#TDM
#1#Réaction de l’AFMJF
Réaction au décret du 4 février 2008 modifiant le code de l’organisation judiciaire et relatif à la justice des mineurs
A - Sur la partie "juridiction des mineurs au sein du TGI",
Au regard du vide qui existait dans
les petites et moyennes juridictions, ce décret est le bienvenu et était attendu par les professionnels.
Il permet en effet d’institutionnaliser les fonctions de coordination et de représentation des juges des enfants. Il ne pourra qu’améliorer le dispositif de protection de l’enfance en favorisant une réflexion commune, en encourageant le développement d’actions concertées entre les divers acteurs du système de protection de la jeunesse.
Cependant, il me semble en deçà de ce que l’on aurait pu souhaiter tout au moins pour les moyennes et grandes juridictions ayant trois juges des enfants ou plus :
J’observe, et c’est positif, qu’il est enfin reconnu au juge des enfants, responsable de la juridiction des mineurs, un rôle d’animation, d’organisation et de représentation des tribunaux pour enfants. Cette reconnaissance est la bienvenue au regard des nouvelles compétences données aux
conseils généraux par la loi du 5 mars 2007.
Il n’est en effet plus possible dans le domaine de la protection de l’enfance où existe une forte interdépendance entre l’action des départements et de la
justice de montrer une institution judiciaire éclatée face à l’unité et à la structuration hiérarchique del’entité départementale.
L’indépendance du juge qui doit être absolue dans sa décision juridictionnelle
n’exclut pas la nécessité d’une action de coordination sur certaines pratiques suscitant des disparités de nature à affecter l’équilibre institutionnel et, partant, l’efficacité du dispositif mis en place.
Reste, et je le regrette, qu’à aucun moment n’est énoncé la reconnaissance d’un véritable statut de président du tribunal pour enfants que j’appelai de mes voeux, non pour sur-ajouter un niveau hiérarchique au sein des juges des enfants ou concurrentiel avec le président du TGI, mais
pour voir tirer toutes les conséquences des missions spécifiques du tribunal pour enfants au sein du tribunal de grande instance, notamment dans ses relations avec l’extérieur. Donner souplesse et
consistance aux relations du tribunal pour enfants avec les autres services du TGI (parquet des
mineurs, juges aux affaires familiales, juges des tutelles, juges d’application des peines, juges
d’instruction des mineurs) mais aussi avec ses partenaires extérieurs concourant à la protection de
l’enfance (conseil général, Protection Judiciaire de la Jeunesse, inspection académique, commune,
service de PMI) et permettre ainsi de reconnaître les responsabilités au niveau où elles sont
réellement exercées.
A ce titre, je suis partisan de "postes à profil" pour cette fonction avec un examen des
candidatures par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) au même titre que pour les présidents
des TGI, au regard des qualités humaines, organisationnelles, d’animation et d’impulsion nécessaires
et indispensables à cette fonction et donc voir reconnu un statut de président de tribunal pour enfants
ayant véritable délégation de compétence du président du TGI sur l’activité interne du tribunal pour
enfants.
Bien entendu cette proposition statutaire aurait nécessité d’en prendre acte dans la structure
interne de la magistrature en créant des postes de "premier vice-président chargé d’un tribunal pour
enfants" comme cela existe déjà au niveau des tribunaux de grande instance et même à Paris chez
les juges d’instruction chargés des affaire de terrorisme.
Le décret a préféré suivre une voie plus classique : désignation du juge des enfants
coordinateur par le président du Tribunal de Grande Instance, après avis (consultatif) de l’assemblée
générale des magistrats du siège.Il convient d’espérer que cette désignation ne suscitera pas de
difficultés particulières et se fera en concertation avec l’ensemble des acteurs judiciaires de la
protection de l’enfance. A ce titre, le débat au sein de l’assemblée générale des magistrats du siège
peut être prometteur.
Enfin, en ce qui concerne l’élaboration d’un rapport d’activité annuel de chaque juridiction des
mineurs, je ne peux que me louer de sa formalisation dans le décret, même si beaucoup de tribunaux
pour enfants, incités par une ancienne circulaire du ministère de la justice, continuent à rédiger de tels
rapports.
Rappelons cependant que si cette pratique fort utile n’est pas généralisée dans l’ensemble
des tribunaux pour enfants, c’est que certains juges des enfants déplorent qu’aucune exploitation
nationale n’en soit faite par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse et se demandent si ce
gros travail n’est pas dénué de sens. Réactiver l’obligation d’élaborer ce rapport permettra de relancer
un outil de nature à favoriser la réflexion commune des juges des enfants et par la même à améliorer
la justice des mineurs. La collaboration ponctuelle d’un statisticien serait sans doute fort utile afin de
« faire parler » les chiffres. Ce document pourrait par ailleurs faire l’objet d’une diffusion aux autres
acteurs de la protection de l’enfance assurant ainsi une certaine lisibilité de l’action judiciaire.
Ces rapports devraient faire l’objet d’une exploitation scientifique au niveau du centre d’étude et de
recherche (CNFE) de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Cela permettrait de relancer une
réflexion au plan national à partir des pratiques professionnelles et des expériences innovantes, trop
souvent méconnues, mises en place dans les juridictions des mineurs.
B - Sur le conseiller délégué à la protection de l’enfance, je ne peux que me féliciter de
l’obligation qui lui est faite de produire également un rapport annuel sur le fonctionnement des
tribunaux pour enfants du ressort de sa cour d’appel.
J’aurai cependant préféré que le décret lui donne
une mission plus large afin d’éviter des rapports trop techniques, trop judiciaro-judiciaires. En effet, le
partenariat avec l’extérieur et la conception de projets innovants me semblent fondamentaux dans la
fonction de juge des enfants ; ils méritent une impulsion du conseiller délégué à la protection de
l’enfance.
Le texte aurait pu également prévoir, toujours dans un souci d’efficacité, une communication
formalisée et donc obligatoire entre le conseiller des mineurs et les juridiction des mineurs ou, tout au
moins, un "retour dialogué" de ce rapport vers les juridictions.
Thierry Baranger
Vice-président chargé des enfants Nanterre
Membre du comité directeur de l’AFMJF
#2#Le décret
Décret n° 2008-107 du 4 février 2008 modifiant le code de l’organisation judiciaire et relatif à la justice des mineurs // NOR : JUSB0764167D
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice
Vu le code de l’organisation judiciaire ;
Vu le code civil, notamment ses articles 375 à 375-9-2 ;
Vu l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée relative à l’enfance délinquante ;
Vu le décret n° 75-96 du 18 février 1975 fixant les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur de jeunes majeurs ;
Le Conseil d’Etat (section de l’intérieur) entendu,Décrète :
Article 1
Il est inséré, au chapitre III du titre II du livre II du code de l’organisation judiciaire (partie réglementaire)intitulé : " Dispositions particulières à la protection de l’enfance ", un article R. 223-1 ainsi rédigé :
" Art. R. 223-1. - Le conseiller délégué à la protection de l’enfance, chaque fois qu’il le juge nécessaire, et au moins une fois par an, établit un rapport sur le fonctionnement des tribunaux pour enfants du ressort de la cour d’appel, qu’il transmet au premier président de celle-ci ainsi qu’aux présidents des tribunaux de grande instance dans lesquels il existe un tribunal pour enfants.
" Le premier président de la cour d’appel communique ce rapport et ceux mentionnés à l’article R. 522-2-1 au ministre de la justice, avec ses observations. "Article 2
Après l’article R. 522-2 du même code, sont insérés les articles R. 522-2-1 et R. 522-2-2 ainsi rédigés :
" Art. R. 522-2-1. - Lorsque dans un tribunal de grande instance plusieurs magistrats du siège sont chargés des fonctions de juge des enfants, le président du tribunal, après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège, désigne l’un d’eux pour organiser le service de la juridiction des mineurs et coordonner les relations de cette juridiction avec les services chargés de la mise en œuvre des mesures prises par celle-ci.
" Le juge des enfants désigné adresse, au moins une fois par an, un rapport sur l’activité du tribunal pour enfants au président du tribunal de grande instance, qui le transmet au premier président de la cour d’appel.
" Les attributions mentionnées au premier alinéa sont exercées sous l’autorité du président du tribunal de grande instance.
" En cas d’absence ou d’empêchement du magistrat désigné, le juge des enfants dont le rang est le plus élevé exerce ces attributions.
" Art. R. 522-2-2. - Dans les tribunaux pour enfants mentionnés à l’article R. 522-2, le magistrat chargé des fonctions de président du tribunal pour enfants exerce les attributions prévues aux deux premiers alinéas de l’article R. 522-2-1.
" En cas d’absence ou d’empêchement, ces attributions sont exercées par le vice-président du tribunal pour enfants ou à défaut par le juge des enfants dont le rang est le plus élevé. "
Article 3
L’article R. 761-24 du même code est complété par les dispositions suivantes :
" 12° Emet un avis, en cas de pluralité de magistrats chargés des fonctions de juges des enfants, sur la désignation par le président de celui qui exercera les attributions mentionnées à l’article R. 522-2-1. "
Article 4
Le présent décret est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Article 5
La ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et la garde des sceaux, ministre de la justice, sont chargées, chacune en ce qui la concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 4 février 2008.