, civils et de famille, peines d’affichage et de diffusion, interdiction, déchéance ou incapacité résultant de plein droit d’une condamnation pénale….).

Proposition 49 : Maintien de l’exclusion de certaines peines pour les mineurs.

La commission préconise le maintien des différentes catégories de peines, sous réserve de l’application des principes généraux précédemment évoquées tels que la primauté de l’éducatif dans ses deux branches : la finalité éducative de toute réponse pénale à l’encontre du mineur et le caractère subsidiaire de la peine, ainsi que le caractère exceptionnel des peines d’incarcération.

Elle en propose néanmoins quelques adaptations.
Ainsi, elle préconise la transformation du stage de citoyenneté, aujourd’hui classé dans les peines, en sanction éducative, car il se rapproche du stage de formation civique, par l’objectif recherché.

Proposition 46 : Déclassement de la peine de stage de citoyenneté en sanction éducative.

Par ailleurs, le sursis avec mise à l’épreuve et le sursis assorti de l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général auraient une durée spécifique (voir infra).

Enfin, pour favoriser la mise en œuvre concrète des peines de travail d’intérêt général sur une semaine dans le respect de la législation sur le temps de travail, les membres de la commission ont proposé la modification de la durée minimale pour laquelle un travail d’intérêt général peut être prononcé en la calquant sur la durée hebdomadaire du travail.

La commission recommande également de simplifier la procédure d’habilitation des postes d’exécution de travail d’intérêt général.

Proposition 36 : Raccourcissement de la durée minimale du travail d’intérêt général à 35 heures et simplification de la procédure d’habilitation des postes de TIG..

La commission propose de maintenir des peines complémentaires pour les mineurs, lorsqu’elles sont adaptées et propose de créer une peine complémentaire de confiscation d’un objet appartenant au mineur, même s’il ne s’agit pas du produit de l’infraction (cf. infra).

III. Gradation des sanctions

Afin de renforcer la cohérence de la réponse pénale, les membres de la commission se sont attachés à la notion de gradation de celle-ci, l’idée générale étant que plus un mineur commet d’infractions, plus la réponse doit être ferme, ou qu’un mineur faisant l’objet d’une sanction éducative doit pouvoir être sanctionné s’il n’en respecte pas le cadre ou les obligations.

A. Gradation de la réponse dans le respect de la libre appréciation du magistrat.

Au préalable, il a été rappelé que le principe résidait dans le libre choix du magistrat et que seules quelques limitations pouvaient être apportées sans pour autant conduire à ce que le magistrat ne dispose plus de sa liberté d’appréciation dans la détermination de la sanction qui lui semblerait la plus adéquate pour un acte et une personnalité donnés.
Interrogé sur cette question, l’UNSA-PJJ a estimé, lors de son audition , qu’une réponse graduée était une nécessité mais qu’il ne lui semblait pas pertinent de créer des blocs de sanctions, cette solution paraissant de nature à rigidifier le système de réponses pénales.L’UNIOPSS a également souligné que la diversité des réponses est essentielle et qu’il convient, dans un souci de clarification, de rendre le dispositif plus lisible sans le rigidifier.
L’association des magistrats de la jeunesse et de la famille a affirmé devant la commission que, de son point de vue « les causes de la délinquance des mineurs et ses modalités de développement se distinguent […] de celles des majeurs » et en a tiré comme conséquence qu’elles appelaient « des réponses adaptées pour être efficaces ». Il s’agit, pour eux, « d’une part […] de poser des limites claires, de mettre en place des dispositions visant à contenir et canaliser un comportement déviant, et d’autre part de ne pas s’égarer dans la logique du « donnant-donnant » au risque de renforcer la confrontation et l’escalade du pire au détriment de l’intéressé et de la société ». Pour cette association de magistrats, « face à ces personnalités diverses et en construction, il ne faut jamais s’enfermer dans l’automaticité de la sanction, mais conserver la souplesse et la vigilance pour encourager une progression ».

Dans le respect du cadre posé et précédemment rappelé sur la liberté de choix du magistrat, la commission a admis néanmoins que la cohérence de la réponse impliquait une certaine progressivité dans le choix de ces sanctions même s’il ne s’agirait en aucune manière d’automaticité. Ainsi, elle s’est interrogée sur la notion de gradation des sanctions.

Deux types de propositions ont été étudiés afin de répondre à cet objectif. Selon le premier, il s’agirait de limiter le nombre de réponses identiques pour un même mineur ; par exemple, limiter le nombre de rappels à la loi ou d’avertissements judiciaires. Il a été observé que ce principe existe déjà , et qu’il ne s’agirait, par conséquent, que de l’envisager dans un ensemble cohérent.

Selon le second type, il s’agirait de s’inspirer du droit disciplinaire qui classe les sanctions en groupes.
Concernant l’analogie faite avec le droit disciplinaire, des membres de la commission ont souligné certaines distinctions fondamentales : le droit disciplinaire répond à un acte, alors que la justice des mineurs adapte cette réponse à l’acte à la personnalité du mineur.
L’intérêt d’un tel classement est contesté par d’autres membres précisant qu’il leur semble essentiel que les magistrats puissent à tous les stades de la procédure, disposer de l’intégralité de la palette de réponses.
Plusieurs membres de la commission ont souligné que les mineurs ne sont pas des majeurs en miniature et ont précisé que ce qui est frappant chez les mineurs, ce n’est pas tant le problème de la dénégation ou de la reconnaissance mais plutôt le sens de leur acte et sa gravité. Face à cette difficulté, il leur est apparu que le plus important était de donner du sens à la réponse pénale.

Finalement, adoptant le principe général de la liberté de choix dans l’intégralité de la palette des sanctions éducatives et des peines, la commission s’en est tenue à proposer deux limites.

En premier lieu, elle a admis qu’il était peu cohérent d’envisager qu’une sanction de remise à parents et/ou aux personnes en ayant la garde ou d’avertissement judiciaire, puisse être prononcée seule par une formation de jugement à l’encontre d’un mineur déjà condamné. En effet ces deux sanctions éducatives ont valeur d’avertissement à l’égard d’un mineur.
S’il réitère, il doit ressentir la réponse pénale suivante comme une progression dans la condamnation.

Proposition 47 : Impossibilité pour la juridiction de jugement de prononcer uniquement une sanction de remise judiciaire à parents et/ ou aux personnes en ayant la garde ou d’avertissement judiciaire à l’égard d’un mineur déjà condamné.

En second lieu, la commission s’est interrogée sur l’opportunité de maintenir ou de supprimer le dispositif de gradation instauré par la loi du 10 août 2007 relative aux peines planchers, qui prévoit notamment une atténuation de la règle de diminution de peine pour les mineurs récidivistes de plus de 16 ans et l’instauration de peines plancher.
Elle s’est appuyée sur la décision du Conseil constitutionnel qui a validé cette disposition et relève que cette solution est une illustration du principe de progressivité de la réponse pénale pour un mineur multirécidiviste.
La commission, qui a également relevé que ce dispositif était trop récent pour qu’une évaluation soit exploitable, a considéré pratiquement sans débat qu’il importait de le maintenir.

Proposition 48 : Maintien des dispositions actuelles relatives à l’atténuation de peine pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans et aux peines plancher.

B. La sanction de l’inexécution d’une sanction éducative.

Actuellement, aucune sanction n’est prévue lorsqu’une mesure éducative n’est pas respectée par le mineur. Ce comportement n’est pris en compte qu’à l’occasion d’une éventuelle nouvelle poursuite.

Ce fonctionnement n’a pas été jugé satisfaisant par la plupart des membres de la commission. La commission a alors soulevé la question d’une sanction possible en cas de non-respect par un mineur d’une sanction éducative prononcée contre lui.
Elle a d’abord envisagé l’hypothèse de le sanctionner par un placement en centre éducatif fermé ou une incarcération.

Un membre a indiqué qu’il lui semblait difficile de répondre au non respect d’une sanction éducative par une autre sanction, les différentes sanctions éducatives ne répondant pas aux mêmes objectifs. Ainsi, il lui paraissait difficile de sanctionner la non exécution d’une mesure de réparation par un placement.

Par ailleurs, les membres de la commission se sont accordés sur l’impossibilité de sanctionner le non respect d’une sanction éducative par le prononcé d’une peine.

La commission a également envisagé que le juge des mineurs puisse jouer en matière de sanction éducative un rôle semblable à celui qu’il joue en matière d’aménagement des peines. Il deviendrait le juge d’application des peines et des sanctions, et, en cette qualité, il pourrait être saisi des incidents d’exécution des sanctions éducatives. Finalement cette solution n’a pas été retenue.

La commission a en revanche estimé qu’il subsistait la possibilité de créer une infraction spécifique de non-respect d’une sanction éducative. En effet, il a semblé indispensable que le juge des mineurs puisse réagir à la non exécution d’une sanction éducative en reprenant en quelque sorte « la main sur un dossier ». Ce système est apparu comme étant la seule solution pour réagir de façon efficace au non respect d’une sanction éducative. Certains membres ont néanmoins exprimé des réserves, craignant une escalade de la répression, notamment pour des mineurs qui cherchent à se confronter systématiquement aux limites.
Pour tenir compte de cette objection, la commission propose de ne créer cette infraction qu’en cas de renouvellement du non respect d’une sanction éducative.
La première inobservation ne pourra être sanctionnée que par une autre sanction éducative.

Proposition 50 : Sanction de l’inexécution d’une sanction éducative.

Le non respect d’une sanction éducative peut être sanctionné par le prononcé d’une autre sanction éducative.
Par ailleurs, dans l’hypothèse de « récidive » de non respect d’une sanction éducative, une infraction distincte est envisagée, celle-ci étant sanctionnée notamment par un placement de fin de semaine pour les moins de 14 ans ou par une incarcération de fin de semaine pour les plus de 14 ans.

Chapitre 3. LA CELERITE DE LA REPONSE

La cohérence de la réponse pénale, c’est aussi rapprocher le temps de l’infraction et le temps du jugement.

Or, sur ce point, les membres de la commission et les personnes auditionnées s’accordent pour dénoncer la lenteur de la « chaîne pénale » des mineurs. Ainsi, les représentants de l’UNIOPSS rappellent que « les mineurs ne comprennent pas le sens de l’action judiciaire parce que le délai est manifestement trop long entre la commission de l’infraction et la réponse pénale » et l’AFMJF juge nécessaire « un véritable effet d’accélération, (…) réaménager l’espace procédural de façon à supprimer les temps morts et à mener à bien des tâches aussi différentes que la manifestation de la vérité, la connaissance de la personnalité de l’auteur et ses capacités de progrès et de prise de conscience de la gravité des faits et le désintéressement de la victime » .

Il ressort des statistiques du ministère de la Justice que, pour l’année 2006, le délai moyen écoulé en mois entre la date des faits et celle du jugement était, en moyenne, de 12,9 mois pour les jugements en chambre du conseil, et de 15,2 mois pour les jugements devant le tribunal pour enfants. Ces délais n’étaient que de 8,4 et 10,6 mois en 1997.

Aussi, la commission s’est attachée à faire des propositions de nature à accélérer la réponse pénale. Cependant, il ne s’agit pas de renoncer au principe selon lequel pour être comprise, la sanction doit être déterminée en fonction de la personnalité du mineur.
La commission propose, à cette fin, différentes mesures destinées à assurer une connaissance effective de la personnalité du mineur par les magistrats ayant à le juger.

Dans le même esprit, la condamnation doit être effectivement et rapidement exécutée car, comme le relevait l’UNASEA, « la justice des mineurs ne peut être éducative que si les mineurs en comprennent le sens et le fonctionnement. Le sentiment d’impunité de certains mineurs s’enracine dans le constat que la justice ne fait pas ce qu’elle dit » . La réalité de l’exécution de la sanction, dès lors qu’elle intervient dans un bref délai, importe sans aucun doute plus pour les mineurs que sa sévérité.

La commission recommande donc que la réponse pénale intervienne dans un délai raisonnable (section 1) et que les sanctions prononcées par le juge soient effectives et rapidement exécutées (section 2).

SECTION 1. ACCELERATION RAISONNEE DE LA REPONSE PENALE

Si la commission s’est montrée particulièrement attentive aux délais de jugement, elle n’entend pas que la qualité des procédures pénales diligentées à l’encontre des mineurs soit sacrifiée à l’exigence de célérité. Aussi, la commission tient à souligner que la connaissance suffisante de la personnalité du mineur (1) est le préalable indispensable à la poursuite des mineurs dans le cadre d’une procédure correctionnelle refondée (2).

I. Condition préalable : L’indispensable connaissance de la personnalité du mineur.

Afin de s’assurer d’une connaissance complète et effective de la personnalité du mineur avant que toute décision à son encontre soit prise, la commission recommande que le recueil d’éléments de personnalité puisse intervenir dès le stade de l’enquête et qu’une évaluation approfondie de sa situation soit obligatoirement réalisée dès la première saisine du juge des mineurs. Afin de gagner en efficacité, les éléments ainsi recueillis pourront alimenter un dossier unique de personnalité et la situation du mineur pourra être revue chaque semestre. Les services éducatifs seront tenus à des délais pour mener leurs investigations et devront obligatoirement assister à toutes les audiences des juridictions des mineurs.

A. Le recueil de renseignements sur la situation personnelle et familiale du mineur dès l’enquête

Des membres de la commission, et notamment les praticiens, partagent le constat selon lequel la saisine du juge des mineurs a été dans certains cas trop tardive. En effet, la commission de certaines infractions de faible gravité, pour lesquels le parquet décide de recourir à des alternatives aux poursuites, peut être le premier signe d’un processus de délinquance dans lequel le mineur est en train de s’inscrire. Or, il importe que le parquet des mineurs puisse détecter, à l’aide d’éléments relatifs au mode de vie du mineur, si des mesures d’investigations et de suivi s’avèrent nécessaires.

Aussi, la commission propose que les services de police ou de gendarmerie puissent établir, dès l’enquête, un procès-verbal de renseignements concernant le mineur afin de permettre le repérage des situations les plus dégradées et d’envisager une judiciarisation sans délai de la situation.

Afin de préserver sa pertinence, la commission entend éviter que ce recueil soit systématique et donc nécessairement stéréotypé. Au contraire, le recueil de renseignements doit intervenir à la demande du parquet, dans le cadre de la permanence, afin d’apprécier son opportunité au regard du cas d’espèce.

Proposition 51 : Recueil par les services d’enquête de renseignements sur la situation personnelle et familiale du mineur.

Afin de permettre dès l’enquête un repérage des situations les plus dégradées, les services d’enquêtes doivent, à la demande du parquet, rédiger un procès-verbal de renseignements relatif à la situation personnelle et familiale du mineur mis en cause.

B. L’examen de la personnalité dès la première saisine du juge des mineurs

Il a déjà été vu que la commission propose d’affirmer la nécessaire connaissance de la personnalité du mineur comme principe directeur de la justice pénale des mineurs (voir supra).
Ce faisant, la commission s’inscrit dans la continuité du législateur de 1945 puisqu’au terme de l’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945 : « le juge des enfants devra obligatoirement – sauf circonstances exceptionnelles, justifiées par une ordonnance motivée – procéder à une enquête approfondie sur le compte du mineur, notamment sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents de l’enfant, car ce qu’il importe de connaître c’est bien plus que le fait matériel reproché au mineur, sa véritable personnalité, qui conditionnera les mesures à prendre dans son intérêt ».
En effet, les juridictions pour mineurs ne peuvent bien juger que si elles connaissent parfaitement la situation du mineur. Aussi, la commission entend que l’examen de la personnalité soit systématiquement effectué dès la première saisine du juge des mineurs.
Ce dernier, au terme des propositions de la commission, n’est saisi par le parquet qu’après l’intervention d’un avertissement final, à moins qu’il ne s’agisse d’un fait grave ou d’une situation particulièrement difficile justifiant la saisine immédiate du juge des mineurs. Ainsi, il ne doit être saisi que des situations les plus complexes, ce qui justifie que la personnalité du mineur fasse alors l’objet d’investigations systématiques mais aussi complètes.
En particulier, il est tout à fait nécessaire que les mineurs déscolarisés puissent toujours faire l’objet d’un bilan de scolarité ou de formation.
De même, un membre de la commission s’est interrogé sur l’opportunité d’inclure obligatoirement un bilan de santé dans les investigations sur la personnalité. Cependant, cette proposition n’a pas recueilli l’assentiment d’une majorité des membres de la commission, le bilan de santé supposant l’assentiment du mineur et n’apparaissant pas pertinent pour toutes les situations. En effet, des éducateurs en charge d’un mineur qui connaît des difficultés de santé particulières les prendront nécessairement en compte dans leur travail éducatif. Cependant, le soin en tant que tel n’entre pas dans les missions de la protection judiciaire de la jeunesse.

Proposition 52 : Examen systématique et complet de la personnalité du mineur lors de la première saisine du juge.

La commission recommande l’élaboration d’une nouvelle mesure d’investigation adaptée au cadre et au délai de la procédure judiciaire. Cette mesure devra toujours comprendre un bilan scolaire.

C. Le dossier unique de personnalité

Actuellement, un mineur peut faire l’objet de plusieurs mesures d’investigations sur la personnalité ordonnées dans des procédures pénales différentes, voire dans des procédures d’assistance éducatives. Ces mesures concurrentes et quelque fois contradictoires sont mal comprises par le mineur et sa famille, perturbent le travail des services éducatifs et nuisent à la cohérence de la réponse pénale.
En outre, les éléments de personnalité se limitent dans de très nombreuses hypothèses, et surtout dans le cas de présentation immédiate ou des convocations par officier de police judiciaire, au simple recueil de renseignements socio-éducatifs réalisés dans l’urgence par le service éducatif auprès du tribunal ou la permanence éducative.
Pour y remédier et afin d’avoir une vue d’ensemble sur la personnalité du mineur, les juges des enfants font des copies de pièces provenant d’anciennes procédures pénales ou de procédures d’assistance éducative et les insèrent dans la côte personnalité de la procédure pénale en cours.
Sur ce point, Madame Autesserre, représentante de la Fédération Nationale des Assesseurs Près les Tribunaux pour Enfants (FNAPTE) a souligné, lors de son audition, le caractère variable de cette pratique et a indiqué que l’absence de toute pièce sur la personnalité dans un certain nombre d’affaires jugées par les tribunaux pour enfants était fortement regrettée par les assesseurs.
En conséquence, la commission entend que cette pratique, diversement suivie et plus ou moins efficace, soit rationalisée par l’instauration d’un dossier unique de personnalité du mineur.
Ce dossier unique de personnalité a vocation à regrouper tous les éléments sur la situation matérielle et morale de la famille et sur le caractère et les antécédents du mineur afin de prendre les mesures provisoires et les sanctions les plus pertinentes.
Il devra être établi lors de la première saisine au pénal du juge des mineurs. En effet, la constitution du dossier ne peut être envisagée pour les premiers actes délictueux, ceux-ci devant être traités par des alternatives aux poursuites, lesquelles concernent un nombre trop important de mineurs. En revanche, au moment de sa constitution, il intégrera les traces des alternatives aux poursuites ordonnées précédemment. Il sera ensuite alimenté par les diverses procédures suivies contre le mineur.
Le dossier unique de personnalité comprendra, outre les éléments des procédures ayant donné lieu à des alternatives aux poursuites, les décisions ordonnées dans le cadre des diverses procédures pénales ainsi que les expertises, les mesures provisoires ou probatoires et toutes autres pièces du dossier d’assistance éducative que le juge estimerait nécessaires et qu’il n’aurait pas écartées en application de l’article 1187 alinéa 4 du code de procédure civile.
Ce faisant, le dossier unique de personnalité facilitera le travail du juge des mineurs de permanence qui, confronté à un mineur relevant d’un autre secteur , pourra prendre les mesures provisoires qui s’imposent sans recourir à des mesures déjà ordonnées.
De même, la constitution de ce dossier unique de personnalité facilitera la saisine directe des juridictions de jugement par convocation par officier de police judiciaire et la mise en œuvre des procédures de jugement rapide dans le respect de la loi et le souci de permettre une réponse adaptée . Ce dossier permettra, ainsi, de s’assurer que les conditions de l’existence d’investigations sur la personnalité, prévues à l’article 14-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relatif à la procédure de présentation immédiate, sont réunies.
Le fonctionnement du dossier unique de personnalité sera celui d’un fonds documentaire, devant permettre la collecte et la circulation des informations relatives aux mineurs. En effet, ce dossier, physiquement distinct du dossier de procédure, sera alimenté par des copies de pièces provenant d’autres procédures. Ces copies pourront ensuite être versées dans les procédures en cours ; elles emprunteront alors la nature d’une pièce de procédure et deviendront accessibles aux parties et aux avocats et pourront être discutées contradictoirement.
Fonds documentaire, ce dossier a vocation à n’être utilisé et accessible qu’aux seuls magistrats, juge des mineurs et parquetiers, ainsi qu’aux services éducatifs intervenants, essentiellement les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse mobilisés dans le cadre de la permanence.
La commission préconise que le dossier soit supprimé dès que le mineur atteint sa majorité ou à l’échéance des mesures ou peines en cours si elles dépassent la majorité.
La gestion du dossier unique de personnalité devra être confiée à un greffier ou au greffier en chef. Pour être véritablement efficace, ce dossier doit être dématérialisé et suppose donc l’amélioration et la transformation du programme Cassiopée en système de gestion de données et de gestion de documents comme le rappelait déjà Mme Tabarot dans un rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale .
Dans l’hypothèse particulière de faits graves commis par un mineur sur un autre ressort que celui de son domicile ou lors d’un placement ou d’une incarcération dans un établissement éloigné, la dématérialisation du dossier unique de personnalité permettra sa transmission immédiate aux juridictions territorialement compétentes .

Proposition 53 : Constitution d’un dossier unique de personnalité.

Ce dossier sera ouvert lors de la première saisine du juge des mineurs au pénal ou du juge d’instruction pour chaque mineur. Il sera tenu par le greffe du tribunal des mineurs du domicile habituel du mineur. Seront versés à ce dossier les éléments des procédures alternatives aux poursuites, les mesures ordonnées dans le cadre des diverses procédures pénales ainsi que les expertises, les mesures d’investigations et toutes autres pièces du dossier d’assistance éducative que le juge estimerait nécessaire. Ce dossier sera supprimé lorsque le mineur atteindra sa majorité ou à l’échéance des mesures ou des peines si elles dépassent la majorité.

D. Le réexamen semestriel de la situation du mineur

Si la constitution du dossier unique de personnalité est de nature à mettre en perspective les renseignements de personnalité recueillis au fil des procédures, il reste nécessaire que le juge des mineurs puisse suivre l’évolution du mineur pour lequel une ou plusieurs procédures sont en cours. Pour ce faire, la commission recommande la mise en place d’audiences tous les six mois.
Ce délai de six mois est nécessaire pour permettre au magistrat d’évaluer la pertinence de ses décisions. Ce principe paraît d’autant plus important aux membres de la commission que l’un d’eux à précisé que l’absence de suivi et l’allongement des délais était ressenti par le mineur comme une forme de désintérêt, voire un encouragement à persister dans son comportement délictueux.
En conséquence, dans une optique de prévention de la réitération, la commission estime nécessaire d’affirmer un principe général de réexamen de la situation d’un mineur objet d’une mesure pré-sentencielle.

Proposition 55 : Principe du réexamen, tous les six mois, de la situation d’un mineur pour lequel une procédure pénale est en cours.

E. La durée des mesures d’investigations sur la personnalité

Juger dans un délai raisonnable suppose que le temps dévolu aux investigations sur la personnalité soit utilisé efficacement et ne puisse être réduit à un « temps mort » de la procédure. Or, l’ensemble des membres de la commission, et en premier lieu les magistrats et les éducateurs de la PJJ, s’accordent à souligner qu’en l’état actuel des pratiques la durée des investigations sur la personnalité est beaucoup trop longue.
S’agissant du délai entre la décision du juge et le début effectif de la prise en charge, le rapport d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures, présenté par Madame Tabarot a consacré de longs développements sur les délais de prise en charge des mesures par les services de la protection judiciaire de la jeunesse. En 2006, le délai moyen de prise en charge d’une enquête sociale était de 18,95 jours et celui d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative de 32,89 jours.
Cette durée excessive des investigations génère un certain nombre d’effets pervers. Ainsi, certains observateurs de la justice pénale des mineurs relèvent justement que « les juges ont pris l’habitude de prendre des décisions provisoires. Or, dans un certain nombre de cas, il est important que la sanction soit prononcée rapidement » .
Fort de ce constat, la commission a estimé nécessaire de mieux séparer le temps des investigations du temps de la probation, voire du temps de la sanction. Et pour ce faire, la commission a imaginé de donner un délai-butoir aux mesures d’investigations.
La commission aurait pu envisager de limiter la durée des investigations à six semaines comme cela se pratique au Québec mais cette durée a paru trop courte pour des investigations complètes sur la personnalité, notamment quand il s’agit d’investiguer sur le cadre de vie d’un mineur se trouvant dans une situation particulièrement préoccupante.
Aussi, les membres de la commission se sont accordés pour limiter la durée des investigations sur la personnalité à trois mois. La modification du délai-butoir des mesures d’investigation entraînera la redéfinition des contenus et des méthodes de leur réalisation. Ces diligences, précisées par le magistrat dans son ordonnance, véritable « feuille de route » des services éducatifs, seront nécessairement plus denses et plus dynamiques.
Ce délai, dans l’hypothèse où les investigations ne seraient pas effectuées à temps, ne sera pas sanctionné d’une nullité. En revanche, il permettra la tenue, au bout de trois mois, d’une audience intermédiaire à l’occasion de laquelle le parquet aura la possibilité de requérir le renvoi de la procédure à une juridiction de jugement.
Cette audience intermédiaire pourra également être l’occasion, quand les circonstances de l’espèce le justifient, de proroger de trois mois le délai initial pour poursuivre les investigations sur la personnalité.

Proposition 54 : Limitation de la durée des mesures d’investigations sur la personnalité.

Les mesures d’investigation sur la personnalité doivent être effectuées par les services éducatifs dans un délai de trois mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée, le cas échéant lors d’une audience de bilan intermédiaire.

F. La présence obligatoire des services éducatifs à toutes les audiences

En l’état actuel du droit, les services éducatifs en charge des mineurs délinquants sont convoqués aux audiences et, aux termes du deuxième alinéa de l’article 14 de l’ordonnance du 2 février 1945, autorisés à assister aux audiences du tribunal pour enfants.
Or, il peut apparaître surprenant que la présence des services éducatifs aux audiences ne soit prévue qu’à titre facultatif alors même qu’ils sont directement intéressés par les débats judiciaires qui viennent clore leur travail éducatif, voire le prolongent.
En outre, les éducateurs sont bien sûr des vecteurs essentiels d’information pour les juridictions et l’exposé oral de leurs travaux permet une discussion plus approfondie et contradictoire des éléments de personnalité qu’ils développent.
Il est donc apparu nécessaire aux membres de la commission d’aller au-delà du droit positif et d’affirmer le principe de la présence obligatoire aux audiences des éducateurs.

Proposition 56 : Présence obligatoire des services éducatifs en charge du suivi à toutes les audiences des juridictions des mineurs.

II. Instauration d’une nouvelle procédure en matière délictuelle

La commission estime qu’en s’assurant de la connaissance suffisante de la personnalité du mineur à l’aide d’instruments renouvelés, il est possible de juger les mineurs dans un cadre procédural clarifié et plus rapide.
En particulier, les membres de la commission se sont attachés à mieux distinguer les circuits longs de jugement des circuits courts.
Pour le circuit long, la commission propose de réformer la procédure officieuse et également de limiter la durée de l’instruction préparatoire quand elle concerne un mineur. L’examen des procédures sur requête sera encadré dans un délai. Dans tous les cas, la saisine des juridictions de jugement par le juge des mineurs sera dorénavant formalisée par une ordonnance de renvoi.
Pour le circuit court, la commission propose que les faits reconnus par le mineur soient jugés à l’occasion d’une procédure spécifique.
Enfin, dès lors que les éléments de personnalité du mineur seront suffisants, la commission propose d’élargir les possibilités ouvertes au parquet de saisir directement les formations de jugement.

A. L’instruction simplifiée

En l’état actuel du droit, l’information qu’elle soit suivie par le juge des enfants ou le juge d’instruction est obligatoire avant de juger un mineur. (articles 8 et 9 de l’ordonnance).
Dès 1945, le législateur a permis au juge des enfants d’agir par la voie de l’enquête officieuse, précisant seulement que les mandats seront ordonnés dans les formes du code de procédure pénale.
En outre, d’autres voies de poursuite (convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement et présentation immédiate) vident partiellement de son sens le principe de l’instruction obligatoire .
Certes, les motifs et objectifs de l’enquête par voie officieuse énoncés dans le préambule de l’ordonnance de 1945 demeurent d’actualité : « Désormais, la procédure applicable aux enfants sera assouplie de manière que les formalités judiciaires nécessaires pour assurer la garantie de la liberté individuelle (…) se concilient avec le souci d’agir utilement et sans retard, dans l’intérêt de la protection efficace de l’enfant. C’est pourquoi le texte ci-joint (…) prévoit, parallèlement à l’information suivie par un juge d’instruction, la possibilité, dans les affaires où la manifestation de la vérité ne suscite aucune difficulté, de confier l’enquête au juge des enfants. En supprimant l’instruction obligatoire [devant le juge d’instruction], on a voulu instituer un système plus efficace et plus rapide adapté aux cas simples ».
Cependant, les membres de la commission partagent le constat que les mentions de l’ordonnance du 2 février 1945 relatives à l’enquête par voie officieuse sont trop lapidaires et imprécises.
Ainsi, l’article 8 de l’ordonnance ne précise pas si le juge des enfants doit formaliser par un acte particulier le choix de recourir à l’enquête par voie officieuse ou aux règles du code de procédure pénale. Aussi, rien n’empêche le juge des enfants d’utiliser alternativement dans la même procédure les deux systèmes selon la nature des actes sans qu’une partie ne puisse contester ce choix.
D’ailleurs, actuellement, les juges des enfants ont recours à la procédure officieuse pour contourner les délais et le formalisme de la procédure pénale applicable aux majeurs , dont il peut être donné deux exemples récent issus des dispositions de la loi du 5 mars 2007 renforçant l’équilibre de la procédure pénale :
 s’agissant de l’expertise, le magistrat instructeur doit dorénavant adresser sans délai copie de son ordonnance au procureur de la République et aux avocats des parties. Dès la notification de l’ordonnance, un délai de dix jours court pendant lequel le procureur de la République et les avocats des parties peuvent demander au juge d’instruction de modifier ou compléter les questions posées à l’expert. Le juge d’instruction dispose alors d’un délai de dix jours pour répondre aux demandes, par ordonnance motivée s’il refuse, celle-ci pouvant être contestée devant le président de la chambre de l’instruction .
 s’agissant du règlement de l’information, des dispositions nouvelles prévoient que l’avocat des parties puisse faire des observations, y compris en réplique au réquisitoire du parquet, avant que le juge ne rende son ordonnance de règlement laquelle devra faire état des éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen. Ainsi, l’avis de fin d’information ouvre un délai d’un ou trois mois, selon qu’il y ait un mis en examen détenu, pour les réquisitions du parquet et les observations ou demandes des parties, puis l’ouverture d’un second délai de 10 jours ou un mois pour les répliques éventuelles et, à l’issue, la possibilité pour le juge de procéder au règlement de l’affaire .
La commission estime que la notion même de procédure officieuse et d’impérium du juge quant à la forme d’un acte sont aujourd’hui obsolètes au regard des standards européens et de l’évolution de la procédure pénale française.
Aussi, la commission s’est attachée à mieux définir la procédure d’information devant le juge des mineurs afin de concilier le respect des droits des parties (mineurs, civilement responsables et victimes) et la nécessité de juger rapidement les dossiers simples.
En particulier, les membres de la commission ont jugé nécessaire de remplacer le terme d’enquête officieuse employé par l’ordonnance du 2 février 1945 par celui d’« instruction simplifiée » lequel a l’avantage d’écarter le soupçon d’opacité attaché au mot officieux et de souligner le caractère simple et adapté aux mineurs de l’information suivie devant le juge des enfants.
Ensuite, la commission souhaite, afin de ne pas laisser à l’arbitraire du juge la possibilité de suivre ou non l’instruction simplifiée, que celle-ci devienne la seule procédure d’information possible devant le juge des mineurs. L’affirmation de ce principe a ainsi l’avantage d’impliquer le parquet dans le choix procédural puisqu’à la saisine du juge d’instruction correspond le choix de suivre les règles du code de procédure pénale tandis qu’à la saisine du juge des mineurs correspond le choix de suivre l’instruction simplifiée. En pratique, l’option laissée au parquet dépendra de la nécessité de procéder à des investigations approfondies sur les faits,
Dans le cadre de l’instruction simplifiée, le juge des mineurs pourra procéder à tous les actes d’information qu’il juge utiles.
En dehors de certains actes que le juge des mineurs devra impérativement accomplir selon la forme du code de procédure pénale, il pourra procéder à tous autres actes d’instruction qu’il estime utile sans avoir à respecter le formalisme des règles applicables aux majeurs.
A ce titre, la commission retient l’idée que la mise en examen, le placement sous statut de témoin assisté, les commissions rogatoires et les mesures de coercition comme les mandats, placement sous contrôle judiciaire et saisine du juge des libertés et de la détention doivent être établis en la forme du code de procédure pénale.
A l’inverse, à titre d’exemple, la procédure d’expertise comme la clôture de l’instruction simplifiée ne seraient pas soumises aux règles de l’article 161-1 ou 175 du code de procédure pénale.
A l’objection selon laquelle les droits de la défense d’un mineur ne peuvent être moindres que ceux d’un majeur, il est apparu qu’un équilibre pouvait être trouvé devant le juge pour mineurs : en effet, ces dispositions génèrent des délais qui retardent le terme de l’instruction et finalement sont contraires à l’intérêt du mineur, étant entendu que les investigations menées relèvent essentiellement de la connaissance de sa personnalité. La commission a donc estimé que les spécificités du droit pénal des mineurs, et notamment l’impératif de traitement rapide de leur situation, l’emportent sur les principes de procédure applicables aux majeurs et peuvent permettre au législateur de déroger au respect formel du principe du contradictoire.
Un membre de la commission a insisté sur les conséquences procédurales de l’abandon des formalités de l’article 175 du code de procédure pénale en termes de purge des nullités. Celles-ci seront donc discutées à l’audience, à l’instar de ce qui existe pour toute procédure pénale menée hors instruction.
En résumé, le principe d’une instruction simplifiée est affirmé afin de garantir une information rapide des faits dont le juge des mineurs sera saisi en qualité de juge d’instruction. Dans le même temps, dès lors qu’il est question d’atteintes aux libertés, le juge des enfants doit procéder selon les formes du code de procédure pénale afin de garantir le contradictoire et les droits de la défense.
Un consensus a émergé au sein de la commission visant à limiter dans le temps l’instruction devant le juge des enfants : afin que la juridiction de jugement puisse être saisie dans un délai de six mois à compter du début de l’instruction simplifiée, celle-ci sera soumise à un délai d’exécution de six mois. Ce délai sera néanmoins prorogeable une fois par ordonnance motivée afin de tenir compte des nécessités de l’enquête.

Proposition 58 : Réforme de l’enquête officieuse.

Devenue « instruction simplifiée », elle est la procédure unique d’information devant le juge des mineurs et se déroule dans un délai de six mois, renouvelable une fois par ordonnance motivée. En dehors de certains actes (placement sous le statut de témoin assisté, mise en examen, commission rogatoire, mandats et ordonnance de renvoi), cette procédure échappe au formalisme du code de procédure pénale. L’article 175 du code de procédure pénale n’est pas applicable aux ordonnances de renvoi du juge des enfants qui doivent cependant être notifiées aux parties.

B. Limitation de la durée des instructions préparatoires

Si la commission a estimé nécessaire de mieux définir la procédure d’information devant le juge des mineurs, il est également apparu que des critiques pouvaient être formulées à l’encontre de l’instruction préparatoire conduite par le juge d’instruction.
En effet, des membres de la commission ont rappelé que si les délais de jugement devant les tribunaux pour enfants étaient de plus en plus longs, l’une des causes résidait dans la longueur des procédures d’instruction.
Aussi, la commission propose de raccourcir le délai prévu au deuxième alinéa de l’article 175-2 du code de procédure pénale . A l’issue d’un délai d’un an à compter de l’ouverture de l’information, si celle-ci n’est pas terminée, le juge d’instruction devra rendre une ordonnance motivée, laquelle sera notamment communiquée au président de la chambre de l’instruction, lequel pourra à son tour saisir la chambre de l’instruction aux fins d’évoquer ou renvoyer au juge d’instruction.
Sur ce point, un membre de la commission rappelait qu’actuellement la totalité du contentieux des mesures provisoires décidées par le juge d’instruction relève de la chambre de l’instruction à l’exception de l’ordonnance de placement qui relève de la chambre spéciale des mineurs.
Dans l’optique d’unification du traitement de ce contentieux, la commission propose que la chambre de l’instruction soit compétente pour l’ensemble des appels sur les mesures provisoires ordonnées par le juge d’instruction, y compris les décisions de placement.

Proposition 62 : Limitation de la durée des instructions lorsque des mineurs sont mis en examen.

Le délai de deux ans de l’article 175-2 du code de procédure pénale est ramené à un an pour les mineurs.

D. Délai de traitement des requêtes pénales

Des membres de la commission se sont émus du délai, souvent qualifié de « temps mort », entre la requête pénale du parquet et le premier acte du juge des enfants, qu’il s’agisse de la mise en examen du mineur ou d’un acte quelconque d’investigation sur les faits.
Tous les indicateurs révèlent le recul de la part des requêtes dans les modes de saisines du juge des enfants, en raison du développement dans les parquets du traitement en temps réel des procédures, et l’accroissement corrélatif du nombre de convocations par officier de police judiciaire et autres modes de jugements rapides (voir annexe statistique). Dès lors, en pratique, les requêtes ne sont pas traitées en priorité dans les cabinets des juges des enfants. Pour autant, ce mode de saisine continue de concerner des mineurs pour lesquels une réponse s’avère nécessaire dans un délai raisonnable.
Il a donc été débattu de la possibilité, sur le modèle de la procédure d’instruction préparatoire, de créer des délais sanctionnés par des nullités.
En effet, des membres de la commission ont fait valoir que la mise en œuvre de délais sanctionnés par des nullités est de nature à contraindre les juridictions à s’organiser pour permettre aux juges des mineurs de respecter ces délais.
A ce titre, le président de la commission souhaite que soit opéré un renversement des valeurs, la justice pénale des mineurs ne devant plus être le parent pauvre de la justice pénale mais au contraire une priorité de la politique pénale et disposer en conséquence des moyens adéquats pour œuvrer dans un délai raisonnable.
Cependant, un membre de la commission a fait observer que la sanction de la nullité était actuellement seulement prévue en matière de détention et qu’il n’était pas possible d’étendre cette sanction au risque de fragiliser trop fortement les procédures.
Dès lors, c’est une autre modalité de régulation qui a été envisagée : en cas d’inaction pendant trois mois du juge des mineurs saisi d’une requête, il serait ouvert aux parties la possibilité de saisir la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel. Cette proposition a alors fait consensus.

Proposition 60 : Instaurer un délai de traitement lorsque le juge des mineurs est saisi par requête.

Le premier acte du juge des mineurs doit intervenir dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. En cas de carence du juge, les parties peuvent saisir directement la chambre des mineurs.

E. Ordonnance de renvoi

En l’état actuel du droit, si la saisine du tribunal pour enfants par le juge des enfants est formalisée par une ordonnance, la saisine de la chambre du conseil par le juge des enfants ne l’est pas.
Aussi, lorsque le juge des enfants, saisi par requête par le parquet, décide, après avoir mis en examen le mineur, de ne pas le renvoyer devant le tribunal pour enfants mais de le juger en chambre du conseil, le parquet n’a aucune possibilité de recours contre cette orientation et ne peut faire appel que de la décision prise par le juge des enfants en chambre du conseil au titre de la sanction.
Or, aux termes de l’article 24 alinéa 3 de l’ordonnance du 2 février 1945, l’appel des jugements du juge des enfants et du tribunal pour enfants est soumis aux règles du code de procédure pénale .
En raison de l’effet dévolutif de l’appel , la juridiction supérieure est saisie de l’affaire déjà jugée dans les limites fixées par l’acte d’appel et par la qualité de l’appelant. La cour d’appel ne peut donc statuer que sur les dispositions du jugement dont elle est saisie par l’acte d’appel.
Cette limitation de l’effet dévolutif se trouve écartée lorsque le juge d’appel exerce le droit d’évocation prévu par l’article 520 du code de procédure pénale. Alors la juridiction d’appel, en cas d’appel pour irrégularité de forme, après avoir annulé la décision, doit statuer elle-même sur le fond du procès sans renvoyer l’affaire devant le juge de première instance. Ce droit d’évocation saisit le juge d’appel dans les mêmes conditions que le juge de première instance.
Par conséquent, que la cour d’Appel statue dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel ou évoque le dossier, elle le fait dans les mêmes conditions que le juge de première instance.
Ainsi, l’article R311-7 du Code l’organisation judiciaire rappelle que la chambre spéciale des mineurs connaît de l’appel des décisions du juge des enfants et du tribunal pour enfants et qu’elle statue dans les mêmes conditions qu’en première instance.
Dès lors, l’arrêt rendu par la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel doit être rendu dans les mêmes conditions qu’en première instance, c’est-à-dire en chambre du conseil en cas d’appel d’une décision du juge des enfants et en audience publique mais après des débats en chambre du conseil en cas d’appel d’une décision du tribunal pour enfants. Dans le cadre d’un appel d’un jugement en chambre du conseil, la cour ne pourra donc prononcer que des mesures éducatives.
Or, il importe, lorsque le parquet entend requérir une peine et non une sanction éducative seule, qu’il puisse disposer d’un droit de recours contre la décision d’orientation du juge des mineurs vers la chambre du conseil. Il s’agit là de mettre en valeur le pouvoir de contrôle du parquet, d’autant que les mineurs concernés auront pour la plupart fait l’objet de diverses alternatives aux poursuites avant que soit saisi un juge des mineurs
De plus, la commission estime que l’orientation d’une procédure vers une juridiction doit toujours être formalisée par un acte susceptible de recours et il n’y a aucun fondement particulier qui justifie qu’aujourd’hui l’orientation d’une procédure en chambre du conseil ne puisse être formalisée par une ordonnance comme pour la saisine du tribunal des mineurs.

Proposition 59 : Formaliser par une ordonnance de renvoi de toute saisine des juridictions de jugement par le juge des mineurs.

Cette ordonnance pourra faire l’objet d’un appel.

F. Césure de la procédure

A la suite de l’audition des représentants de l’Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille (AFMJF) , la commission s’est interrogée sur la possibilité d’introduire parmi les différentes procédures aujourd’hui applicables aux mineurs une nouvelle procédure organisée autour de la césure entre une audience initiale sur les faits et une seconde audience sur la sanction.
Le projet de l’AFMJF consistait à définir une « procédure unique et spécifique garantissant les droits de la défense organisée autour de deux axes : la césure et un dossier unique sur la période d’épreuve ». En particulier, après un jugement comportant déclaration de culpabilité, fixation de l’indemnisation de la partie civile, ajournement de la décision sur la sanction et instauration d’un délai d’épreuve de six mois devant permettre de réaliser mesures d’investigations et de probation, le juge des mineurs procèderait à une audience de mise en état aux fins de décider de l’orientation de la procédure en chambre du conseil ou devant la juridiction collégiale, voire de joindre d’autre saisines. A cette dernière audience, la juridiction de jugement n’aurait plus à juger l’infraction commise à un moment donné, ni même la pluralité d’infractions commises en cas de jonction des saisines, mais plutôt à apprécier le parcours d’un mineur dans sa globalité et ses capacités de réinsertion.
La commission n’a pas entendu faire de la césure la procédure unique et systématique de jugement des mineurs comme le présentait l’AFMJF mais en a cependant retenu le principe.
En premier lieu, afin de garantir que le recours à cette procédure impliquant un jugement rapide sur la culpabilité ne porte pas atteinte aux droits de la défense et à la qualité du débat contradictoire sur les éléments de l’infraction, la commission propose de limiter la procédure de césure aux seuls faits reconnus par les mineurs.
Dans cette hypothèse, la césure constituera indéniablement un progrès pour les victimes puisque leurs demandes seront appréciées dès la première audience et il pourra notamment être assigné au mineur, dans le cadre du suivi probatoire, l’obligation de réparer le dommage.
A ce titre, le système mis en place se rapproche des modalités de l’ajournement de peine telles qu’elles sont actuellement prévues par l’article 20-7 de l’ordonnance de 1945.
En second lieu, la commission reconnaît que l’objectif de cette procédure, comme l’indique l’AFMJF, est de « limiter les conséquences de la fragmentation des poursuites » et l’empilement des mesures pour un même mineur. Ainsi, des faits successivement commis au cours de la période probatoire pourront être sanctionnés à l’occasion d’une seule et même audience de jugement.
Pour autant, certains membres ont souhaité rappeler que la mise en œuvre de la césure pour les premiers faits commis ne doit pas conduire à une restriction du pouvoir d’opportunité du parquet qui pourrait toujours estimer nécessaire, en cas de réitération, d’utiliser un mode de saisine rapide d’une juridiction de jugement pour mineurs, en fonction de la gravité et de la personnalité de l’auteur.
Ensuite, il a été souligné que juger un parcours plus qu’un acte relevait d’un processus profondément subjectif alors même que la sanction pénale doit viser à assurer la protection effective de la société, défendre les intérêts de la victime, favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et prévenir la commission de nouvelles infractions . Aussi, les juridictions de jugement des mineurs continueront de juger un acte et d’apprécier la réponse pénale au regard de la personnalité du prévenu.
A l’issue des débats, la commission retient l’idée générale de la césure qui prend tout son sens lors de la première saisine du juge des mineurs. En effet, elle lui a semblé permettre de concilier les objectifs de connaissance de la personnalité d’un mineur et de réponse rapide à un acte de délinquance. Par conséquent, lorsque le juge des mineurs est saisi d’un premier fait, il a le choix entre, d’une part, mettre en examen le mineur dans le cadre d’une procédure simplifiée et, d’autre part, le déclarer coupable et statuer sur les intérêts civils lorsque les conditions seront réunies. Dans les deux cas il doit ordonner les mesures d’investigation qui lui semblent nécessaires afin d’avoir une bonne connaissance de la personnalité du mineur avant de se déterminer sur la sanction. Dans l’hypothèse où il a choisi de déclarer sa culpabilité et d’ouvrir une période probatoire de six mois, les mesures pré-sentencielles de sureté ou probatoires (détention provisoire, contrôle judiciaire, obligation de faire…) qui seraient ordonnées à l’occasion de procédure postérieures courront jusqu’à l’échéance du premier délai. Le délai de six mois doit être entendu comme un délai préfix. A l’issue de cette période, le juge décide de l’orientation devant la juridiction qui lui paraît adaptée par ordonnance motivée susceptible d’appel.

Proposition 57 : Possibilité d’une césure de la procédure entre d’une part la déclaration de culpabilité et la décision sur intérêts civils au cours de la première audience et d’autre part la décision sur le prononcé d’une sanction éducative et/ou d’une peine au cours d’une seconde audience intervenant au terme d’une mesure d’investigation sur la personnalité et d’une mesure probatoire dont la durée ne peut excéder six mois.

G. Saisine directe des différentes formations de jugement

La commission a estimé que les procédures concernant des mineurs réitérants pour lesquels les juridictions disposeraient déjà d’un dossier unique de personnalité pourraient faire l’objet d’un circuit court, la possibilité de saisir directement les juridictions de jugement étant alors ouverte au parquet.
Il convient de rappeler que la commission a dissocié le principe de connaissance suffisante de la personnalité du mineur de l’obligation procédurale de recourir à une information. A ce titre, la commission a proposé la constitution d’un dossier unique de personnalité, lequel actualisé au gré des procédures permettra immédiatement à la juridiction de jugement de disposer de tous les éléments de personnalité du mineur.
En outre, la commission a fait le constat qu’aujourd’hui lorsqu’un mineur réitère et que des procédure successives sont introduites devant le juge des enfants par la voie de la requête pénale et de la COPJ aux fins de mise en examen, fort logiquement les juges des enfants n’ordonnent pas une mesure d’investigations pour chaque procédure.
Il faut souligner que pour des mineurs réitérants l’actualisation des éléments de personnalité ne résulte pas de mesures pré-sentencielles mais au contraire relève des rapports adressés par les services éducatifs chargés de l’exécution des mesures éducatives et des peines.
En conséquence, la commission a estimé nécessaire que le parquet puisse saisir la chambre du conseil, le tribunal des mineurs statuant à juge unique et le tribunal des mineurs collégial par convocation par officier de police judiciaire (COPJ).
S’agissant de la possibilité de saisir la chambre du conseil par convocation par officier de police judiciaire, des membres de la commission ont estimé qu’il convenait de maintenir un circuit court de gestion des flux pour les infractions les plus vénielles. D’autant que nonobstant la création de l’avertissement final, le parquet ne perd pas toute opportunité des poursuites et peut judiciariser une situation dans laquelle il n’y a pas eu précédemment d’alternatives aux poursuites.
En outre, la commission a estimé nécessaire de maintenir la procédure de présentation immédiate dans les conditions actuellement prévues par l’article 14-2 de l’ordonnance. La mise en place du dossier unique de personnalité est de nature à atténuer les critiques visant cette procédure.

Proposition 61 : Création de saisines directes des différentes formations de jugement.

Dès lors que le mineur a déjà fait l’objet d’un précédent jugement et que son dossier unique de personnalité en permet la connaissance suffisante, le parquet peut délivrer des COPJ aux fins de jugement devant la chambre du conseil, le tribunal des mineurs statuant à juge unique et le tribunal des mineurs collégial.

SECTION 2. EXECUTION EFFECTIVE DES DECISIONS JUDICIAIRES.

L’exécution effective et rapide des sanctions est un objectif essentiel de la commission, le sens de la réponse ne pouvant qu’être dénaturé voire réduit à néant par une exécution tardive.
Cependant, la commission a souhaité souligner en préalable le nécessaire renforcement des moyens en termes de fonctionnaires et notamment de greffiers que la mise en œuvre pratique de cet objectif implique. Elle a également préconisé que ces personnels bénéficient d’une formation particulière dans ce domaine leur permettant notamment de participer de manière efficace aux bureaux d’exécution des peines et des sanctions (voir supra).
Cette précision étant apportée, la commission rappelle que l’effectivité des sanctions implique tout d’abord une exécution aussi proche que possible de la décision, ce que devrait permettre l’exécution provisoire et la création du mandat de placement, outils à la disposition du juge. Elle repose également sur un certain nombre d’améliorations dans la mise à exécution des sanctions par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

I. Outils à disposition du juge

Un premier outil existe déjà et est maintenu en améliorant les garanties offertes au mineur, l’exécution provisoire ; un deuxième particulièrement innovant donne la possibilité au juge de délivrer un mandat de placement, immédiatement exécutoire ; un troisième résultera de la généralisation des bureaux d’exécution des sanctions éducatives et des peines pour mineurs (BEX).

A. Le maintien de l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 22 de l’Ordonnance du 2 février 1945, « Le juge des enfants et le tribunal pour enfants pourront, dans tous les cas, ordonner l’exécution provisoire de leur décision, nonobstant opposition ou appel.
Les décisions prévues à l’article 15 ci-dessus et prononcées par défaut à l’égard d’un mineur de treize ans, lorsque l’exécution provisoire en aura été ordonnée, seront ramenées à exécution à la diligence du procureur de la République, conformément aux dispositions de l’article 707 du code de procédure pénale. Le mineur sera conduit et retenu dans un centre d’accueil ou dans une section d’accueil d’une institution visée à l’article 10 ou dans un dépôt de l’assistance ou dans un centre d’observation. ».
La Cour de cassation fait une stricte application de ces dispositions et rappelle que « Selon les dispositions de l’art. 22, al. 1er, de l’ordonnance du 2 février 1945, le juge des enfants et le tribunal pour enfants peuvent, dans tous les cas, ordonner l’exécution provisoire de leur décision nonobstant appel ; ce texte qui ne prévoit aucune exception peut s’appliquer au prononcé d’une peine d’emprisonnement, le jugement ou l’arrêt constituant, en ce cas, le titre d’incarcération, sans qu’il soit nécessaire de décerner mandat de dépôt ou d’arrêt » .
Le principe de l’exécution provisoire des décisions du juge des enfants n’a d’ailleurs jamais souffert de contestations. Ainsi, l’article 22 de l’Ordonnance est issu de sa rédaction d’origine, excepté deux modifications relatives à l’alinéa 2, alors que le texte de l’Ordonnance a été modifié à 31 reprises depuis son élaboration.
Cependant, des membres de la commission ont souligné que si le maintien du système actuel ne posait pas de difficultés pour les sanctions éducatives et pour la majeure partie des peines en revanche, l’exécution provisoire des peines d’emprisonnement inférieures à un an rendait le régime d’application des peines des mineurs plus sévère que celui des majeurs.
D’autres membres soulignent pourtant que l’exécution provisoire est nécessaire même pour les courtes peines car elle facilite la compréhension de la réponse pénale. Pour les mineurs plus encore que pour les majeurs, il est nécessaire d’exécuter la peine au plus près de la condamnation si l’on veut en conserver le sens et les effets . Par ailleurs, il est parfois utile de mettre un coup d’arrêt à des agissements réitérés sur une brève période.
Enfin, des membres de la commission soulignent également que priver les juges des enfants de la faculté d’assortir les courtes peines d’emprisonnement de l’exécution provisoire risque d’avoir un effet pervers en les incitant à prononcer des peines plus longues.
Aussi, s’agissant de la limitation des aménagements de peines d’emprisonnement de moins de un an, il est rappelé que le tribunal des mineurs peut prononcer des aménagements de peine ab initio.
Dès lors, la question pour la commission n’est pas tant celle du maintien ou non de l’exécution provisoire mais plutôt celle de l’effectivité du droit d’appel du mineur dès lors que l’exécution provisoire constitue une dérogation au principe général du caractère suspensif des voies de recours.
Sur ce point, les membres de la commission adoptent le principe d’un recours sur l’exécution provisoire examiné en urgence par la chambre spéciale des mineurs dans un délai de 15 jours.

Proposition 63 : Maintien de l’exécution provisoire.

L’exécution provisoire est maintenue pour l’ensemble des sanctions et peines prononcées par le juge des mineurs et le tribunal des mineurs. En cas d’appel sur cette exécution, la cour d’appel a l’obligation de statuer dans un délai de quinze jours.

B. Création d’un mandat de placement.

Actuellement, les Service Educatif Auprès du Tribunal (SEAT) ou les Permanences Educatives Auprès du Tribunal (PEAT) ont pour mission de garantir une approche éducative de la situation des mineurs déférés ou qui se présentent au tribunal, seuls ou avec leur famille. L’article 12 de l’ordonnance du 2 février 1945 précise « le service de la protection judiciaire de la jeunesse compétent établit, à la demande du procureur de la République, du juge des enfants ou de la juridiction d’instruction, un rapport écrit contenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi qu’une proposition éducative.
Lorsqu’il est fait application de l’article 5, ce service est obligatoirement consulté avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire du mineur ou de prolongation de la détention provisoire.
Ce service doit également être consulté avant toute décision du juge des enfants au titre de l’article 8-1 et toute réquisition ou proposition du procureur de la République au titre des articles 7-2, 8-2 et 14-2. »
Dans la pratique, il est constaté qu’une des difficultés récurrentes des magistrats est celle de placer en urgence un mineur alors que cette mesure apparaît indispensable (éloignement du quartier, séparation d’un milieu familial pathogène, réitération d’actes de délinquance dans le quartier, alternative à la détention…). Cette problématique rejoint la préoccupation des élus qui souhaitent parfois l’éloignement de jeunes perturbant la collectivité.
De même, il arrive qu’un mineur soit placé sous mandat de dépôt dans la mesure où la permanence du SEAT (ou la PEAT) s’est vu opposer de multiples refus de différents foyers (exemple type : le profil du mineur ne correspond pas, il est trop jeune, la session a commencé …).
Les différents dispositifs départementaux ou régionaux ne disposent pas tous des mêmes ressources en matière de placement. Il peut arriver également que des difficultés temporaires de prise en charge, dues à des situations complexes de mineurs ou d’un manque conjoncturel de places disponibles empêchent le placement d’adolescents dans un établissement.
Au regard de ces difficultés quant à la recherche d’un lieu d’accueil sans délai pour les mineurs délinquants, la commission propose la création d’un mandat de placement adressé au directeur départemental.
Cette décision judiciaire garantirait le placement sans délai d’un mineur. Le mandat indiquerait le type de placement décidé par le magistrat (CER, CEF, foyers …). Le mandat donnerait autorité au directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse d’organiser le placement aussi bien dans le secteur public que dans le secteur associatif habilité. Il lui permettrait aussi de faire appel aux départements limitrophes si la modalité de placement déterminée par le magistrat n’est pas développée dans son département. Par ailleurs, dans l’hypothèse où celui-ci n’est pas réalisable immédiatement, il reviendrait au directeur départemental d’organiser l’accueil du mineur au sein du dispositif de placement et d’en informer le magistrat.
Le régime juridique du mandat de placement pourrait s’apparenter à celui du mandat de dépôt. Le juge des mineurs disposerait de la faculté de le délivrer selon qu’il sollicite ou non une mise en œuvre immédiate de sa décision de placement.
Enfin, ce mandat de placement serait un acte juridique renforçant les effets du prononcer de l’exécution provisoire. Certains membres de la commission se sont dès lors interrogés sur la responsabilité qui pèserait sur le directeur départemental et la possibilité de lui ouvrir un recours. Cette possibilité n’a pas été retenue.
Ce mandat concernerait tous les mineurs quel que soit leur âge.
La mise en œuvre de ce mandat conduira la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à réorganiser le dispositif de placement immédiat, plus particulièrement en garantissant, voire en créant si besoin, le nombre de places d’accueil immédiat nécessaire.
Proposition 64 : Création d’un mandat de placement.

Les juridictions pour mineurs pourront délivrer un mandat au directeur départemental de la protection judiciaire de la jeunesse aux fins de procéder sans délai au placement d’un mineur.

La commission préconise la création de places d’accueil immédiat dans le dispositif de placement géré par la protection judiciaire de la jeunesse.

C. Généralisation des BEX mineurs

La volonté d’une exécution rapide des décisions de justice prononcées par les juridictions pour mineurs suppose nécessairement la généralisation des bureaux de l’exécution des peines mineurs (BEX mineurs) afin de prendre en charge les mineurs dès leur sortie d’audience.
Il convient de rappeler que la mise en place des BEX majeurs dans 175 tribunaux de grande instance a permis d’augmenter le taux d’exécution des peines et offert la possibilité de donner une meilleure explication des jugements aux justiciables et aux victimes, contribuant ainsi à améliorer l’acceptation des décisions de justice.
Or, actuellement, on ne trouve pas de BEX mineurs pour chaque tribunal pour enfants.
Les BEX mineurs permettraient pourtant d’expliquer au mineur ou au jeune majeur condamné et aux personnes civilement responsables le contenu et la portée de la décision qui vient d’être prononcée, afin de rechercher leur adhésion dans la démarche d’exécution ; d’engager l’exécution des sanctions éducatives et peines, par exemple en remettant une convocation devant les services de la protection judiciaire de la jeunesse notamment pour l’exécution des peines de SME, TIG ou sursis TIG ; d’informer sur les voies de recours et les dommages et intérêts prononcés tant le mineur ou le jeune majeur condamné que les personnes civilement responsables ; d’informer les victimes sur les voies de recours sur l’action civile, les dommages et intérêts prononcés, les procédures d’indemnisation et de les orienter vers les associations d’aide aux victimes qui pourront les assister dans leur démarche.
Aussi, la commission partage la proposition du rapport de la mission d’information de la commission des lois sur « l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures » de généraliser les BEX mineurs, au sens d’une structure intégrant obligatoirement un personnel de greffe.

Proposition 65 : Généralisation des BEX mineurs.

II. Outils d’amélioration dans la mise à exécution des sanctions éducatives.

A. Création d’un cadre juridique pour les mineurs déclarés en fugue

Les débats de la commission ont longuement porté sur le placement en établissement éducatif, quel que soit le cadre juridique dans lequel il a été ordonné. Il est apparu nécessaire que le caractère obligatoire d’un placement ordonné dans le cadre pénal soit parfaitement signifié au mineur.
A ce titre, la commission a réfléchi à la possibilité de définir un cadre juridique à disposition des magistrats et des services de police et de gendarmerie afin de réagir à la fugue d’un mineur, placé dans un établissement éducatif dans un cadre pénal.
En effet, les représentants des services de police et de gendarmerie dans la commission ont souligné l’incertitude juridique régissant leur action afin de retrouver et retenir un mineur déclaré en fugue.
Clarifier la situation, tant d’un point de vue pratique que juridique, d’un mineur en fugue d’un foyer supposerait de permettre au service de police ou de gendarmerie, qui découvre le mineur, de le retenir un certain temps avant qu’il puisse être remis à son gardien.
Aujourd’hui, les instructions du fichier des personnes recherchées, telles que reprises dans le mémento de la direction centrale de la police judiciaire des conduites à tenir du fichier des personnes recherchées (version du 9 janvier 2007), rangent ces situations dans la catégorie :
"M 07 - fugueur signalé par l’établissement qui en a la garde (placement judiciaire ou administratif)".
La conduite à tenir est alors : "retenir l’intéressé, prendre toutes mesures de protection utiles à son égard, alerter sans délai le service demandeur, le magistrat requérant ou l’autorité judiciaire ou administrative ou le cas échéant le parquet local, qui donneront les instructions utiles"
Mais, en l’absence de texte législatif précis, ces instructions n’indiquent pas combien de temps le mineur peut être retenu.
La commission recommande d’envisager un cadre juridique de retenue du mineur dans les locaux des services de police et de gendarmerie, permettant une rétention d’une durée déterminée.
Le texte pourrait préciser que, si le mineur est découvert trop loin du foyer où il était placé, il devra être amené dans le foyer le plus proche désigné par un magistrat.

Proposition 66 : Création d’un cadre juridique permettant la prise en charge des mineurs en fugue.

B. Affirmation des outils de formation dans la mise en œuvre des actions d’éducation

Les membres de la commission actent que l’insertion d’un mineur délinquant est favorisée par l’inscription de celui-ci dans une activité scolaire ou de formation. A ce titre, ils préconisent que tout mineur pris en charge dans un cadre pénal puisse bénéficier d’une formation adaptée, scolaire ou professionnelle, y compris en détention.
Pour les mineurs pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse qui sont inscrits dans un dispositif scolaire ou de formation de droit commun, la commission préconise que l’action éducative permette la poursuite de ce projet (exemple : soutien à la scolarité).
Pour les mineurs qui ne sont pas inscrits dans un dispositif de droit commun, les membres de la commission recommandent qu’ils soient pris en charge en activités de jour au sein des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse pour une préformation scolaire ou professionnelle, après évaluation de sa situation.
Ainsi, le quotidien d’un mineur devra, dès le début de sa prise en charge, être structuré par un emploi du temps proposant des activités.
Afin de favoriser sa réinsertion, les membres de la commission souhaitent que, dès le début de la prise en charge, chaque mineur soit systématiquement inscrit dans le statut d’élève relevant du code de l’éducation ou dans celui de stagiaire de la formation professionnelle, relevant du code du travail.
Par ailleurs, les membres indiquent que ce nouveau mode de prise en charge va venir renforcer la prise en charge actuelle des mineurs, et notamment ceux suivis en milieu ouvert.
Les membres de la commission préconisent que, dès l’entrée du mineur en activités de jour, la recherche de son orientation après la fin de la prise en charge, soit travaillée en lien avec les dispositifs de droit commun.

Proposition 67 : Principe général selon lequel tout travail éducatif s’organise autour d’activités ou d’actions de formation.

A ce titre, la commission préconise que tout mineur suivi dans un cadre pénal puisse bénéficier d’une formation adaptée, notamment professionnelle, y compris en détention.

C. Création d’internats scolaires.

Pour les mineurs qui ne trouvent pas dans leur environnement familial et social les conditions nécessaires à leur réussite scolaire et à leur évolution vers une inscription sociale porteuse d’avenir, il convient d’inventer des propositions qui allient, sous des formes diverses et selon des modalités souples et différenciées, scolarité et prise en charge d’une partie du « hors temps scolaire ».
L’internat scolaire permet une mise à distance de la famille et des problématiques de dépendance dans lesquelles elle met souvent les adolescents difficiles. L’expérience montre que l’éloignement est souvent le meilleur moyen de dépasser les difficultés de séparation qui sont fréquemment à l’origine des troubles des comportements et des conduites chez des adolescents fragiles. Dans ces situations, les passages à l’acte apparaissent comme des formes ultimes de régulation de la distance relationnelle avec la famille ou l’entourage éducatif, ce qui contribue à favoriser la récidive.
Les internats scolaires constituent une réponse dès lors que l’organisation de la vie des mineurs et leur encadrement permet la prise en compte de chacun d’eux dans un collectif de pairs, avec les exigences évoquées ci-dessus.
Ils doivent pouvoir fonctionner en semaine sur le rythme de la scolarité ou de la formation et offrir, à certains élèves des propositions culturelles et sportives pour les fins de semaines et une partie du temps des vacances en lien avec les partenaires du tissu social de leur lieu d’implantation. (cf. dispositif Ecole Ouverte).
Ces internats ouverts à tous les élèves sont amenés à accueillir, pour une part, des élèves dont certains présentent des problèmes de comportement : refus d’autorité, incivilités, manifestations violentes ou dépressives, caïdat, conduites addictives (tabac, cannabis, alcool)…
L’encadrement de ces internats ne peut être uniquement assuré par des surveillants et les compétences de professionnels ayant une grande expérience de l’encadrement et de l’éducation des enfants et des adolescents en situation d’apprentissage y sont indispensables.
En tout état de cause, les parents doivent être associés étroitement à cette démarche. La commission suggère qu’au moins un établissement de ce type soit créé dans chaque académie.

Proposition 68 : Création de places en internat scolaire permettant de mieux assurer une scolarité ou une formation professionnelle dans le cadre d’un suivi en milieu ouvert ou suite à un placement.

D. Mise en place dans chaque région ou département d’établissements pouvant accueillir pour une courte période des mineurs présentant des troubles psychiatriques

Les auditions des différents médecins psychiatres ont permis aux membres de la commission de distinguer deux types de situations :
  Celle concernant des mineurs qui présentent des troubles psychiatriques avérés, c’est à dire reconnus comme tels par les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse comme par ceux de la psychiatrie.
  Celle concernant des mineurs présentant des « troubles limites ».
Pour la première, l’épidémiologie psychiatrique a montré que le trouble comportemental peut rester longtemps le principal symptôme d’un trouble psychiatrique sous jacent, et que les histoires de vie traumatiques, qui sont fréquentes dans la biographie des jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, sont également des facteurs de risque pour des pathologies psychiatriques avérées. Dans ces situations les filières sociales et judiciaires peuvent constituer des obstacles à la mise en place de soins précoces, d’autant qu’ils ne sont généralement pas demandés par le jeune ou son entourage. C’est souvent une situation de crise psychiatrique caractérisée qui est l’occasion d’un accès à des soins psychiatriques. Dans ces situations, le problème ne paraît jamais être celui de l’indication qui est toujours acceptée par la psychiatrie.
Le problème est par contre celui des modalités d’hospitalisation lorsque celle-ci est indiquée. C’est en particulier le cas d’une part pour les jeunes de moins de quinze ans du fait du manque de services d’hospitalisation psychiatrique suffisamment contenants, et d’autre part pour les adolescents plus âgés lorsque, l’urgence étant passée, il est indiqué de poursuivre un traitement hospitalier sur un temps plus long, du fait du manque de services d’hospitalisations pour adolescents et de l’inadéquation des services de psychiatrie générale au suivi au long cours de ces adolescents.
C’est également le problème des modalités de suivi post hospitalier (toujours nécessaire dans ces cas) du fait de la réticence des services éducatifs à reprendre ces mineurs après résolution de leur crise psychiatrique notamment lorsque cette crise a été violente ou spectaculaire ou lorsque le suivi impose la poursuite d’un traitement médicamenteux, même lorsque celui-ci est bien toléré ; ou du fait de la difficulté des services éducatifs à maintenir leur engagement dans les cas nécessitant de s’impliquer dans des suivis ambulatoires conjoints avec la psychiatrie.
Pour la seconde, elle concerne des mineurs dont les comportements mettent à mal les structures éducatives, sans qu’ils présentent des troubles psychiatriques reconnus comme tels par les classifications psychiatriques de référence. Schématiquement, ces comportements délinquants sont la manifestation exclusive ou dominante des difficultés psychiques sous jacentes. A ce titre, ces manifestations peuvent relever à la fois d’un abord éducatif dans le cadre judiciaire et d’un abord psychiatrique.
Dans l’état actuel de la science (cf. conférence de consensus sur la prise en charge des psychopathies), il est considéré que ces troubles limites nécessitent certes des soins psychiatriques, mais que ces soins ne peuvent se faire en hospitalisation prolongée en temps plein. L’hospitalisation peut certes intervenir dans les moments de décompensation aiguë mais cette intervention doit rester limitée dans le temps pour éviter des régressions graves conduisant à une surenchère des violences ou à une aggravation de leur état psychique. Dans l’état actuel des savoirs on préconise donc des prises en charge pluri focales associant autant que possible :
  des dispositifs de prise en charge sociale qui assurent l’hébergement et l’éducation lorsque ceux-ci ne peuvent être assurés par la famille ;
  des dispositifs de soin ambulatoire ou à temps partiel ;
  le recours à l’hospitalisation psychiatrique de durée limitée en cas de crise ;
  le cas échéant, des dispositifs de contenance et de réponse judiciaire à leurs transgressions.
Dans ces cas limites, c’est donc la notion même d’établissement adapté qui est remise en cause, la question dépassant de beaucoup le problème de l’âge. Pour la plupart des professionnels de la psychiatrie, il est impossible d’envisager un établissement qui soit en mesure de répondre seul à la problématique de ces jeunes qui, du fait des mécanismes de leur fonctionnement psychologique, ne peuvent supporter la mise en place d’un lien ou d’une contenance continue sans la remettre en cause violemment. Les professionnels considèrent que c’est cette caractéristique qui rend un adolescent « incasable », aucune solution, y compris la plus adaptée à ses besoins apparents, n’étant susceptible d’apaiser cette impossibilité de tolérer l’établissement de lien stable. C’est sur cette base que se sont développés plusieurs projets conjoints PJJ/ Psychiatrie comme l’établissement de placement éducatif et de traitement de la crise de Suresnes (EPETC) et les centres éducatifs fermés expérimentaux (CEF).
Une minorité de professionnels de la psychiatrie estime au contraire que la création d’établissements spécifiquement adaptés aux cas difficiles peut constituer une solution adéquate pour au moins une partie de ces cas. Cette position, très minoritaire, s’inspire notamment de l’expérience du Centre Pinel de Montréal. C’est en référence à ce centre que s’est créé à Nice le projet de la Sipad, établissement hospitalier dans lequel des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse interviennent.
Dans ces situations, les pratiques interdisciplinaires à développer imposent de ne plus réfléchir en termes de répartition des jeunes entre protection judiciaire de la jeunesse et psychiatrie mais selon une logique de complémentarité des compétences.
Dans l’attente d’une enquête de prévalence des troubles psychiatriques des mineurs pris en charge, il est actuellement impossible d’évaluer la fréquence relative de chacun de ces deux types de situation dans cette population. Les informations disponibles permettent néanmoins d’estimer que les cas relevant de pathologies psychiatriques avérées ne représentent qu’une petite minorité des cas difficiles suivis, même s’ils sont plus fréquents dans ce contexte qu’en population générale. La grande majorité des cas difficiles semblent donc relever de la catégorie des cas limites imposant un travail spécifique d’articulation entre la protection judiciaire de la jeunesse et la psychiatrie.

Proposition 69 : Généralisation des conventions entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les services de santé mentale.

L’objet de ces conventions est de permettre une prise en charge adaptée des mineurs le nécessitant, notamment sous la forme d’une hospitalisation de brève durée. La commission souhaite qu’un établissement permettant un tel accueil existe au sein de chaque région.

E. Modifications des règles relatives au casier judiciaire

A l’issue des débats sur l’effectivité de la sanction, la commission a considéré que si le casier judiciaire constitue un des éléments de la connaissance de la personnalité d’un mineur à travers son parcours judiciaire, il permet également d’apprécier la gradation des réponses pénales et de vérifier la réalité de l’exécution des décisions.
Il convient au préalable de rappeler que les condamnations prononcées à l’encontre d’un mineur n’apparaissent que sur l’extrait n°1 de son casier judiciaire.
En effet, l’article 775 1° du code de procédure pénale exclut du bulletin n°2 et, par voie de conséquence du bulletin n°3, toutes les décisions prononcées en application de l’ordonnance du 2 février 1945.
L’inscription des sanctions pénales obéit à un régime similaire à celui applicable aux majeurs (art 768 du CPP). Toutes les mesures et sanctions éducatives prononcées par le juge des enfants en audience de cabinet, par le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs sont inscrites à l’exception de la mesure de réparation prononcée en audience de cabinet en application des articles 8-1 et 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, ces 2 articles n’étant pas expressément visés dans l’article 768 3° du CPP et de la liberté surveillée.
Les mesures décidées dans le cadre des compositions pénales pour mineur instituées par la loi du 5 mars 2007 sont également inscrites.
Actuellement coexistent deux systèmes d’effacement des mentions du casier judiciaire, l’un automatique, l’autre facultatif.
Dans le premier cas, s’agissant des mesures et sanctions éducatives, l’effacement intervient à l’expiration d’un délai de 3 ans à compter du jour où la mesure a été prononcée, sauf si la personne a fait l’objet, pendant ce délai, d’une nouvelle décision pénale.
Dans le second cas, l’article 770 du code de procédure pénale prévoit que si la rééducation du mineur apparaît acquise, le tribunal pour enfants peut, sur requête du condamné, ordonner la suppression de la mention de la condamnation au casier judiciaire. Toutefois, cette demande ne peut être accueillie avant un délai de 3 ans à compter de ladite condamnation ou à l’issue du délai d’épreuve le cas échéant.
La commission a évoqué l’inscription de certaines décisions au bulletin N°2 et l’inscription de la totalité des sanctions éducatives et des peines au casier judiciaire. Si la seconde proposition a été adoptée, la première a été rapidement écartée.
Toutefois, la commission s’est montrée sensible à la personnalité en construction d’un mineur et au « droit à l’oubli ». Par conséquent, elle préconise l’effacement automatique des sanctions éducatives de ce même bulletin à l’anniversaire des 21 ans (et non plus dans un délai de trois ans après la condamnation). En revanche, consciente que des mineurs peuvent se réinsérer plus rapidement, elle souhaite le maintien de l’effacement des peines et des sanctions éducatives du bulletin numéro 1 à la demande de l’intéressé à compter de sa majorité et sous réserve que les sanctions et peines aient été exécutées. Le juge statue sur décision motivée sans condition de délai.

Proposition 70 : Modifications des règles du casier judiciaire.

La commission propose l’inscription systématique de toutes les sanctions éducatives au bulletin numéro 1 du casier judiciaire, l’effacement automatique des sanctions éducatives de ce même bulletin à 21 ans et le maintien de l’effacement des peines et des sanctions éducatives du bulletin numéro 1 à la demande du mineur et sur décision motivée du juge.

CONCLUSION

Au terme de plus de sept mois de travail, c’est un rapport riche de soixante-dix préconisations, qui ne sont certainement pas toutes d’égale importance que la commission soumet à Madame la garde des Sceaux. Il ne s’agit évidemment pas d’un projet de loi que l’on ne nous avait pas demandé d’élaborer, ni même de l’ossature d’un tel texte. Néanmoins, les propositions concernent tous les aspects essentiels de la justice pénale des mineurs, et pourraient désormais se retrouver dans un code qui lui serait dédié.
Ce rapport n’a pas l’ambition d’un travail de type universitaire. Il se veut simplement la reproduction, la plus fidèle possible, des débats qui ont animé nos travaux et ont conduit aux propositions que nous soumettons à la réflexion. L’objectif de notre commission a été de présenter un ensemble cohérent, réaliste parce que la possibilité de leur mise en œuvre a été vérifiée, avec l’ambition de modifier profondément la justice pénale des mineurs pour la rendre plus efficace. Le rapport se veut global, mais il ne s’agit pas d’un rapport « clés en mains ». Les évolutions que nous proposons ne remettent nullement en cause les principes essentiels du système français de justice pénale des mineurs. Celui-ci est traditionnellement classé dans la catégorie des systèmes dits mixtes, en ce qu’il assure un équilibre entre éducation et répression, et qu’il garde en permanence le souci de préserver la rééducation des mineurs à tous les niveaux de la procédure sans pour autant en sacrifier l’efficacité. Cette orientation de la réflexion s’est naturellement imposée à notre commission nonobstant la diversité des personnalités la composant. Le caractère raisonnable des propositions sur les points qui pouvaient le plus facilement susciter la polémique en est sans doute la conséquence logique.
Pour autant, il importe de ne pas se méprendre sur la volonté de la commission de proposer des solutions radicalement innovantes, notamment dans le traitement de la délinquance des mineurs les plus difficiles, multirécidivistes ou multiréitérants.
La commission a été rapidement persuadée que l’amélioration fondamentale de la justice pénale des mineurs passait obligatoirement par la maîtrise du temps des procédures à tous les niveaux. Il faut qu’une réponse soit apportée à tout fait de délinquance mais encore faut-il qu’elle intervienne dans un délai raisonnable, qu’elle soit cohérente dans le parcours du mineur et qu’elle soit exécutée le plus rapidement possible.
Sans doute, les propositions pourront apparaître timorées à ceux qui attendaient une sorte de grand soir d’un alignement, pourtant impossible, avec la justice des majeurs pour les 16 à 18 ans. Dans le même temps, elles seront certainement jugées inacceptables par ceux qui considèrent toujours qu’il y a une totale incompatibilité entre sanction et éducation.
La commission a au contraire le sentiment, tout en ayant respecté les objectifs assignés dans la lettre de mission de Madame la Garde des Sceaux, de présenter un projet équilibré au sens où l’entend le Conseil constitutionnel, ayant su « jusqu’où elle pouvait aller trop loin » en imaginant un système suffisamment dissuasif, sans pour autant hypothéquer l’avenir du mineur .
Il reste à préciser que la réussite d’une réforme impliquera sans doute la réalisation de conditions que notre commission n’avait pas nécessairement à envisager.
Une première condition est relative aux moyens qu’une telle réforme nécessiterait. On ne peut nier que, parce que la commission était composée de nombreux professionnels, ses débats ont parfois été animés voire pollués par la question des moyens. Il en a été ainsi chaque fois qu’une innovation proposée paraissait, au moins sur le plan des principes, conduire à ce que les moyens attribués à la justice pénale des mineurs et particulièrement à l’administration de la protection judiciaire de la jeunesse soient renforcés. La commission n’a pour autant jamais ignoré les problèmes de rationalité budgétaire. Chaque proposition a été expertisée du point de vue de sa faisabilité y compris en termes de postes indispensables. Il faut notamment souligner qu’une plus grande maîtrise du temps éducatif, en substituant à un temps long souvent peu productif un temps plus court mais avec un suivi plus intensif, n’induit pas forcément des moyens supplémentaires. Il reste cependant à indiquer, avec toute la réserve qui s’impose à notre commission, qu’il n’est pas contestable qu’une réforme totalement réussie, puisqu’elle est avant tout fondée sur la célérité, implique que ceux qui doivent la mettre en œuvre soient plus nombreux.
Une seconde condition plus générale tient à une nécessaire prise de conscience que le traitement de la délinquance des mineurs est une priorité absolue. Il faudrait évidemment que cette priorité se traduise d’abord d’une manière très concrète dans l’organisation même du fonctionnement de la justice. Un témoin extérieur peut trop souvent avoir le sentiment que la justice des mineurs est un peu le parent pauvre de la justice pénale. Est-il normal pour ne prendre qu’un seul exemple qu’un grand tribunal ne puisse lui attribuer qu’une seule salle d’audience que doivent se partager l’ensemble des juges des enfants, au risque de retarder considérablement l’audiencement des affaires de mineurs. Peut-être lorsqu’il s’agit de faire face aux inévitables postes non pourvus, aux absences de tous ordres, les responsables devraient-ils se dire que le non remplacement est encore plus préjudiciable lorsqu’il s’agit d’un magistrat qui s’occupe des mineurs.
Bien au delà de cette approche pragmatique, on doit rappeler que si performante que soit la nouvelle loi, elle ne règlera pas tous les problèmes. Le traitement de la délinquance des mineurs concerne la société tout entière et certaines institutions auditionnées n’ont pas hésité à considérer qu’il faudrait faire de la lutte contre ce fléau une grande cause nationale . On sait hélas, que les raisons de cette délinquance sont multiples et complexes. C’est en continuant de développer une politique d’ensemble agissant sur les différents terrains de l’action sociale mais surtout en coordonnant les politiques de prévention et les politiques pénales, qu’il y a des chances sérieuses de réussir cette très ambitieuse entreprise.
Dans le cas contraire, peut-être faudra-t-il se souvenir de cette formule de Georges Bernanos prophétisant « Le monde va être jugé par les enfants » .

TABLE DES MATIERES

Introduction 24
TITRE 1 Une justice pénale des mineurs plus lisible 45
Chapitre 1. La clarification des instruments juridiques 46
SECTION 1. D’un point de vue formel : une justice plus facilement accessible 46
I. Élaboration d’un code dédié 46
II. Intitulé du nouveau code : 48
III. Simplification de certaines mesures applicables aux mineurs 49
IV. Des terminologies plus adaptées 50
V. Le choix d’un classement des réponses à une infraction en deux catégories : sanctions éducatives et peines 51
VI. L’ossature du code de la justice pénale des mineurs 52
SECTION 2. D’un point de vue substantiel : une justice des mineurs aux principes fondamentaux réaffirmés 53
I. Rappel du cadre constitutionnel 54
II. Influence de la jurisprudence européenne 55
III. Formulation liminaire des fondements de la justice pénale des mineurs 56
IV. Déclinaison des grands principes directeurs 57
A. Principes de droit pénal 57
1. Primauté de l’éducatif et caractère subsidiaire de la peine 57
2. Atténuation automatique de la responsabilité en fonction de l’âge sauf exception prévue par la loi. 58
3. Caractère exceptionnel de l’emprisonnement 60
B. Principes de procédure pénale 61
1. Spécialisation des juridictions ou des procédures 61
2. Prise en compte nécessaire de la personnalité des mineurs 63
3. Nécessité et cohérence de la réponse pénale 64
4. Implication nécessaire des parents tout au long de la procédure 66
5. Assistance de l’avocat 67
6. Publicité restreinte 67
Chapitre 2. La mise en place d’un cadre juridique précis : les protagonistes de la Justice pénale des mineurs 70
SECTION 1. Les mineurs relevant de la justice spécialisée 70
I. Le choix d’un âge de responsabilité pénale 70
A. Etat du droit 70
B. Contexte juridique international 71
C. Seuil d’âge retenu 72
II. Conséquences de la fixation d’un seuil d’âge à douze ans 76
A. En matière de détention provisoire 76
B. En matière de garde à vue 79
C. En matière de traitement des actes délinquants des mineurs de moins de 12 ans 82
III. L’affirmation de l’âge de la majorité pénale 85
IV. Le doute sur l’âge du mineur 86
SECTION 2. Les juridictions assurant une justice spécialisée 86
I. Spécialisation des acteurs réaffirmée autour d’intervenants mieux formés 87
A. Spécialisation des acteurs judiciaires. 87
B. Nécessité d’une formation pluridisciplinaire, initiale et continue de l’ensemble des acteurs. 88
II. Maintien de la double compétence du juge des mineurs 89
A. Clarification des missions civiles et pénales du juge. 92
B. Rééquilibrage des missions du magistrat entre assistance éducative et délinquance des mineurs 93
C. Prolongement de cette double compétence : une organisation non spécialisée des collaborateurs du juge des mineurs. 94
TITRE 2 Une justice pénale des mineurs adaptée à l’évolution de la délinquance 97
Chapitre 1. Nécessité d’une réponse systématique 98
SECTION 1. Une réponse associant davantage la société civile 99
I. Instauration d’un traitement de proximité de la première infraction. 99
A. Cohérence avec les engagements internationaux de la France 100
B. Apports du droit comparé : 100
C. Processus amorcé par la loi du 5 mars 2007 101
D. Création d’une nouvelle structure à la composition repensée et aux pouvoirs renforcés 102
II. Implication renforcée de la société civile dans la mise en œuvre des mesures de réparation ou des peines de travail d’intérêt général 104
SECTION 2. Une réponse associant davantage les civilement responsables 106
I. Information améliorée des parents sur le déroulement de la procédure pénale 106
II. Maintien du principe de la remise à parents sous une nouvelle appellation et sous des conditions de prononcé différentes 107
III. Introduction des jugements contradictoires à signifier à l’égard des civilement responsables 108
IV. Création d’une infraction de non-comparution à l’audience des civilement responsables 109
A. Principe d’une sanction de l’absence à l’audience des civilement responsables : une possibilité largement débattue et finalement adoptée 109
B. Amendes civiles : une possibilité peu utilisée et inadaptée 110
C. Limites de l’article 227-17 du code pénal 111
D. Création d’une infraction distincte de non comparution à l’audience 111
E. Possibilité de sanctionner cette infraction par le prononcé de stages de parentalité 112
SECTION 3. Une réponse intégrant davantage les victimes 113
I. Amélioration de la situation des victimes 113
A. De l’accueil et de l’information des victimes 113
B. Limitation du nombre d’audiences auxquelles les victimes sont convoquées 114
C. Amélioration de l’indemnisation des victimes 117
1. Nécessité de mentionner sur procès-verbal les références de l’assureur des civilement responsables du mineur. 117
2. Obligation pour les assureurs des civilement responsables de proposer aux victimes une indemnisation dans un délai préfix. 119
3. Maintien de la possibilité de saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infraction pour la réparation des faits commis par les mineurs de moins de 12 ans. 120
4. Instauration d’une permanence victimes organisée par les barreaux. 121
II. Développement de la justice restaurative à tous les stades de la procédure 122
A. Des mineurs globalement peu sensibilisés aux conséquences de leurs actes pour les victimes 122
B. L’intérêt de la justice restaurative 123
Chapitre 2. La cohérence de la réponse 126
SECTION 1. La cohérence procédurale 127
I. Articulation des réponses : domaine correctionnel et contraventionnel (5ème classe) 127
A. Hiérarchisation plus lisible des alternatives aux poursuites ordonnées par le parquet 128
1. Mise en place d’un traitement de proximité des infractions les moins graves commises par les primo-délinquants 128
2. Formalisation d’une liste exhaustive et hiérarchisée des alternatives aux poursuites 129
B. Instauration d’un avertissement final délivré par le parquet 132
1. Rejet d’une limitation a priori du nombre des alternatives aux poursuites 132
2. Modalités de l’avertissement final 133
C. Maintien de la composition pénale 134
1. Application de la composition pénale aux mineurs : une possibilité discutée mais finalement retenue 135
2. Maintien de la composition pénale comme une mesure de même rang que l’avertissement final 136
3. Obligations de la composition pénale repensées et intégrées exhaustivement dans le nouveau code 136
II. Les nouvelles instances de jugement 137
A. Maintien de la juridiction du juge des mineurs statuant en chambre du conseil 138
B. Création d’un juge des mineurs statuant comme juge unique 140
C. Création d’un tribunal correctionnel pour mineurs 144
1. Un tribunal correctionnel pour mineurs compétent pour juger les mineurs de plus de 16 ans 144
2. Un tribunal correctionnel pour mineurs compétent pour juger les jeunes majeurs 148
D. Maintien de la procédure criminelle 149
SECTION 2. La cohérence des sanctions. 150
I. Orientations préalables 151
A. Fusion des mesures et des sanctions éducatives en matière pénale 151
B. Le cumul possible des sanctions éducatives et des peines 154
C. Nécessaire adaptation des règles concernant les sanctions des mineurs 156
1. Raccourcissement du délai d’épreuve pour le sursis avec mise à l’épreuve et le sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général. 157
2. Encadrement renforcé de l’exécution des sanctions. 158
3. Recours plus ouvert aux aménagements de peines. 161
D. La diversification des sanctions 165
1. Favoriser les sanctions alternatives à l’incarcération. 166
2. Adoption d’une nouvelle peine d’incarcération. 166
II. Elaboration d’une liste simplifiée des sanctions éducatives et des peines 167
A. Etat des lieux 167
1. Complexité du cadre juridique actuel 167
2. Regard des professionnels sur le système actuel 172
3. Perception par les mineurs. 173
B. Principe de distinction entre alternatives aux poursuites et sanctions éducatives. 175
C. Distinction des mesures prises dans un cadre pré-sentenciel et post-sentenciel 177
1. Les mesures pré-sentencielles. 177
2. Les sanctions post-sentencielles 183
III. Gradation des sanctions 190
A. Gradation de la réponse dans le respect de la libre appréciation du magistrat. 190
B. La sanction de l’inexécution d’une sanction éducative. 193
Chapitre 3. La célérité de la réponse 195
SECTION 1. Accélération raisonnée de la réponse pénale 196
I. Condition préalable : L’indispensable connaissance de la personnalité du mineur. 196
A. Le recueil de renseignements sur la situation personnelle et familiale du mineur dès l’enquête 196
B. L’examen de la personnalité dès la première saisine du juge des mineurs 197
C. Le dossier unique de personnalité 199
D. Le réexamen semestriel de la situation du mineur 201
E. La durée des mesures d’investigations sur la personnalité 202
F. La présence obligatoire des services éducatifs à toutes les audiences 204
II. Instauration d’une nouvelle procédure en matière délictuelle 204
A. L’instruction simplifiée 205
B. Limitation de la durée des instructions préparatoires 209
D. Délai de traitement des requêtes pénales 210
E. Ordonnance de renvoi 211
F. Césure de la procédure 213
G. Saisine directe des différentes formations de jugement 215
SECTION 2. Exécution effective des décisions judiciaires. 216
I. Outils à disposition du juge 217
A. Le maintien de l’exécution provisoire 217
B. Création d’un mandat de placement. 219
C. Généralisation des BEX mineurs 221
II. Outils d’amélioration dans la mise à exécution des sanctions éducatives. 221
A. Création d’un cadre juridique pour les mineurs déclarés en fugue 221
B. Affirmation des outils de formation dans la mise en œuvre des actions d’éducation 223
C. Création d’internats scolaires. 225
D. Mise en place dans chaque région ou département d’établissements pouvant accueillir pour une courte période des mineurs présentant des troubles psychiatriques 226
E. Modifications des règles relatives au casier judiciaire 228
Conclusion 231

LISTE DES ORGANISATIONS ET PERSONNALITES AUDITIONNEES OU CONSULTEES

ORGANISATIONS SYNDICALES

Force Ouvrière Magistrats

SNEPS-PJJ-FSU, Syndicat national des personnels de l’éducation et du social

Syndicat de la Magistrature

Union Syndicale des Magistrats

UNSA-PJJ

ASSOCIATIONS ET FEDERATIONS

AFMJF, Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille

AMF, Association des maires de France

AVEDE-ACJE, Association d’aide aux victimes à Evreux

Citoyens et Justice

FNAPTE, Fédération nationale des assesseurs des tribunaux pour enfants

UNAF, Union nationale des associations familiales

UNASEA, Union nationale des associations de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence

UNICEF

UNIOPSS, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux

PERSONNALITES

Mme Dominique ATTIAS, avocat, membre du Conseil de l’ordre du barreau de Paris, en charge de l’antenne des mineurs

M. Maurice BERGER, chef de service en pédopsychiatrie au CHU de Saint Etienne

Monsieur BOTBOL, médecin psychiatre

Madame Carmela CAVALLO, chef du département pour la justice des mineurs au ministère de la Justice en Italie.

M. David COHEN, professeur des universités Praticien hospitalier Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière Service de psychiatrie et de l’adolescent

Mme Corinne DETTMEIJER-VERMEULEN, juge des enfants au Pays-Bas

Mademoiselle Audrey GUILLOT, greffier, ex-chef de pôle au TPE de Melun

M. Hugues LAGRANGE, sociologue, directeur de recherche au CNRS

M. Bertrand MATHIEU, professeur à l’université de Paris 1, Président de l’association française de droit constitutionnel

M. SACAZE, avocat, ancien bâtonnier du barreau d’Orléans, membre du Conseil National des Barreaux

M. TURMEL, procureur en chef et directeur du droit des victimes et de la jeunesse au ministère de la Justice du Québec

Mme Dominique VERSINI, Défenseure des enfants

OBSERVATIONS ADRESSEES AU PRESIDENT DE LA COMMISSION SANS AUDITION

AFC, Association française de criminologie

Association des juges de proximité