Projet de loi sur la participation des citoyens à la justice pénale et sur le jugement des mineurs : argumentaire de l’AFMJF

#TDM

La justice pénale des mineurs a fait l’objet de quatre réformes directes depuis 2002.
De multiples autres réformes, modifiant le droit pénal ou la procédure pénale, adoptées au cours des deux dernières législatures, non spécifiquement destinées aux mineurs, leur sont également applicables.

Depuis 2007, une réforme globale de l’ordonnance de 1945 est annoncée.
C’est dans ce but que, dans un premier temps, la commission Varinard a été constituée et a diffusé son rapport au cours de l’année 2008.
Dans un second temps la Chancellerie s’est attelée à la rédaction d’un projet de code pénal des mineurs. Les travaux autour de ce projet se poursuivaient encore il y a quelques mois.

Si de nombreuses divergences persistaient sur l’esprit et les orientations de la loi envisagée, il y avait un consensus pour vouloir mettre fin à ces réformes ponctuelles, parfois contradictoires, qui contribuent à un état d’insécurité juridique tant pour les professionnels que pour les justiciables.

Pourtant les propositions et les annonces de réformes de circonstances se sont poursuivies :
Proposition de Loi sur la publicité restreinte, abaissement de la majorité pénale, sanction des parents d’enfants condamnés…
Enfin, suite au vote récent de la Loi LOPPSI 2, la plupart des dispositions relatives à la justice des mineurs adoptées dans ce cadre, ont été censurées par la décision du Conseil Constitutionnel du 10 mars 2011.
Malgré ce coup de semonce, dans la précipitation, une nouvelle réforme est en voie d’être adoptée.

L’Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille, seule organisation professionnelle représentative des juges des enfants, n’a été ni informée ni consultée avant les travaux parlementaires.

Le projet reprend, avec un toilettage superficiel, certaines des dispositions censurées le mois dernier par le Conseil Constitutionnel (citation directe devant le Tribunal).
Il instaure le tribunal correctionnel pour mineurs, pourtant écarté par le projet de nouveau code pénal des mineurs après un arbitrage du gouvernement.
D’autres mesures proposées relèvent d’a priori non vérifiés et ne reposent sur aucune analyse des besoins ou aucune évaluation fiable des dernières réformes adoptées.

En vidant de leur sens les principes de priorité éducative et de spécialisation de la procédure applicable aux mineurs, le projet de loi achève la déconstruction de l’ordonnance de 1945 et la consécration d’une justice des mineurs qui ne s’intéresse plus qu’aux actes commis par ces derniers et non plus à l’évolution durable d’une personnalité en construction.

Une fois de plus la réforme de la justice des mineurs est utilisée comme un moyen de communication politique partisan sans aucune volonté de dessiner un projet ambitieux pour l’enfance en difficulté.

#1#I/ La priorité éducative en trompe l’œil

Dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil Constitutionnel a rappelé la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
Il a estimé que la priorité éducative ne permettait pas de généraliser des dispositions répressives (extension des peines planchers) et que le tribunal devait disposer d’informations récentes sur la personnalité du mineur lui permettant de rechercher son relèvement éducatif.
Dans le projet qui nous est soumis, le rédacteur tente d’écarter les limites posées par la haute juridiction en appliquant à la lettre du texte un « vernis éducatif » contredit immédiatement par son contenu et ses incidences.

L’article 14 du projet de loi instaure le dossier unique de personnalité. Il s’inspire de la pratique innovante, initiée par les juges des enfants eux-mêmes à titre expérimental, dans le but de réunir les différents éléments d’information concernant un même mineur dés lors qu’il peut faire d’objet de plusieurs procédures.
L’AFMJF, dans son propre projet de réforme de la justice pénale des mineurs, a poussé plus loin cette idée en proposant de créer une « procédure unique » réunissant, s’il y a lieu, les différentes infractions commises sur une période donnée pour permettre d’adapter facilement les mesures à l’évolution du mineur et de juger son parcours à l’issue d’une période de mise à l’épreuve.
Dans les deux hypothèses, la finalité du dossier unique vise à une meilleure individualisation de la réponse judiciaire et éducative et à garantir la réactivité, la cohérence et la continuité du suivi.
Ce dossier est placé sous la responsabilité du juge des enfants, magistrat spécialisé attaché à la personne de l’enfant concerné, et soumis aux règles de la confidentialité et du contradictoire.
Les tribunaux pour enfants sont en difficulté pour tenir régulièrement ces dossiers de personnalité en raison du manque d’effectif de greffiers qui ne disposent pas du temps nécessaire pour assumer une tâche supplémentaire.

Dans le projet qui nous est soumis le dossier de personnalité est détourné de la finalité annoncée. Plus que d’améliorer la connaissance de la personnalité du mineur, il est question d’accélérer son jugement et d’écarter les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance de 1945 « investigations sur la connaissance de la personnalité du mineur et ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation ».
En effet, il est envisagé de pouvoir joindre au dossier unique de personnalité, le cas échéant, des éléments recueillis au titre d’une procédure d’assistance éducative. Par ce biais, un enfant pourrait être jugé selon une procédure rapide, sans qu’il soit nécessaire d’instituer une mesure d’investigation sur le plan pénal.
Le dévoiement de cette disposition s’illustre de manière criante à la lecture de l’article 26 du projet réformant la procédure de présentation immédiate : un adolescent en danger (souvent victime de carences ou de maltraitance) pourra être jugé dès sa première infraction selon une procédure plus répressive car il aura déjà fait l’objet d’une mesure de protection. Alors que l’auteur d’un délit qui n’aura pas été signalé préalablement à la justice au titre de l’enfance en danger devra dans un premier temps faire l’objet d’une mesure éducative. Le droit pénal des mineurs invente ici une nouvelle version de la « double peine », celle d’être mal né !

La possibilité de verser au dossier unique de personnalité des rapports issus de la procédure d’assistance éducative soulève, en outre, de nombreuses questions, compte tenu, d’une part des règles strictes qui encadrent l’accès aux pièces d’un dossier d’assistance éducative et d’autre part du fait que les investigations menées au civil concernent très souvent non pas uniquement le mineur poursuivi au pénal mais toute sa fratrie.

Le dossier unique de personnalité serait placé sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants.
Or, seule la compétence du juge des enfants est déterminée par la personne de l’enfant. C’est pourquoi, le juge des enfants doit détenir le dossier de personnalité concernant le mineur et doit décider de joindre le cas échéant quels éléments du dossier d’assistance éducative peuvent être joints. Les avocats et le procureur peuvent le solliciter à ce titre. En tant que juge du siège, le juge des enfants est tenu par une procédure limitant l’accès des pièces aux parties concernées par la procédure en cours aux fins d’assurer le respect de la vie privée de l’enfant, de ses parents et éventuellement des tiers. Saisi des différentes procédures pouvant concerné un même enfant (tant au civil qu’au pénal), il est à même d’assurer la cohérence de la réponse de la justice.
Comme pour tous les éléments de procédure, le parquet peut demander communication du dossier de personnalité. Le juge d’instruction, comme il le fait déjà, sollicitera également communication des pièces.

Le dossier unique de personnalité tel qu’envisagé dans le présent texte se heurte donc au respect de la confidentialité et de la vie privée et aux principes du procès équitable exigés par la convention européenne des droits de l’homme.

#2#II/ La spécialisation de la justice des mineurs déconstruite

Par la remise en cause du rôle du juge des enfants

L’ordonnance du 2 février 1945 a créé le juge des enfants, magistrat spécialisé, clé de voûte de l’ensemble du système dédié au traitement de la délinquance juvénile.
Le juge des enfants tire sa spécialisation de son mode d’intervention. Attaché à la personne de l’enfant, il intervient aux différentes étapes de la procédure dans la durée et la continuité afin d’adapter avec souplesse la réponse judiciaire à un parcours individualisé.
La décision judiciaire répond à l’acte délictueux à l’origine de sa saisine mais se tourne aussi vers l’évolution d’une personnalité dans l’intérêt du mineur concerné et de la société à laquelle il appartient.
Le juge des enfants, du fait de l’individualisation du suivi, est aussi le garant de la cohérence de l’intervention des différents acteurs (policiers, éducatifs, judiciaires) dans le cadre d’une même procédure.
La diversité des causes à l’origine de la délinquance juvénile et des parcours des mineurs mis en cause fait que pour être efficace et juste le traitement judiciaire doit pouvoir intervenir au bon moment, s’adapter à chaque situation et suivre une trajectoire tournée vers le futur.
En effet la finalité est bien de construire un projet, de laisser une empreinte durable et non pas de cumuler des réponses ponctuelles, sans avenir quoique immédiates.
Pour concilier ces impératifs divers mais complémentaires (intérêt du mineur, de la victime et de la société), l’AFMJF a élaboré un projet de réforme de la justice pénale des mineurs qui impose une réactivité de la réponse (convocation devant le juge des enfants dans un délai inférieur à deux mois) mais qui diffère le jugement à une phase de mise à l’épreuve (par le système de la césure du procès avec possibilité de désintéressement rapide de la victime). La présence du parquet et de la défense à chaque stade de la procédure est nécessaire mais le juge des enfants doit conserver la maîtrise de l’orientation de la procédure pour en garantir la cohérence et la pertinence.
En effet, plutôt que d’accélérer à tout prix l’étape du jugement il convient de s’appuyer sur une procédure réactive qui garantisse que l’enfant poursuivi suite à une infraction soit convoqué rapidement par le juge des enfants et que les mesures ordonnées soient rapidement effectives. Les délais de l’audiencement doivent être réduits par l’allocation de moyens humains à la hauteur des besoins.
A l’opposé de cette conception, pourtant éprouvée par l’expérience, le projet de réforme écarte le juge des enfants des moments clés du suivi judiciaire et le prive des attributs constitutifs de son efficacité.

Les articles 17 et 26 du projet de loi généralisent le renvoi direct par le parquet des mineurs poursuivis vers la juridiction collégiale de jugement  : tribunal pour enfants ou tribunal correctionnel pour mineurs.
En effet, le nouvel article 8-3 permettra au procureur de la République de faire convoquer par officier de police judiciaire un mineur dès l’âge de 13 ans directement devant le tribunal pour enfants. Les seuils de peine fixés pour relever de cette procédure (5 ans pour les mineurs de 13 ans ; 3 ans pour les mineurs de 16 ans) aboutiront à ce que la quasi-totalité des mineurs poursuivis ne bénéficiera plus de la phase pré-sentencielle, pourtant extrêmement fructueuse pour engager un travail sur la prise de conscience, la mobilisation de l’environnement, l’élaboration d’un projet éducatif.
Dans le système actuel, un mineur est, avant son jugement, mis en examen par le juge des enfants qui peut décider d’une mesure complète d’investigation mais qui peut aussi ordonner une mesure éducative qui a pour objectif d’accompagner le mineur dans sa réflexion sur la commission des délits, dans son intégration des lois et dans son évolution durable. Le jour du procès, le juge des enfants ou le Tribunal pour enfants décideront de la sanction la plus adaptée au regard tant des faits commis que de l’évolution du mineur. La systématisation des convocations directes devant la juridiction de jugement ne laisse plus de place à un travail éducatif s’appuyant utilement sur l’échéance du procès à venir comme levier d’un travail auprès du jeune et de sa famille et ne laisse plus au mineur le temps d’évoluer avant son jugement.
A contrario, l’article 17 du projet de loi décide de supprimer les convocations par officier de police judiciaire pour jugement en cabinet. Cette suppression est peu compréhensible, cette procédure permettant de juger rapidement des affaires simples, avec possibilité de désintéresser la victime dès la première audience et d’ajourner si nécessaire la décision pour le mineur, le temps par exemple d’une investigation ou d’une réparation.

La nouvelle rédaction de l’article 14-2 réintroduit la comparution immédiate des mineurs rejetée le 10 mars par le Conseil Constitutionnel, puisqu’un mineur sans antécédents pénaux (mais déjà enfant en danger !) pourra être jugé sans la mise en œuvre préalable d’une mesure éducative en vue de son relèvement.

Au final, l’orientation des poursuites et le traitement ne seront donc guidés que par le rythme du travail des services d’enquêtes et la chronologie des passages à l’acte mais plus construits en tenant compte d’une progression et d’une analyse de chaque cas soumis à la justice.
Pourtant, ces dernières années le co-audiencement a été généralisé dans cet objectif, les trinômes judiciaires ont été institués afin de concilier les différents paramètres pour parvenir à un traitement ajusté.
Seul un juge des enfants œuvrant en cabinet, engagé au quotidien dans un partenariat avec les services éducatifs peut tendre vers cette individualisation nécessaire au cas par cas.
Le parquet intervient « en temps réel » en lien avec les seuls services d’enquête et ne peut pas disposer de l’ensemble des informations utiles à cette décision, ni prendre le recul nécessaire.
Les arguments qui ont conduit à renoncer à la suppression du juge d’instruction sont ici oubliés et le juge des enfants disparaît de la phase pré-sentencielle.

Il apparaît indispensable, pour une justice cohérente, efficace et comprise par les parties, de maintenir une période d’évolution préalable au jugement au fond de l’affaire et une mise en état impliquant le juge des enfants, tout en prévoyant des échéances et des délais clairs.

Le projet en examen instaure une justice des mineurs bicéphale.
D’un coté le parquet qui, d’une part conduit les mesures prises dans le cadre de la 3ème voie (plus de 50% des procédures concernant les mineurs) et d’autre part reprendra la main pour les mineurs les plus connus de la justice.

Par contre, l’intervention du juge des enfants en matière pénale se trouve marginalisée. Il est dessaisi, de fait, des situations les plus complexes qui requièrent pourtant une adaptation réfléchie, concertée et souple de la réponse judiciaire.
Il sera amené à juger devant le tribunal des mineurs qu’il n’aura pas suivi antérieurement. Sa spécialisation ne résultera plus que de son titre et non plus de son savoir faire. Il ne s’agira plus que d’un habillage.
La spécificité de notre système judiciaire, considéré comme un modèle d’inspiration en Europe, est démantelée !
Cette justice à 2 vitesses ne peut qu’aggraver la critique unanime du manque de lisibilité et de cohérence entre les décisions prises par les parquets en alternative aux poursuites et la saisine ultérieure du juge des enfants.

Par la création du tribunal correctionnel pour mineurs

En 1912, le tribunal pour enfants et pour adolescents fut la première juridiction spécialisée.
Son échec s’explique par le fait que la loi affirmait la nécessité d’une justice spécialisée sans créer les organes et la procédure pour la mettre en œuvre.
C’est pourquoi, le juge des enfants, sera institué en 1945, garant du système par la procédure qu’il est tenu d’appliquer : suivi dans la durée des différentes procédures attachées à un même enfant, articulation constante avec les services éducatifs en charge des mesures qu’il ordonne.
Dans sa lignée est institué le tribunal pour enfants, présidé par le juge des enfants et composé de deux assesseurs, citoyens portant un intérêt particulier aux problèmes de l’enfance.
Il peut prononcer des mesures éducatives, des sanctions éducatives ou des peines et a même la possibilité (à des conditions élargies par les lois de 2007) d’écarter l’atténuation de la peine pour les mineurs âgés de plus de 16 ans.
L’article 29 du projet entend créer un tribunal correctionnel pour mineurs pour apporter « une réponse pénale plus solennelle aux mineurs les plus âgés qui ont déjà été condamnés » selon l’exposé des motifs. Seule la présence d’un juge des enfants dans la composition le distingue du tribunal correctionnel de droit commun. Il est tenu aux mêmes textes que le tribunal pour enfants.
Cette « innovation » nous ramène à l’expérience de 1912 avec les mêmes limites et les mêmes écueils.
Par son existence même elle porte le discrédit sur le tribunal pour enfants, suspecté d’incompétence, puisque pour les situations les plus complexes il est dessaisi au profit d’une juridiction qui dispose pourtant des mêmes prérogatives.
Il est paradoxal qu’un texte, qui entend faire participer les citoyens à la justice, marginalise les assesseurs du tribunal pour enfants, représentants de la société civile qui contribuent à la satisfaction de tous à l’œuvre de justice. Leur mode de sélection et la régularité de leur présence garantissent leur investissement et devrait tout au contraire inspirer le législateur d’aujourd’hui.
La présence d’un juge des enfants dans la nouvelle composition n’est qu’un simple alibi pour tenter de rendre l’institution conforme aux exigences constitutionnelles. En effet, la spécialisation du juge des enfants tient en grande partie à son mode d’intervention. Ici, il sera simplement associé au jugement d’adolescents dont il n’aura pas assuré le suivi.
En réalité la création du tribunal correctionnel est une nouvelle tentative d’aligner le traitement des mineurs sur celui des majeurs et de parvenir à un abaissement déguisé de la majorité pénale.
Enfin, la surcharge des tribunaux correctionnels, la tardiveté des audiences et la longueur des délais d’audiencement constitueront des freins à la faisabilité du projet. Les audiences concernant les mineurs récidivistes impliquent nécessairement de prendre du temps pour comprendre la personnalité du jeune, évoquer son parcours et les projets en cours, donner la parole aux parents et aux services éducatifs ; ce sont des audiences longues peu compatibles avec le fonctionnement et l’audiencement du tribunal correctionnel.
La spécificité des mesures exige une formation pour être comprises que des assesseurs citoyens ne pourront pas acquérir, faute de temps et d’appétence (contrairement aux assesseurs des tribunaux pour enfants, installés dans la durée et choisis en fonction de critères personnels et professionnels)
L’organisation et les effectifs des tribunaux ne permettront pas de garantir la présence de juges des enfants à chacune de ces audiences. Dans les grandes juridictions comptant plusieurs juges des enfants, il sera impossible que le juge des enfants en charge du suivi du mineur siège. Pourtant des textes récents (application des peines Perben 2) prévoient de privilégier « le juge des enfants qui suit habituellement le mineur »

Le projet de nouvel article 24-1 prévoit l’automaticité du renvoi devant le tribunal correctionnel des mineurs en état de récidive légale poursuivis pour une infraction pour laquelle la peine encourue est supérieure ou égale à 3 ans.
Le juge des enfants et le juge d’instruction perdent tout pouvoir d’appréciation quant à l’orientation de la procédure.
Au fil des réformes la souplesse de l’intervention du juge des enfants, présumé laxiste malgré des statistiques judiciaires qui démontrent du contraire, est supprimée.
Cette volonté de systématiser le traitement judiciaire démontre l’ignorance de la réalité et des ressors de la délinquance juvénile, laquelle appelle des réponses différentes selon le développement d’un parcours et d’une personnalité.
La rigidité de la procédure conduit à perdre du temps pour des situations qui ne le justifient plus et de ne pas en disposer suffisamment pour les cas qui exigent une véritable réactivité.
De nombreuses situations risquent dorénavant d’échapper à la diversité des mesures et à la continuité du suivi du juge des enfants.
En effet avec la généralisation des jugements immédiats, de nombreux d’adolescent de plus de 16 ans pourront être jugés en récidive, sans que l’on ait tenté d’inverser leur parcours.

Il convient de souligner que malgré une volonté affichée de rendre plus lisible la justice des mineurs, le projet de loi la complexifie au contraire largement par l’empilement de procédures applicables (convocations devant le Juge des enfants, devant le Tribunal pour enfants, devant le Tribunal correctionnel statuant sans jurés populaires, devant le Tribunal correctionnel statuant avec jurés populaires), selon des critères de compétence multiples, source d’erreurs pour les professionnels et d’incompréhension pour les justiciables.

#3#III/ Les parents présumés coupables

Le projet de réforme prévoit par un nouvel article 6-1 d’assurer l’information des parents par tous moyens des décisions soumettant les mineurs à des obligations et des interdictions. Il faut espérer que par l’application de l’article 10 des textes actuels, l’information complète des parents est déjà assurée pour l’ensemble des mesures concernant leur enfant. Ils doivent en effet être avisés, informés et entendus.
Par la rédaction projetée de l’article 10-1, il pourrait être désormais possible de faire comparaître les parents absents par la force publique.
Rappelons tout d’abord que la grande majorité des parents se présentent devant les juridictions des mineurs car ils sont soucieux et concernés par la situation de leur enfant.
Quand ils sont absents les services éducatifs et le juge des enfants vont déployer leur savoir faire pour comprendre les raisons de leur carence et pour les inciter à exercer leurs responsabilités parentales, sachant que le travail avec les familles est un levier essentiel pour résoudre les difficultés d’un adolescent.
Dans les cas exceptionnels d’un désintérêt manifeste et volontaire, le comportement des parents peut être poursuivi du chef de leur propre responsabilité pénale.
Comme le conseil constitutionnel l’a rappelé le 10 mars 2011, les civilement responsable ne peuvent pas faire l’objet de poursuites au lieu et place de leur enfant.

#4#IV/ Des mesures éducatives détournées

Il est question dans ce projet de loi d’étendre la possibilité de placement en CEF au plus grand nombre des mineurs de 13 à 16 ans.
Il s’agit d’un moyen d’élargir les possibilités d’incarcération des plus jeunes.
Il conviendrait d’inciter le législateur à s’intéresser à l’ensemble du panel des mesures éducatives, à analyser les manques et les besoins tant en milieu ouvert qu’en matière de placements.
Les juges des enfants qui travaillent avec les CEF peuvent témoigner de l’intérêt mais aussi des nombreux écueils de cette prise en charge d’autant plus quand elle est décidée faute de place dans les autres structures.

Enfin, sans recul, ni réflexion préalable il est proposé d’appliquer la surveillance électronique dés l’âge de 13 ans.
N’est pas ainsi que l’on banalise la réponse de la justice à la délinquance des mineurs et que les adultes démissionnent de leurs responsabilités !

Après la lecture et l’analyse de ce projet, le traitement de la question grave que recouvre la délinquance juvénile se voit sacrifié à une simple posture sans préoccupation de ses incidences.